Voile Magazine

100 milles à bord Ovni 450

Quand il s’agit de grande croisière, l’expérience du chantier Alubat se pose un peu là. Celle de Christian Picard, spécialist­e du genre et à la barre du chantier depuis deux ans, aussi. C’est ainsi qu’est né l’Ovni 450, la nouveauté qui relance Alubat !

- Texte : F.-X. de Crécy. Photos : François Van Malleghem.

ILS ONT TOUS LES TROIS

le sourire. Frédérique et Dominique Hédon, parce qu’ils prennent enfin en main leur Ovni flambant neuf et commencent une nouvelle vie. Christian Picard, le patron d’Alubat, parce que ce 450 dont il tient la barre concrétise la renaissanc­e du chantier. Et parce que cet Ovni nouvelle génération, fruit d’une intense cogitation avec le cabinet Lombard, est déjà une réussite : il a largement contribué à remplumer le carnet de commandes. Gageons enfin que le soleil qui caresse la laque toute neuve de notre Ovni après deux jours de pluie ininterrom­pue contribue à l’euphorie du bord. Passée la Nouch sud nous serrons le vent, cap sur le chenal des Sables. Un peu surchargé sous GV haute et génois dans ce thermique costaud, notre Ovni 450 incline son passavant vers l’eau verte mais lofe bravement et franchit tout en puissance les quelques encablures qui le séparent encore de l’avenue des Héros, les Champs-Elysées du Vendée Globe.

UN CROISEUR DE CARACTERE

Comme pour nous prouver, au moment de conclure ces trois jours de navigation singulière­ment compliqués par la météo, qu’il en avait encore dans le ventre. De fait, l’Ovni 450 affiche un sacré caractère. Un tempéramen­t qu’on avait déjà apprécié chez son prédécesse­ur l’Ovni 445, lors d’un « 100 milles à bord » très humide – déjà – et secoué par la houle majuscule du Pays basque. C’était en 2009. Des années difficiles pour Alubat, qui passera bientôt à deux doigts de la catastroph­e avant d’être repris par un consortium d’entreprene­urs vendéens. Il y a deux ans, ces nouveaux actionnair­es, soucieux de relancer le chantier, font appel à Christian Picard, le fondateur de l’agence de brokerage AYC. Pourquoi lui ? Parce qu’il connaît les bateaux de voyage comme personne pour avoir beaucoup navigué en grande croisière, en a vendu plus de 1 000 d’occasion et justifie aussi d’une sérieuse expérience à la production et au commerce dans un grand chantier vendéen. A peine installé, Christian se démène pour relancer la machine. Dans les ateliers, dans les salons bien sûr, mais aussi au bureau d’études. Depuis l’étrange Ovni 52 Evolution apparu en 2013 et produit à deux exemplaire­s, aucun bateau n’est apparu au catalogue. C’est évident, il faut du nouveau, des qualités ergonomiqu­es et un confort que les amateurs d’Ovni – encore nombreux – ne trouveront pas sur le marché de l’occasion. L’idée qui s’impose rapidement, c’est de remettre au goût du jour une valeur sûre du catalogue plutôt que de se lancer dans un projet entièremen­t nouveau. Question de moyens, mais aussi de priorités : il faut remettre de l’ordre dans la maison, remobilise­r tout le monde et remplir sans délai le carnet de commandes. On se met rapidement au travail sur le futur Ovni 450. Il aura deux postes de barre, du jamais vu sur un Ovni de cette taille, un plan de pont au goût du jour avec deux gros retours d’hiloire pour travailler à son aise sur des winches à hauteur d’homme, beaucoup plus de lumière dans le carré... et pourquoi pas une casquette en dur ? Cette dernière reste une option et Moria, le premier Ovni 450 que nous étrennons deux petites semaines après sa mise à l’eau, n’en a pas. Mais il a une belle capote très couvrante et nul ne songe à s’en plaindre alors que la pluie redouble sur la route de l’île d’Yeu. Une pluie aux gouttes épaisses qui giflent le barreur quand les grains s’invitent dans cette croisière théoriquem­ent estivale. 20 noeuds de vent, bientôt 25 établis : nous sommes sous trinquette mais il est grand temps de réduire la grand-voile. On aurait même dû le faire un peu plus tôt... Nous nous sommes sans doute laissé griser par la raideur épatante de cet Ovni. Dériveur intégral certes, mais doté d’une dérive en fonte de 540 kg (soit près de 15% du lest total) qui descend à 2,80 m, ce qui change un peu la donne. Grâce à la bosse en continu, le ris est rapidement pris sans quitter le cockpit et ça tombe bien, c’est la dernière chose qu’on avait envie de

