Restauration La peinture de coque en amateur
La réussite d’une belle peinture de coque n’est pas nécessairement réservée aux professionnels, les amateurs aussi peuvent jouer du pétard… à condition que les conditions atmosphériques s’y prêtent.
TOKU EST UN ORQUE 70
sorti en 1979 du chantier Ultramar, sur plan de Daniel Tortarolo. Choyé par son unique précédent propriétaire, il a ensuite croupi pendant trois ans dans un bassin à flot du Sud Bretagne avant de changer de mains. Autant dire que son aspect extérieur nécessitait un peu de travail. Renseignements pris auprès de professionnels, notamment les sociétés spécialisées dans le « filmage » de coques : les devis dépassent la valeur vénale du bateau… acheté il est vrai à un prix très attractif. Une seule solution : réaliser ces travaux moi-même, pour rester cohérent avec l’esprit de cette acquisition : « petit budget, petit bateau, petits problèmes ». Un adage qui s’est vérifié !
1. La sortie d’eau (20 mn)
Rendez-vous est pris avec les services du port de Lorient pour un grutage le 9 mai. La météo a l’air clémente, et je dispose d’un forfait de cinq jours pour mener cette tâche à bien. Jusqu’ici, tout va bien.
2. L’état des lieux (30 mn)
Après un bon coup de nettoyage à haute pression, je mets à nu un antifouling qui a plutôt bien traversé l’épreuve du temps. Les oeuvres mortes, en revanche, désormais visibles à hauteur du visage, accusent le coup. Entre une bonne couche de crasse, des zones abîmées par le frottement des pare-battage et un léger faïençage probablement dû à des impacts, c’est toute la coque qui est à reprendre. Au travail !
3. Le ponçage (4 heures)
L’avantage des unités de ces années-là, c’est que l’échantillonnage était généreux : on peut se permettre d’appuyer un peu sans risquer de passer à travers la coque. Equipé d’un bon masque et de lunettes, j’attaque à la ponceuse orbitale au « 80 » puis au « 120 » pour éliminer tout ce qui dépasse, non sans mal. L’oeil est un bon repère pour travailler de façon homogène, mais la main nue l’est aussi : on peut ainsi sentir les aspérités.
4. Le nettoyage (40 mn)
Le ponçage laisse forcément de la poussière et des microparticules que je dois absolument faire disparaître avant de poursuivre. A grands coups d’air comprimé puis d’un jet d’eau, je « lave » ma coque poncée. Elle sèche très vite au soleil.
5. La préparation/début (2 heures)
Impossible de peindre sans « apprêter » la coque, pour permettre une accroche de ma peinture. Afin de combler les différences d’épaisseur et réparer mes angles abîmés, j’utilise un primaire dit « garnissant »,
qui va donc ajouter de la matière. A partir d’une base composée d’un durcisseur et d’un diluant, je « tartine » copieusement la coque au rouleau, en sachant qu’un nouveau ponçage sera de toute façon nécessaire. La journée se termine avec des bras fatigués, mais la coque présente déjà un tout autre aspect.
6. La préparation/suite (2 heures)
Rien de tel pour passer des courbatures que d’en remettre d’autres par-dessus ! C’est reparti pour une nouvelle session de ponçage, moins appuyé cette fois, car le principe est de lisser les aspérités sans débarrasser de sa matière la partie de la coque qui en réclamait. Pour plus de précision, je termine « à la main », en parcourant avec le disque abrasif les surfaces qui le nécessitent. Mes angles sont impeccables, et on peut sentir l’accroche mécanique que représente cette sous-couche. Un marquage de la ligne de flottaison et la protection du liston finalisent cette préparation.
7. La peinture 1/4 (30 mn)
Pour un meilleur rendu, je privilégie dans un premier temps l’application au pistolet. Ma peinture bi-composant est une laque bleu saphir, diluée selon les indications. Hélas, la météo commence à nous jouer des tours et un vilain courant d’air se glisse entre les bateaux sur bers. La suite est inévitable : « j’arrose » les bateaux voisins et risque de manquer de peinture ! Dommage, car le résultat était prometteur visuellement.
Le pistolet raccordé à un compresseur est efficace et rapide.
En vérifiant à nouveau la météo, je commence à prendre peur : on attend une dépression dans la soirée avec des averses…Pas d’autre choix que de remplacer mon pistolet par un rouleau et, à contrecoeur, de faire appel à un ami pour venir me prêter main-forte.
8. La peinture 2/4 (3 heures)
Armés de rouleaux laqueurs spécialement conçus pour l’application de peinture bi-composant, nous attaquons chacun une face de la coque, en alternant nos bandes horizontales et verticales. Notre première couche est peu diluée, volontairement, pour opacifier le plus possible et « couvrir » notre primaire garnissant blanc écru.
9. La peinture 3/4 (1 heure)
A la fin de cette deuxième journée, alors que nous attaquons la deuxième couche, la pluie vient nous stopper net. Chaque goutte d’eau vient créer une différence de couleur, et nous risquons de gaspiller le fruit de nos efforts d’un coup de rouleau. A part des incantations, nous ne ferons plus rien.
10. La peinture/suite et fin (2 heures)
En début d’après-midi de cette troisième journée, la pluie a disparu, et une petite brise a gentiment séché notre coque. Puisque l’accroche chimique des solvants des couches précédentes n’est plus active, il nous faut poncer grossièrement la surface pour recréer une accroche mécanique. Cette ultime couche complète nos efforts et, mariée à un antifouling de couleur proche, redonne à notre coque tout son éclat d’origine. Nous n’avons pas totalement atteint l’effet miroir désiré mais un bateau qui brille à nouveau, c’est déjà une satisfaction après plus de 16 heures de travail ! Toku est prêt à retoucher l’eau dès le lendemain.