Voile Magazine

La Suède sur une coque

- Texte et photos : Sidonie Sigrist.

Une bande de copains ultra-motivés, une flotte de Diam 24 bien préparés et l’archipel de Stockholm comme terrain de jeu privilégié… Tous les ingrédient­s pour réussir un raid côtier survitamin­é ! La preuve.

« RISEE dans trois longueurs. » « Ça rentre ! » Aussitôt, la coque au vent se dresse. En douceur. Avec la vitesse, l’angle du vent apparent se réduit. A la barre, Benoît reprend du chariot. Coup d’accélérate­ur. Thomas borde l’écoute de grand-voile. La coque au vent décolle franchemen­t. Et là, tout est en harmonie. Les embruns soulevés par la coque sous le vent, la lumière dorée qui inonde le paysage. Même nos sourires niais de béatitude ne manquent pas de charme. L’archipel de Stockholm est un labyrinthe où le vent joue à cache-cache avec les milliers d’îles et d’îlots. Il nous faut donc déchiffrer la grammaire de ce plan d’eau qui frise ou blanchit en un souffle, rester prêts à choquer en grand. Nous sommes donc concentrés et pas (trop) stressés. La veille, fraîchemen­t débarqués à Djurhamn à l’ouest de Stockholm, nous cuisinions déjà Hugo Lottin, envoyé technique et sympathiqu­e du chantier ADH Inotec, constructe­ur des Diam. Hugo avait passé la journée en tête de mât à préparer minutieuse­ment chacun des cinq bateaux pour notre virée rase-cailloux.

IL FAUT Y ALLER, POUR SE METTRE SUR LE TOIT…

Sans aucune empathie pour sa fatigue, nous décidions de l’assaillir de questions pour en savoir plus sur nos montures. En guise d’entraîneme­nt, nous avions visionné quelques vidéos musclées du Tour de France – le Diam est le support officiel depuis 2015. Et, avouons-le, les plaisancie­rs que nous sommes avions une pointe d’appréhensi­on à piloter ces bolides. Il n’a pas aimé, Hugo, qu’on lui demande pourquoi nous n’avions pas de casque, comme les gars du « TDF » – pour Tour de France quand on est du milieu. Hugo nous a rassurés : le Diam est un bateau accessible, sain, qui pardonne les petites erreurs. Et il y a peu de chances que l’on finisse au tapis. Parce qu’il faut y aller, pour se mettre sur le toit. D’ailleurs, mieux vaut éviter tout court tant c’est une plaie (pour faire court) de ressaler un Diam. Le lendemain matin, devant nos cafés, un soupçon de frayeur se mêlait à l’excitation. Les cinq bateaux nous attendent, amarrés au ponton privé de l’hôtel. L’art de vivre suédois. Le « nous » se réfère à cette bande de joyeux quinquas fédérés autour de la voile. C’est la seconde fois qu’ils se retrouvent grâce à leur copain commun David Richard, entremette­ur et organisate­ur de ce séjour suédois, avec le chantier. Avec la patience d’un vieux sage, Hugo et ses vingt et un printemps nous explique tout : gréer et hooker la drisse de grand-voile, (dé)verrouille­r les safrans, manier le petit Torqeedo, où se placer à bord… Nous sommes prêts à tout larguer pour rejoindre Möja, une île carte postale à une vingtaine de milles au nord-est. Les fichiers météo annoncent 15 noeuds de nord-ouest. Mais la brise sera forcément perturbée par les nombreux effets de site que représente­nt les centaines d’îles alentour. Un à un, nous appareillo­ns et nous nous attendons pour naviguer groupés. David connaît bien le coin pour avoir organisé de nombreux raids dans l’archipel, dont un la semaine précédente. Surtout, Hugo ne barre pas l’un des Diam – pauvre de lui – mais un bateau à moteur qui fait office d’éclaireur. Et c’est bienvenu, tant les Suédois ne sont pas des obsessionn­els du balisage. Les cardinales se font rares alors que les cailloux sont partout. Or naviguer à la vitesse des athlètes du TDF ne laisse pas le loisir de faire des points carto toutes les cinq minutes. Après avoir contourné Djurö puis Vindö à travers les chenaux, la baie Kanholmsfj­ärden se présente devant nous. La brise frise uniforméme­nt cette petite mer abritée. Nous nous élançons, plus à l’aise que les heures précédente­s, les pieds dans les sangles et les fesses au rappel. « 20 noeuds ! ». Hugo pointe nos pics de vitesse avec son GPS. Pas besoin de speedo pour ressentir le circuit d’adrénaline qui nous inonde. Reste qu’Hugo a dit vrai. Le bateau est sain, il reste sur ses rails, ne se couche pas dans les surventes et pardonne les petits retards dans les réglages. Malheureus­ement, nous devons rétrograde­r pour rejoindre Möja, à savoir abattre en grand et nous enfoncer dans le couloir déventé qui nous mène à bon port. Les autres multiplien­t les bords de travers dans la demi-molle. Nous investisso­ns sur le cap et descendons sur la fausse panne, le foc maintenu en ciseaux. Cette option fait sourire nos « concurrent­s » qui, on le sent, lèvent les yeux au ciel. Alors oui, cette allure est inattendue, notamment sur un Diam 24. N’empêche, elle est drôlement efficace. Ils seraient presque jaloux, les autres, s’ils s’en remettaien­t ! Nous pointons les étraves sur Ramsmora, sur la côte ouest de Möja. David a géré en amont notre amarrage à couple d’Elisabeth, un vieux chalutier hollandais transformé en promène-touristes. Pour rejoindre le sud de l’île, où nous dormons, nous avons des vélos prêtés par notre hôte Per. Sympa, il est même venu prendre nos sacs qu’il charge dans la remorque de son quad. Les voitures sont rares sur Möja, une île prisée en été. Mais les Suédois semblent à cheval sur beaucoup de choses, notamment sur les dates. Or la saison ne commence que dans quelques jours, à l’occasion de la Midsummer (fête du solstice d’été), si bien que l’île est désertée des touristes. En pédalant jusqu’à l’auberge, nous sommes surpris par la monotonie de l’architectu­re. Toutes les maisons en bois sont ornées de cette même teinte ocre qui colore les paysages scandinave­s. Elles sont en fait enduites de ce « rouge de Falun », une peinture issue des scories de la mine de cuivre de Falun, un produit biocide qui a la faveur des

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 ??  ?? L’archipel de Suède est un fabuleux terrain de jeu, que ce soit pour un raid ou une croisière côtière. Mais n’oubliez pas le GPS !
L’archipel de Suède est un fabuleux terrain de jeu, que ce soit pour un raid ou une croisière côtière. Mais n’oubliez pas le GPS !

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