Dongfeng avec la manière!
Avoir trois concurrents à égalité de points au départ de la dernière étape de la course autour du monde en équipage, cela ne s’était jamais vu. Mais voir un équipage – français, qui plus est – arracher la victoire avec un le talent, le panache et ce brin de folie qui fait la différence… c’est tout simplement jubilatoire. L’histoire est belle, si belle et si intense qu’elle restera gravée dans l’histoire de la course au large et dans l’histoire tout court. Au départ de cette dernière étape, trois équipages pouvaient gagner le tour du monde. Mapfre, qui avait dominé la course avant de marquer le pas à partir de la Nouvelle-Zélande. Brunel, dont la dynamique semblait irrésistible, notamment grâce à l’incroyable talent de son jeune barreur néo-zélandais Peter Burling. Et enfin Dongfeng, qui courait toujours après une victoire d’étape mais avait été suffisamment régulier pour tenir son rang au classement général – grâce notamment au point de bonus accordé au concurrent le plus rapide en temps cumulé. Dongfeng, souvent mal payé de ses efforts, voire franchement malheureux comme à Newport où les Franco-Chinois étaient restés englués dans la pétole tandis que toute la flotte ou presque les passait après 5 000 milles de course aux avant-postes. Dongfeng, parfois battu en vitesse, comme sur l’étape transatlantique face à Brunel. Et c’était encore le cas sur cette dernière étape au parcours compliqué entre Göteborg et La Haye quand, après avoir mené les débats pendant deux jours, le bateau chinois était dépassé par Mapfre dans le sprint final vers La Haye. On ne voyait pas très bien, alors, comment la victoire pouvait échapper aux Espagnols dans ce flux de nord-ouest bien établi. C’était compter sans la malice de Pascal Bidégorry, le navigateur de Dongfeng, qui avait préparé son coup avec le routeur de l’équipe, Marcel Van Triest. Plutôt que de suivre la route directe entre les zones de séparation de trafic de la mer du Nord, il a fait plonger Dongfeng plein sud le long des côtes danoises, puis néerlandaises, prenant même jusqu’à 50 milles de retard sur ses concurrents. Se glissant entre les bancs de sable, Dongfeng jouait avec le feu mais bénéficiait d’un angle plus favorable en fin de parcours et coiffait finalement tout le monde sur le poteau ! Il fallait de la lucidité, des convictions et des tripes pour sortir un coup pareil, et les célébrations qui suivirent le passage de la ligne n’en furent que plus folles… et plus poignantes. La victoire de Dongfeng couronne deux années d’efforts, un travail de fond sur la performance mais aussi sur la cohérence et la stabilité d’un équipage qui n’était pas forcément le plus capé, mais qui avait commencé ses entraînements très tôt. Elle fut dure, cette course, il fut cruel, ce tour du monde. Marie Riou, contactée au téléphone, ne s’en cache pas. L’expérience fut fantastique, mais elle n’est pas près d’y retourner… Elle préfère revenir à son cher olympisme, et à Billy Besson qui va reformer avec elle la dream team du Nacra 17 en vue des JO de Tokyo ! Du reste, Dongfeng sera-t-il de la prochaine Volvo ? Difficile à dire alors que le format et le modèle économique de la course sont en plein chambardement. Volvo débarque, les repreneurs ouvrent les portes à l’IMOCA avec qui ils ont signé un accord… La future Volvo pourrait se courir sur les mêmes 60 pieds que le Vendée Globe, mais servis par des équipages de cinq marins. En attendant, on savoure cette victoire qui conclut de la plus belle manière les années Volvo en monotypie.