• Cartographie
Fruit d’une histoire millénaire, la carte marine a subi en quelques années une évolution majeure liée à la technologie numérique, qui a bousculé les pratiques du plaisancier et aussi celles du marché.
LE CONCEPT DE CARTE
électronique a été défini en 1985 par l’Organisation maritime internationale, en établissant des normes communes pour les ENC (Electronic Navigational Chart) et les systèmes d’affichage de traitement des données ECDIS (Electronic Chart Display & Information System) professionnels, version embarquée des SIG. Fondamentalement, l’usage de la carte électronique ne diffère pas du document papier : situer géographiquement le navire, décrire et délimiter les zones et objets à éviter, tracer sa route de manière sûre et mettre à jour régulièrement toutes ces informations. Couplé à un GPS qui réactualise la position jusqu’à dix fois par seconde, un ECDIS peut ainsi afficher en temps réel la progression du navire sur un fond de carte. Ce dernier existe sous deux formats différents, raster ou vectoriel. Le premier n’est pas reconnu par les autorités et ne le sera jamais car le format raster ne répond pas au cahier de charges des ENC, en particulier les exigences relatives aux mises à jour. Ces cartes, puisées dans les fonds papier des services hydrographiques, ne sont considérées que comme des aides à la navigation, un point que les éditeurs rappellent généralement dans leurs écrans d’accueil. Les cartes vectorielles ont un seul format officiel, le S57, défini en 1992 par la conférence de Monaco. Les services hydrographiques sont aujourd’hui lancés dans un gigantesque travail de numérisation de leurs fonds mais, compte tenu de son ampleur financière, la fabrication des cartes S57 suit en priorité la route des navires de commerce et moins celle des plaisanciers, généralement soucieux de l’approche locale (la couverture des côtes portugaises et italiennes est, par exemple, peu détaillée). Pour la même raison, les eaux intérieures sont exclues d’office. L’orientation professionnelle se retrouve également au niveau des tarifs, plus élevés que ceux de la concurrence privée...
La carte électronique existe sous deux formats radicalement différents, le raster ou matriciel RNC (Raster Nautical Chart) et le vectoriel ENC. La carte raster est obtenue à l’aide
d’un scanner à haute définition qui fournit l’image exacte d’un document papier, avec les mêmes qualités et les mêmes défauts. Toutes les données, textes compris, sont représentées à l’écran sous forme de points élémentaires (ou pixels), identiques à ceux d’une photographie numérique. La qualité de rendu est optimale à l’échelle originale du scan, mais toute variation du niveau de zoom, dans un sens comme dans l’autre, engendre immanquablement une perte de lisibilité. Elle est plus ou moins accentuée selon la taille et la qualité de l’écran, mais les performances des algorithmes de calcul de l’image jouent aussi un rôle important dans le rendu de l’affichage.
Les cartes raster sont peu coûteuses à fabriquer
Les informations géographiques étant celles de la carte papier et non d’une base de données numériques, aucune opération de filtrage, de tri ou de modification n’est possible. Pour la même raison, l’orientation cap en haut de la route suivie engendrera une rotation complète de toute la carte, texte compris, ce qui ne facilite guère la lecture. Le passage d’une carte à l’autre, nécessaire pour changer d’échelle ou de zone de navigation, est conçu pour ne pas faire apparaître les cadres (fonction seamless) mais le résultat est loin d’avoir la fluidité et la continuité du vectoriel. Compte tenu de la variété des référentiels utilisés dans les cartes papier, l’éditeur de cartes raster doit géo-référencer les documents originaux avec beaucoup de soin pour garantir la cohérence du point GPS d’un document à un autre. Peu coûteuses à fabriquer, les cartes raster ont l’avantage d’une excellente couverture mondiale puisqu’elles héritent des relevés accumulés depuis des décennies par tous les services hydrographiques de la planète et elles ne changent en rien les habitudes de l’usager des cartes papier, ni à leur esthétique. Mais leur mise à jour dépend de la bonne volonté de l’éditeur à scanner de nouveaux documents. La disparition de Maptech, premier éditeur de cartes raster (BSB) du monde entier, confirme la tendance, mais un éditeur allemand, NV Charts, et un français, ScanNav, ont repris avec succès le flambeau des cartes raster. Plus sobre en quantité de mémoire, la carte vectorielle n’est pas décrite à l’aide de points élémentaires mais de vecteurs mathématiques qui permettent de figurer, à n’importe quelle échelle,
tous ses éléments, trait de côte, bouées, feux, isobathes, courants, textes... et de les organiser en couches superposables. Les données proviennent des cartes existantes, qui sont retracées à l’aide de tables à digitaliser, et des bases de données des services hydrographiques qui revendent leurs licences aux acteurs privés du marché. Par rapport au raster, l’architecture vectorielle apporte un grand nombre de nouvelles fonctionnalités :
- l’affichage peut être fait à la demande ou automatiquement en fonction de l’échelle, en cachant toutes les informations inutiles. - Le référentiel WGS84 unique garantit la cohérence, la précision et la continuité du point.
- La qualité visuelle est la même quelle que soit l’échelle, puisque les éléments de la carte sont recalculés en permanence. - La rotation « cap en haut » n’affecte pas les textes, qui restent horizontalement lisibles en toutes circonstances.
- Il est possible de coupler des alarmes de proximité avec le GPS. - La mise à jour est simplifiée par simple modification de la base de données via internet.
Les acteurs du marché
Afin de promouvoir et de commercialiser les cartes ENC officielles, les principaux services hydrographiques européens ont confié à la société norvégienne PRIMAR la gestion du réseau des distributeurs agréés. Du côté des opérateurs privés, C-Map, Navionics et Garmin Bluechart font l’essentiel de l’offre en cartes vectorielles depuis les années 1980 mais, jusqu’alors indépendants, ils sont désormais entrés dans le giron de deux poids lourds du secteur de l’électronique, Navico qui a racheté C-Map et Garmin, désormais propriétaire de Navionics. Ces firmes sont dorénavant en charge de fournir leurs concurrents, comme Raymarine, Humminbird ou Furuno. Officiellement rien ne change, et les règles contractuelles du commerce s’appliquent mais cette situation inédite pourrait à terme générer des tensions. C-Map propose déjà de remplacer votre carte Navionics ou Bluechart par une C-Map à moitié prix et les procédures d’enregistrement des cartes en ligne permettent de créer facilement la base de données clients de la concurrence ! L’autre question en suspens est celle du devenir de Bluechart qui, économie d’échelle oblige, devrait sans doute fusionner à terme avec Navionics. Mapmedia, un éditeur lié au Japonais Furuno, développe de son côté une cartographie de haut niveau mm3D, qui fusionne dans une même image tridimensionnelle « mappée » des données raster ou vectorielles (d’origine C-Map et Navionics) affichées en temps réel grâce à un puissant moteur graphique (Time Zero). Elle n’est lisible que par le logiciel de navigation Maxsea Time Zero, et par la série des multifonctions Furuno Navnet. Côté raster, restent l’Allemand NV Charts, qui propose des cartes pour l’Europe et les USA, et le Français ScanNav qui développe des packs de cartes raster, SnMap, à zone large, issues des fichiers des services hydrographiques français, italien et britannique, et fournis sous trois supports, papier, CD et application smartphone/tablette. Mais la couverture se concentre sur les eaux européennes, les Antilles et les grands routiers.