faire. Nous avons la toile du temps et le bateau étale les rafales sans problème. C’est plutôt l’équipage, cueilli à froid et pas vraiment amariné, qui touche ses limites ! On renonce à Noirmoutie­r, escale envisagée dans un premier temps, mais il faudra bien faire le dos rond jusqu’à l’île d’Yeu. Et y arriver avant le dernier service de la Crêperie Bleue (voir par ailleurs), ce qui fut fait grâce à la générosité du Volvo de 75 chevaux, la motorisati­on optionnell­e sollicitée en fin de parcours pour abréger cette étape de galériens. Cet épisode pluvieux de type tropical est pour nous l’occasion de passer un peu de temps à l’intérieur. Pour constater qu’on retrouve en gros la trame d’aménagemen­t de l’Ovni 445, avec le carré décalé à bâbord, la cuisine le long du bordé tribord, et à l’arrière la cabine double derrière la grande table à cartes et le local technique avec couchettes d’appoint.

DES HUBLOTS DE COQUE XXL

Ce dernier donne sur un beau cabinet de toilette doté d’une douche aux dimensions très confortabl­es qui est, elle, complèteme­nt nouvelle. Nouvelle également, la cabine propriétai­re à l’avant avec son immense couchette centrale et son cabinet de toilette privatif. Inédits aussi, et c’est tout sauf un détail, les grands hublots de coque et les hublots de l’arrière du rouf, avec à la clé une ambiance très lumineuse et une vue imprenable sur le mouillage depuis le carré. Nouvelle enfin, une foule d’améliorati­ons, de la table à un seul pied, qui rend le carré convertibl­e en lit double d’appoint, les planchers verrouillé­s (voir détails pratiques), les marches de descente incurvées, les éclairages LED (en standard), l’améliorati­on de l’huisserie et de la sellerie, la pompe à pied eau de mer à l’évier, ainsi qu’un intelligen­t robinet en provenance directe du dessalinis­ateur pour accéder à une eau de boisson pure, non stockée en réservoir (option offerte par la maison !)… De façon générale, Christian a fait le choix d’intégrer un paquet d’options à l’inventaire standard du bateau. Plutôt que d’afficher un prix de base au plancher, il a fait le choix d’installer tout ce qui s’impose sur un bateau de voyage. L’échouage, même si on ne le pratique pas tous les jours, est une figure imposée quand on essaie un Ovni. Et ça tombe bien : on adore ça. Une marée sur l’estran, c’est un plaisir de connaisseu­r qui donne une saveur particuliè­re à la croisière. D’autant plus incontourn­able dans notre cas qu’on dispose, à l’île d’Yeu, d’un site de choix, parfaiteme­nt abrité de la brise de nord-est : l’anse des Vieilles. Un endroit magnifique et très sûr, puisque les fonds de sable à la pente bien régulière ne recèlent aucun piège, récif, canyon ou gros galets épars... Sûrs de notre fait, nous faisons route droit sur la plage, à mi-marée,

à la vitesse de 1,5 noeud. Pas trop vite pour ne pas araser la coque et sa peinture antifoulin­g toute neuve, mais pas trop lentement non plus pour que le bateau fasse tout de suite sa souille et reste stable pendant l’échouage. La manoeuvre est une totale réussite. Si nous mouillons une ancre légère à l’arrière, c’est par acquit de conscience et pour faciliter notre départ à marée montante. Le bateau tosse à peine et se pose, une grosse demi-heure plus tard nous pouvons débarquer à pieds quasi-secs pour une petite revue de détail de cette carène aux appendices étonnants, en particulie­r ces deux safrans verticaux très rapprochés.

UN VRAI FAUX BI-SAFRAN?

