La guerre de la coquille
Fin août, la baie de Seine fut le théâtre d’une véritable bataille navale. Une trentaine de bateaux normands de Port-en-Bessin, Courseulles-sur-Mer, Ouistreham, Trouville, Honfleur et Le Havre sont sortis de nuit avec la ferme intention d’empêcher leurs confrères et concurrents britanniques de pêcher la coquille Saint-Jacques. Les Normands ont cherché à faire fuir les Britanniques d’un gisement de coquilles qu’ils tentent de préserver. Certains navires ont joué aux bateaux béliers en fonçant sur d’autres, il y a eu des altercations et des jets de pierres… Ce différend entre pêcheurs français et britanniques autour des coquilles Saint-Jacques est lié à la différence de réglementation entre les deux pays. En France, la Saint-Jacques ne peut être pêchée que du 1er octobre au 15 mai, selon un accord français (et non pas européen) pour protéger les ressources et laisser à la coquille le temps de grossir. Mais les Britanniques et les Irlandais, eux, n’ont pas de dates imposées. Pour éviter les tensions un accord, reconductible chaque année, a été conclu en 2013 entre Français et Britanniques pour que ces derniers respectent les mêmes dates de pêche. Mais il ne s’applique pas aux bateaux britanniques de moins de 15 mètres. Les Français réclament l’extension de cet accord aux petites embarcations. En vain. Ils ont donc refusé de signer sa reconduction et les Britanniques sont venus pêcher la coquille plus tôt, avec leurs grands bateaux... Début septembre, le ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert, a annoncé que la marine française était prête à intervenir « en cas de heurts, afin d’éviter que la situation ne s’envenime » sur cette zone de pêche au large de la Normandie. Une réunion entre pêcheurs français, britanniques et industriels a finalement eu lieu début septembre à Londres. Cette rencontre a permis de renouveler l’accord de 2017 sur les bateaux de plus de 15 mètres, et d’obtenir « un accord de principe pour les moins de 15 mètres ». Les discussions devaient se poursuivre en septembre pour estimer des compensations à l’égard des pêcheurs britanniques. Des deux côtés de la Manche, la pêche de la coquille Saint-Jacques représente un pourvoyeur d’emplois et de ressources qui tient parfois le secteur à bout de bras… En France, la pêche de la coquille emploie 2 400 marins, selon le Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins et a représenté en 2017 un chiffre d’affaires de 87 millions d’euros. Il n’est donc pas étonnant que des filières clandestines se mettent en place. C’est ce qu’a rapporté l’AFP, fin août, en indiquant que le tribunal correctionnel de Saint-Brieuc avait condamné un pêcheur à un an de prison ferme et six autres prévenus à des peines de sursis et des amendes pour un trafic de Saint-Jacques et d’ormeaux en baie de Saint-Brieuc. 15 à 20 tonnes de coquilles auraient ainsi été pêchées illégalement et revendues sous le manteau, selon le parquet. Le trafic aurait duré au moins deux ans…
LA MARINE A LA RESCOUSSE