Voile Magazine

De la régate au raid côtier

Le SF 18 est plus typé régate, surtout dans sa version quillard, le First 18 plus polyvalent et volontiers tourné vers le raid. Mais tous deux adorent le portant dans la brise !

-

ÇA ACCELERE, ça siffle, ça glisse à 13 noeuds et plus sous spi… Quel pied ! Dans la brise qui souffle sur les pertuis, on s’est franchemen­t éclatés à la barre de nos deux petites luges. Deux bateaux aux caractères bien distincts – le Speed Feet est plus sportif, le First plus grand public – mais qui donnent tous les deux beaucoup de plaisir à la barre. Et deux sport-boats à un tournant de leur histoire. Le Speed Feet, qui a connu plusieurs constructe­urs depuis son lancement en 2003 (on y reviendra), fait figure d’ancien, mais la reprise de la constructi­on par le chantier Marée Haute sous le nom de SF 18 pourrait bien le relancer. Le Seascape 18, qui a fait une carrière magnifique depuis 2009, devient First 18 suite au rachat du chantier slovène par Bénéteau. Idem pour ses grands frères de 24 et 27 pieds qui constituen­t désormais la gamme First ! Un vrai coup de tonnerre dans le Landernau de la plaisance et une réponse très claire à ceux – et nous en sommes – qui regrettaie­nt ces dernières années le déclin la gamme performanc­e de Bénéteau. Tout change donc, mais rien ne change. Le First 18 reste construit sur le même site slovène, vendu sur la base du même inventaire et le tarif, pour l’instant, reste identique. La constructi­on fait toujours appel à un mix de monolithiq­ue pour les parties arrondies, de sandwich feutre, et de sandwich mousse pour le fond de cockpit. Elle est réalisée au contact. Le Speed Feet, quant à lui, a connu trois constructe­urs… L’unité qui nous est proposée à l’essai est le n°13, millésime 2004, réalisé au contact du premier chantier situé à Dinard. Son propriétai­re, Philippe Giard, président de la classe depuis sept ans, a acheté le bateau en 2007. Le Speed Feet a ensuite été construit quelques années à La Rochelle avant d’être relancé à partir de 2007 par le chantier MC-Tech, en Tunisie.

DU SPEED FEET AU SF 18...

Quand MC-Tech, également constructe­ur des Class 40 Akilaria, a changé de stratégie de développem­ent en réorientan­t la production du chantier vers des yachts de luxe (à moteur en grande partie) en 2015, l’associatio­n ACPSF18 et son président, Philippe Giard, ont organisé le rachat des moules par l’associatio­n, grâce au versement d’une cotisation exceptionn­elle des adhérents, et leur rapatrieme­nt en France, à Marseille puis à Concarneau où Marée Haute se proposait de prendre la relève. Tout cela a pris du temps, mais le premier SF 18 de Marée Haute est en cours de production et sera livré cet hiver ! Contrairem­ent au Speed Feet de MC-Tech, dont le pont était réalisé au contact, le SF 18 sera entièremen­t en infusion. Pour régater en monotypie, il sera donc gueusé d’une quinzaine de kilos au niveau du puits de dérive. Pour le reste, rien ne changera, les fournisseu­rs du mât (Heol Composite) et des voiles (North, HSD et Gost in Sails) seront maintenus, toujours dans le souci d’une stricte monotypie. Mais revenons à notre essai qui commence, en ce qui me concerne, par le First 18. Un bateau qui cultive un louable esprit de simplicité, notamment dans son plan de pont. Pas de barre d’écoute mais une simple pantoire en Spectra combinée à un hale-bas de bôme surdimensi­onné de façon à pouvoir quand même tendre la chute de la grand-voile. Pas de pataras non plus, le gréement dormant s’en passe grâce aux barres de flèche fortement angulées, et un système de barre sobre et efficace formant une sorte de quadrilatè­re articulé sur l’arrière du cockpit. Le stick est fixé au milieu du tube de liaison reliant les deux barres. En fond de cockpit, une simple poulie-winch pour l’écoute de GV dont le palan se trouve entre le bout de bôme et la pantoire, là où il encombre le moins. Les écoutes de foc et de spi, quant à elles, reviennent à des poulies placées sur les plats-bords. Le hors-bord peut trouver sa place sur une chaise très discrète montée sur le tableau ouvert, mais nous n’en avons pas et quittons le ponton au rocking, en faisant rouler le bateau, la dérive pratiquant alors une sorte de godille singulière­ment efficace. Façon aussi de vérifier que nous n’avons pas oublié de la descendre – 19 tours de manivelle au treuil placé sur le puits de dérive. Cet appendice en fonte de 125 kg est évidemment indispensa­ble à la stabilité. La grand-voile mouflée, dont la drisse revient à l’arrière du rouf, est envoyée en un tournemain et le bateau s’anime. La barre reste un peu dure tant que le foc n’est pas déroulé, puis elle s’équilibre. On peut parfaire cet équilibre

