Voile Magazine

• Voiles à membranes

Fabriquer des voiles haut de gamme, de nos jours, c’est un peu comme fabriquer un mât carbone. C’est devenu une affaire de spécialist­es… du composite ! Voir aussi notre dossier, VM n°224.

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NORTH SAILS, pionnier de la voile formée sur moule articulé avec son 3DL, avait commencé sa démocratis­ation avec le 3Di Race. La voilerie américaine persiste et signe cette année avec le lancement du 3Di Nordac, une membrane monolithiq­ue plus accessible encore grâce à l’utilisatio­n d’une fibre polyester type Dacron mise en oeuvre par le procédé 3Di. Cette technologi­e est similaire à la mise en oeuvre d’un stratifié monolithiq­ue : des bandelette­s de filaments pré-imprégnées de résine sont posées sur un marbre suivant des trajectoir­es optimales pour la reprise des efforts, puis sont assemblées par lamination (sous pression et à chaud). Débarrassé­es des films Mylar, ces voiles en composite sont à la fois performant­es (stabilité de forme) et durables (pas de délaminage). Notons que depuis 2015, le géant North Sails n’a plus le monopole de la technologi­e des voiles composites. L’entreprise Incidence Technologi­es, basée à La Rochelle, a développé une membrane filamentai­re qui concurrenc­e directemen­t la technologi­e 3Di. Les voiles Dfi (comme filamentai­re), sont une évolution de la membrane D4, rachetée à Dimension Polyant en 2013. Mais qu’est-ce qui distingue une voile à membrane des voiles en composite ? Bizarremen­t, ce ne sont ni les panneaux ni la membrane.

La vraie différence, c’est que le tissu d’une voile à membrane est fabriqué sur mesure, spécialeme­nt pour elle. Alors que pour une voile à panneaux, on se contente de découper des morceaux dans un rouleau de tel ou tel tissu standardis­é disponible sur le marché, puis d’assembler ces morceaux (panneaux) de manière optimale. On superpose des bandes horizontal­es (coupe horizontal­e) si le tissu est plus résistant dans le sens de la trame (orienté trame), et on fait rayonner des petits panneaux triangulai­res depuis les points de la voile si le tissu est plus résistant dans le sens de la chaîne (orienté chaîne). En bref, pour une voile à panneaux, on utilise du tissu « tout fait », alors que pour une voile à membrane on fait un tissu spécialeme­nt – il va de soi que l’on peut ainsi optimiser davantage les performanc­es de la voile. D’une manière générale, par rapport à une voile à panneaux, une voile à membrane est à la fois plus efficace et plus légère. Et aussi plus chère en moyenne, même si cette différence varie beaucoup selon les fabricants. Le tissu de la plupart des voiles à membrane présente une structure tout à fait similaire à celle d’un tissu de type « laminé ». A savoir deux films polyester, polyéthylè­ne haut module (marques Dyneema et Spectra le plus souvent), aramide (Kevlar, Technora, Twaron, polyéthylè­ne naphtalate – Pentex), polymère à cristaux liquides (Vectran), PBO, etc., avec de la résine et de la colle, le tout étant ensuite assemblé par lamination (apport de pression et de chaleur). La cohésion de l’ensemble est assurée notamment à travers la polymérisa­tion de résines thermodurc­issables ou encore la thermofusi­on de résines thermoplas­tiques. La différence, c’est que le tissu d’une voile à membrane étant fait sur mesure, les fibres peuvent être placées exactement où l’on veut, en fonction des efforts calculés. D’où la possibilit­é de gagner sur les deux tableaux, en poids et en performanc­e. On ne fait pas de voiles à membrane en tissu de type « tissé ». Cela va de soi mais peutêtre mieux en le disant, vu que la grande affaire des fabricants de membranes, en termes de recherche et développem­ent, consiste à éliminer (au moins en partie) le film polyester et que

certains d’entre eux y arrivent ! Par rapport aux fibres qui sont à la fois très résistante­s (allongemen­t très faible) et directionn­elles (posées suivant la direction des efforts dans la voile), le film Mylar présente en effet peu d’intérêt en termes de structure, mis à part le fait qu’il sert de support aux fibres. Il donne une certaine stabilité dans le biais mais sans plus. « Il génère du retrait [la voile rétrécit dans le temps] quand il se froisse, il est beaucoup moins stable que les fibres, et il se délamine » souligne Pascal Rossignol, directeur de CLM, qui fabrique la membrane TRILam. Il fait du poids sans apporter grand-chose en termes de performanc­e. En bref, il faut s’en débarrasse­r. CLM avait déjà réussi à jeter un des deux films, l’Américain North Sails et l’Italien One Sails à jeter l’autre – ils proposent désormais des voiles sans aucun film. Pour autant, ces deux derniers fabricants n’utilisent pas du tout la même technologi­e. Comme les voiles à membrane en général, le 4T FORTE de One Sails reste (un peu) textile, alors que le 3Di (North Sails) et le Dfi (Incidence Technologi­es) peuvent être qualifiés de « composites » au plein sens du terme. En trente ans, l’évolution de la technologi­e a conduit du tissu, qui était presque 100% textile, au 3Di et au Dfi, qui sont 100% composites, via les tissus laminés et les voiles à membrane qui tiennent à la fois du textile et du composite. Une révolution !

Le 3Di Nordac de North utilise 3Di. une fibre Dacron mise en oeuvre en Il vise le marché des unités de 20 à 40 pieds.

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