• Cordages
Si le polyester répond à 80% des besoins d’un voilier de croisière en matière de cordages, du type d’âme, de tressage et des mélanges de matière dépendront sa résistance à la tension, à l’usure, aux UV et sa prise en main.
RAPPELONS QUE LE TERME « gréement courant » désigne tous les cordages servant à manoeuvrer les voiles, auxquels s’ajoutent ceux pour amarrer le bateau et mouiller l’ancre. Après des siècles d’expérience, leurs techniques de fabrication n’évoluent plus qu’à la marge, mais les fibres utilisées aujourd’hui n’ont plus grand-chose à voir avec les matériaux traditionnels d’autrefois, comme le chanvre ou le coton. Les fibres continues sont réunies par brins puis par torons torsadés, trois torons formant un filin. Elles peuvent aussi être tressées sous la forme d’une gaine tubulaire entourant ou non une âme centrale à fils parallèles ou tressés. La gaine protège l’âme contre l’usure et les UV, et améliore le confort de la prise en main. Selon l’entrelacement des brins (ou fuseaux), la gaine comportera ainsi 8, 16, 24 ou 32 fuseaux. Dans ce type de cordage, les efforts purement mécaniques sont essentiellement repris par l’âme. Une structure plus récente permet, via un tricotage 3D, de solidariser l’âme avec la gaine, afin de stabiliser le cordage, augmenter sa résistance et améliorer sa prise en main. Mais elle tend à augmenter la raideur du cordage et il faudra veiller à éliminer tout risque de ragage le long de son circuit. Compte tenu de l’amplitude des prix des cordages, il conviendra de choisir le textile le mieux adapté, techniquement et financièrement, à l’application prévue, d’autant que sa durée de vie est limitée. Inutile d’utiliser une tresse à haute ténacité en lieu et place d’une simple garcette Nylon ou de recycler une vieille écoute en amarre ! Les conséquences d’une rupture d’amarre risquent d’être plus coûteuses qu’un cordage à 2 € le mètre !
Un cordage, un usage
Pour les drisses, privilégiez la résistance à l’usure et à l’allongement sous charge. Pour les écoutes, préférez la souplesse, le confort de prise en main et la résistance à l’abrasion. L’élasticité des amarres et du mouillage permettra d’amortir les à-coups. Dans tous les cas, veillez à adapter tous les réas et taquets au type de cordage utilisé et à son diamètre, les désaccords pouvant s’avérer désastreux au point de ruiner les réglages de voilure. Le port de gants est fortement recommandé pour ne pas se blesser et faciliter les manoeuvres des cordages d’un diamètre inférieur à 10 mm.
Noeuds et épissures
L’impressionnante résistance statique des cordages modernes ne doit pas faire oublier qu’un simple noeud fait perdre de 30 à 60% environ des performances initiales. On veillera donc à choisir leurs diamètres avec une marge de sécurité confortable, en restant dans une plage de travail à 20-25% de la charge de rupture nominale, et à privilégier les épissures qui ne diminuent la résistance que de 5 à 10%. Les fabricants proposent de nombreux accessoires facilitant ce travail de matelotage essentiel.
Entretien et durée de vie
Les cristaux de sel s’accumulant dans les fibres ont une action extrêmement abrasive qui finit par endommager les cordages de l’intérieur, en particulier les écoutes. Veillez par conséquent à les rincer régulièrement à l’eau douce et, si possible, à les hiverner à l’abri et à l’ombre (le rayonnement UV est néfaste pour presque tous les polymères), dans un lieu sec et aéré. Les drisses frottant toujours au même endroit sur les réas, taquets
et autres renvois, vous pourrez prolonger leur durée de vie en les inversant ou en les raccourcissant périodiquement de 10 ou 20 cm pour éviter toute usure localisée.
La bonne longueur
Pour calculer (« à la louche ») les longueurs nécessaires pour les cordages du bord, appliquez les règles suivantes : multipliez la hauteur du mât par 3 pour estimer la longueur de la drisse de génois et de spi. Pour la drisse de grand-voile, multipliez la hauteur du mât par 2,5. En multipliant la longueur du bateau par 1,5 on obtient la longueur de l’écoute de génois. L’écoute de grandvoile dépend de la puissance de son palan, de la présence de renvois ou non, du type de circuit etc. Mieux vaut procéder sur place de manière empirique, bôme débordée à fond, et rajouter une largeur de bateau pour la partie dormante. Pour définir la résistance approximative de la drisse de génois, de grand-voile et de spi, multipliez la surface du génois par 80, celle de la grand-voile par 100 et celle du spi par 30. Le résultat, en kg, correspond à la charge de rupture. Comptez une charge de travail de moitié.
Conseils pratiques
Un gréement courant bien né ne doit frotter nulle part tout au long de son circuit. Surveillez et corrigez avec un soin maniaque toutes les zones problématiques. Répété tout au long de la saison, le moindre ragage sur une pièce métallique d’accastillage ou de fixation viendra à bout de n’importe quel cordage, aussi performant soit-il. Une gaine effilochée, un toron rompu ou une âme apparente sont toujours suspects et exigeront de remplacer rapidement le suspect, de trouver l’origine du problème et de le corriger aussi vite que possible. Evitez de stocker les cordages en vrac sur le sol. Lovez-les soigneusement et suspendez-les dans un coffre aéré.
Un voilier de croisière de 12 mètres embarquant pas moins de 300 mètres de cordages divers, pour la plupart consommables, on comprendra que le budget d’entretien grimpe assez vite, en particulier sur les multicoques dont le plan de pont est vaste et large. La résistance mécanique de l’accastillage doit être accordée avec la charge à supporter et pas seulement avec le diamètre des bouts, de plus en plus réduit grâce aux fibres à haute ténacité, sinon gare à la casse !