Voile Magazine

Pascal Bidégorry : « Cohérents jusqu’au bout »

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Quelle étape de dingues ! Vu depuis la terre, on a eu l’impression d’une option très risquée… Comment porte-on une telle décision, en tant que navigateur ? De notre point de vue, ce n’était pas ça du tout. Cette trajectoir­e à terre, nous l’avions préparée avant le départ avec Marcel (Van Triest, le routeur). Pour nous, c’était clairement l’option à prendre. La vraie question, pour moi, c’est plutôt : pourquoi

Mapfre a-t-il continué sur la route ouest ? J’aurai sans doute l’occasion d’en parler avec eux cette semaine (la semaine suivant l’arrivée du 24 juin, ndlr), je me demande vraiment pourquoi ils ne l’ont pas fait. C’était le choix logique, on a quand même un peu les mêmes outils… Après, c’était pas un choix facile parce qu’il faut accepter de perdre d’abord pour espérer « passer à la caisse » ensuite. Quand j’ai dit à Charles « On y va », je n’avais pas de doute, mais ensuite tu regardes quand même les classement­s, les milles de retard qui s’accumulent – jusqu’à 50 selon les calculs du tracker de la course, ce qui est largement exagéré à mon avis –, les autres te posent des questions… L’autre difficulté, c’est que c’était une route beaucoup plus exigeante en termes de manoeuvres avec des changement­s de voile d’avant à répétition, dont certains dans des conditions très dures. Et enfin un pilotage au plus près des bancs de sable. Le long de la côte, on avait un angle idéal, pas de mer, donc des conditions pour aller à 25 noeuds, mais parfois pas plus de 20 cm d’eau sous la quille, c’est chaud. Talonner à cette vitesse-là, ce jour-là… tu imagines ? Ça aurait pu arriver, j’y ai pensé jusqu’à la ligne ! Du coup, on a pris un peu de marge par endroits, entre ça et le dévent des champs d’éoliennes, que j’avais un peu sous-estimé, on a perdu un peu plus de 3 milles je pense par rapport à notre trajectoir­e idéale. Un peu plus et on se retrouvait juste derrière Mapfre à l’arrivée… Ça aurait pu arriver, je l’avais en tête. Mais c’est passé !

Vous n’avez pas été tentés de rester au contact des Espagnols, qui étaient à 1,5 mille devant vous à ce moment-là ?

Dans le passé, on aurait peut-être fait cette erreur. Naviguer en fonction des autres nous a parfois coûté cher, comme dans l’étape entre Lisbonne et Le Cap. Là où on peut être fiers, c’est que cette fois-ci on a été solides, cohérents jusqu’au bout. Pendant toute cette course, on a quand même souvent manqué de réussite, pour ne pas parler de chance. L’arrivée à Newport est l’exemple extrême, mais il y a eu aussi plein de petits faits de course pas forcément connus du public… Ce qui est top, c’est que cette poisse ne nous a jamais désunis. On a continué

A Alicante, au départ, tu te disais impression­né par les CV des équipages adverses, les médaillés olympiques, les cadors de l’America. Au final, ils sont derrière.

C’est clair qu’il y avait un niveau de fous, et en plus certains ont beaucoup progressé. Brunel bien sûr mais aussi AkzoNobel, ils sont capables de tenir un tempo de malade, à l’image des 600 milles en 24 heures réalisés sur la transat. Nous on a attendu la dernière étape pour en claquer une, mais on a quand même été hyper-réguliers. J’ai pas mal de bons copains sur les bateaux concurrent­s… là je les laisse tranquille­s, mais tôt ou tard on refera le match. C’est vraiment une course très dure, on peut être fiers !

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à y croire et à travailler ensemble. C’est beau que ça paie à la fin.

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