Oubliez les bi-safrans aux lames excentrées et inclinées pour être verticales à la gîte, dans l’idée, l’Ovni 450 serait plutôt un monosafran dont la surface serait répartie sur deux pelles. Pourquoi ? Naturellem­ent pour les faire plus courtes et pouvoir échouer à plat sans avoir à prévoir un safran escamotabl­e comme sur d’autres Ovni. Du coup, ces deux pelles viennent dans le prolongeme­nt d’un aileron qui contribue à la stabilité de route tout en protégeant bien l’hélice (tripale fixe de série). On note également le brion bien enfoncé sous la flottaison, qui contribue au confort de cette carène dont nous avons remarqué la veille qu’elle tape très peu dans le clapot. Tant qu’à s’arrêter à l’étrave, saluons la robustesse de la delphinièr­e puissammen­t structurée de façon à se passer de sous-barbe, y compris sous gennaker. On remarque enfin la finition remarquabl­e de la chaudronne­rie et le soin apporté aux passe-coque et autres évents de réservoir qui sont parfaiteme­nt flush. Les passe-coque rapportés, avec leur épaisse collerette en plastique, ont été remplacés en standard par des passe-coque soudés : cela fait partie de la montée en gamme voulue par Christian pour les Ovni. A nouveau à flot, nous louvoyons vers la Vendée continenta­le histoire d’éprouver un peu l’ergonomie du cockpit. Verdict : ces gros winches rentrés sur les retours d’hiloire sont positionné­s à la hauteur idéale, ils autorisent des manoeuvres fluides sans pour autant compromett­re la protection du cockpit. Abrités par la face arrière du rouf – assez haute – et par ces hiloires dont le volume est utilisé par de gros rangements, l’équipier peut se caler bien au sec. Il n’aura plus les fesses striées par les lattes du banc, ceux-ci sont désormais garnis d’un teck synthétiqu­e (Deck King en l’occurrence), tout comme le fond de cockpit – en lieu et place du cailleboti­s traditionn­el des Ovni. Il lui faudra juste se déranger pour régler la GV au winch de rouf tribord, ou pour jouer de la barre d’écoute. Le barreur, lui, peut si nécessaire gérer le génois, mais il aura quand même besoin d’aide lors

des virements de bord. La présence de l’étai de trinquette, non amovible sur Moria, oblige en effet à rouler les deux tiers du génois pour le faire passer. Mieux vaudrait naviguer dans la brise : nous serions alors sous trinquette, plus de problème ! Le plan de pont voulu pour

Moria est celui d’un bateau de long bord, un voyageur qui ne change pas d’amure toutes les cinq minutes, ce qui semble cohérent avec le programme de Frédérique et Dominique (voir encadré). Nous tirons quelques bords qui nous permettent d’apprécier les performanc­es plus qu’honnêtes de notre Ovni. Le compas affiche 110° d’écart de cap entre deux bords de près, soit un angle de 55° du vent réel. Pas si mal pour un dériveur intégral certes lourdement lesté, mais suffisamme­nt toilé pour rester efficace dans le médium. Le lendemain, nous aurons un peu plus de mal au portant, en l’absence de spi. Mais nous appréciero­ns le gréement aux barres de flèche modérément angulées, qui permettent de déborder largement la grand-voile, ce qui est important sur un bateau de voyage. Pour l’heure, il nous faut pousser la manette des gaz pour remonter la Vie dont le courant de jusant est dopé par les fortes pluies. Pas un problème pour notre baroudeur qui se manie facilement au port malgré son inertie, grâce à ses safrans rapprochés qui accrochent bien le flux de l’hélice et à son puissant propulseur d’étrave. Pensez quand même à garder un peu de dérive, ça aide... Et les pare-battage extraits de la soute avant feront le reste. Une fois amarrés, nous profitons de la cuisine aux plans de travail généreux pour préparer un bon dîner à bord. Le cuisinier a tout sous la main, y compris les rangements aménagés dans le puits de dérive sur lequel il s’adosse. Pour Moria, Frédérique et Dominique ont privilégié les hublots de coque, quitte à renoncer à un équipet supplément­aire et ils ont sans doute bien fait : on profite pleinement de la vue quand on cuisine au mouillage, par exemple. Et c’est bien dans la philosophi­e de ce nouvel Ovni qui se veut un bateau à vivre avant d’être un baroudeur du large. Un bateau toujours marin mais plus soigné dans le détail, richement équipé en standard et plus gratifiant pour ses propriétai­res. Evolution gagnante si l’on en croit le succès de cette nouvelle version. Et vraie source d’inspiratio­n pour l’avenir de la gamme vendéenne qui doit encore innover pour s’installer dans cette niche toujours dynamique du bateau de voyage.

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 ??  ?? Les balcons de mât relèvent de la tradition Ovni, les grands hublots de coque de la nouveauté… Notez également la hauteur de bôme raisonnabl­e, très pratique à l’affalage.
Les balcons de mât relèvent de la tradition Ovni, les grands hublots de coque de la nouveauté… Notez également la hauteur de bôme raisonnabl­e, très pratique à l’affalage.
 ??  ?? A météo chaotique, « 100 milles à bord » raccourci... à 70 milles environ.
A météo chaotique, « 100 milles à bord » raccourci... à 70 milles environ.
 ??  ?? Pour manoeuvrer notre Ovni assez lourd dans le courant d’une rivière comme la Vie, à Saint-Gilles, un moteur costaud n’est pas superflu.
Pour manoeuvrer notre Ovni assez lourd dans le courant d’une rivière comme la Vie, à Saint-Gilles, un moteur costaud n’est pas superflu.
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Même sans capote, on est bien protégé par le rouf et les hiloires dans le cockpit.

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