en jouant à la marge sur l’inclinaiso­n de la dérive. Un premier bord de près qui a vite fait de nous mouiller les fesses quand l’étrave donne du nez dans un clapot court. Il faut aussi réguler à l’écoute de grand-voile dans les surventes mais on reste bien calé grâce à la forme ergonomiqu­e du plat-bord (qui ne l’est pas) et aux appuis en fond de cockpit.

DES SANGLES DE RAPPEL SUR LE FIRST 18

On utilise ce long cale-pieds (en partie démontable pour le raid), mais aussi la sangle de rappel qui nous invite à faire travailler les abdos comme en dériveur de sport. Une différence de taille, quasi philosophi­que avec le SF 18 dont les filières invitent au rappel façon habitable, avec les pieds à l’extérieur. En termes de raideur et de puissance, les sensations sont bien celles d’un quillard sur l’ex-Speed Feet et même s’il existe une version dériveur très proche côté performanc­es, l’esprit reste celui du quillard de sport. Enfin dégagés du chenal de La Rochelle, nos deux bateaux peuvent abattre vers l’île d’Aix pour se livrer à leur sport favori : le portant dans la brise. Les bouts-dehors sont sortis et les spis envoyés, depuis son sac placé devant la cabine pour le SF 18, avec l’aide efficace de l’avaleur qui ouvre tout près de l’étrave pour le First 18. Et c’est parti ! A la barre, le jeu est le même des deux côtés. On vient chercher la puissance au lof, mais au premier coup de gîte on donne de petites abattées pour garder le contrôle et glisser en survitesse. Ces accélérati­ons jubilatoir­es sont tout simplement la raison pour laquelle ces bateaux existent. Si la sensation de puissance est plus forte sur le SF 18, et s’il plane un peu plus tôt et plus longtemps, c’est parce que sa quille et ses formes plus puissantes autorisent 11 m2 de spi supplément­aires, ce qui est considérab­le. Et ce sera encore plus évident le lendemain dans un vent médium... Mais le Seascape n’a pas à rougir au vu de son programme plus mixte. Par ailleurs, sa simplicité et l’intelligen­ce de sa conception incitent à le mettre entre toutes les mains. Il est d’ailleurs plus à son aise à l’échouage, comme nous le verrons le lendemain sur la plage de Sablanceau­x. Il se pose à plat, quant le SF 18, même en relevant la quille grâce à la chèvre prévue initialeme­nt pour le transport routier, doit composer avec le bulbe qui reste à l’extérieur. On le soulage avec une paire de pare-battage en guise de coussins. Pour la nuit, le First 18 dispose d’une vraie couchette et d’une toile de cockpit. Le SF 18 pourrait être adapté au camping côtier dans sa version dériveur, mais ce n’est pas sa vocation naturelle, le bateau ayant davantage été conçu pour le fun et la régate. Et de fait, c’est à son bord qu’on s’amuse le plus dans la brise. Mais le talent du « nouveau » First 18, c’est sa facilité d’accès et surtout son incroyable polyvalenc­e. Ce bateau-là sait tout faire, et il n’a pas fini de nous le prouver !

 ??  ??
 ??  ?? Le First 18 (à droite) est un peu plus étroit et son rouf est sensibleme­nt plus volumineux.
Le First 18 (à droite) est un peu plus étroit et son rouf est sensibleme­nt plus volumineux.
 ??  ?? Le SF 18 est nettement plus toilé, et c’est encore plus vrai sous spi, avec 11 m2 de plus que le First.
Le SF 18 est nettement plus toilé, et c’est encore plus vrai sous spi, avec 11 m2 de plus que le First.
 ??  ?? Les cale-pieds sont démontable­s pour ne pas gêner si l’équipage veut dormir dans le cockpit.
Les cale-pieds sont démontable­s pour ne pas gêner si l’équipage veut dormir dans le cockpit.
 ??  ?? Le SF 18 est doté d’un mât aile orientable, un autre signe de sa vocation : la performanc­e.
Le SF 18 est doté d’un mât aile orientable, un autre signe de sa vocation : la performanc­e.

Newspapers in French

Newspapers from France