Voile Magazine

L’invitation au week-end

Day-boats ou week-enders ? Si on abuse des anglicisme­s, c’est pour mieux cerner le talent de ces petits bateaux qui autorisent volontiers une ou deux nuits à bord.

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FIER ALLURE. Pas mal, pour un bateau qui a son anneau à Ars-en-Ré ! Cet Aloès 18, construit et dessiné par l’architecte Antoine Mainfray, porte son nom à merveille. Et il nous intéresse d’autant plus que cette nouvelle version, baptisée RS (pour Rouf Sport), lancée en avril 2018, élargit son champ d’utilisatio­n en offrant un petit espace intérieur bien utile. Y dormir à deux ? Peut-être, mais a priori pas plus d’une nuit en l’absence de tente. En tout cas, l’Aloès 18 n’usurpe pas son titre de randonneur au même titre que son concurrent présent le deuxième jour des essais, le Lili 6,10. Tous deux jouent la carte du dériveur intégral si ce n’est que l’Aloès 18 est équipé d’une dérive pivotante lestée de 50 kg manoeuvrab­le par un palan, tandis que le Lili opte pour deux dérives sabre au profil asymétriqu­e utilisées alternativ­ement. Autre point commun, ils sont tous deux équipés de ballasts. Celui de l’Aloès – remplissag­e par un vide-vite – s’utilise à la demande. Dans le petit temps, il est inutile alors que sur le Lili (2 x 70 l), il se révèle nécessaire à la stabilité de ce dériveur nettement plus étroit à la flottaison. Pour cet essai, nous disposons d’un modèle d’exception. Le chef-d’oeuvre de notre collaborat­eur Jean-Yves Poirier dont les lecteurs de Voile Magazine ont pu suivre, au fil des numéros, les différente­s étapes de la constructi­on. Bilan, trois ans de travaux et au final un résultat qui n’a pas manqué de surprendre Gilles Montaubin présent à bord. Patron du chantier Mer, il propose pour sa part le Lili barre en main.

LE CHEF-D’OEUVRE DE JEAN-YVES POIRIER

Les points communs de l’Aloès 18 et du Lili s’arrêtent là. Le premier adopte un type de gréement classique marconi avec un mât AG Plus, posé sur le rouf à un étage de barres de flèche poussantes, complété par un spi asymétriqu­e porté à l’extrémité d’un boutdehors en carbone télescopiq­ue. Quant au Lili, il joue sur un tout autre registre avec son gréement cat-ketch et ses deux mâts tournants non haubanés en carbone réalisés par Jean-Yves Poirier. Adapter la surface de voilure à la force du vent reste un jeu d’enfant, la misaine et l’artimon s’enroulant à la demande depuis le cockpit. Ne voyez là aucun favoritism­e. Mais en l’absence du Lili le premier jour, c’est par l’Aloès 18 RC que nous avons débuté ces deux journées d’essai. La première par de la brise bien soutenue, autour de 20 noeuds, la seconde par du petit temps. C’est dire que nous n’avons pas hésité. A la hauteur de la tour Richelieu, une fois génois et grand-voile envoyés – les drisses reviennent au pied de mât – tout a commencé par le remplissag­e des ballasts. Pratiqueme­nt, on dévisse les deux trappes situées en fond de cockpit sur l’arrière du rouf, on ouvre l’écope côté bâbord, enfin on attend quatre à cinq minutes, le temps de laisser l’eau remplir le ballast, puis on referme. Si nous sommes deux à bord pour cette navigation vers l’île d’Aix, il y a de la place pour trois grâce au cockpit XXL. Certes, il faut y prendre ses marques. Par exemple, en raison des deux safrans relevables accrochés sur le tableau, mieux vaut, avant le virement de bord, reposition­ner le stick sur la barre franche et reprendre de l’écoute de GV. Important également, s’habituer aux cale-pieds longitudin­aux en fond de cockpit à l’efficacité aléatoire. Cela dit, à l’heure de nous mesurer aux deux étalons de la flotte, le First 18, ex-Seascape et le Speed Feet 18, un constat s’impose. Nous faisons un peu moins de cap, mais côté vitesse c’est loin d’être ridicule, d’autant que l’Aloès 18 mouille peu. Certes, au portant nous ne jouons pas dans la même catégorie. Mais pour une bonne surprise c’est une bonne surprise, même si les gants s’imposent pour border correcteme­nt l’écoute de GV qui revient en fond de cockpit sur une poulie ou pour arriver à bien reprendre les écoutes de génois montées sur palan. Bref, l’une comme l’autre mériteraie­nt de passer à la taille supérieure mais pas de quoi ternir notre avis sur l’Aloès 18. Ce 5,50 m facilement transporta­ble ne manque pas d’atouts. On pourrait écrire la même chose sur le Lili 6,10, même si notre seconde journée à bord s’est déroulée par petit temps. Il est important de dire et redire que ce Lili est unique. Il est l’oeuvre de Jean-Yves Poirier qui a poussé le soin du détail à un degré incroyable en créant par exemple de chaque côté du cockpit deux rails pour

déplacer le point de tire de la misaine lors de sa réduction. Ou, sur un autre registre, dans le cadre d’une utilisatio­n du Lili à l’aviron, en fabriquant un siège faisant également office de fermeture de descente. Enfin, en réalisant des dérives sabre sous vide en carbone à profil asymétriqu­e. Côté facilité d’emploi, c’est du grand art. Deux bouts, l’un pour la misaine, l’autre pour l’artimon, suffisent à dérouler le plan de voilure puis à ajouter pour l’artimon une livarde dont la présence se justifie par un point d’écoute en arrière du tableau.

SUR LE LILI, UNE BARRE TOUT EN FINESSE

Sous voiles, la barre est d’une légèreté digne d’un dériveur sauf qu’au portant, le Lili manque de chevaux. C’est son unique point faible. Car pour la randonnée, Jean-Yves n’a pas lésiné sur les équipement­s. C’est ainsi qu’à l’heure de l’échouage sur la plage des Sablanceau­x, notre collaborat­eur a sorti de l’intérieur, le plus vaste de toute la flotte, un bloc-cuisine, puis un bloc-évier, et enfin une tente à monter au-dessus du cockpit. Etonnant, non ? D’autant que le Lili déborde, dans le cockpit, de volumes de rangement. Un grand coffre à deux accès sur l’arrière du cockpit complété de chaque côté par deux autres coffres. A titre de comparaiso­n, l’Aloès 18 n’en comporte que deux, un sur chaque bord, complétés par des équipets ouverts sous les bancs. En rentrant vers La Rochelle au portant, Jean-Yves a sorti son autre arme secrète : une livarde pour la misaine. Qu’ajouter ? Qu’avec Gilles Montaubin, on s’est immergés dans le passé, évoquant le temps où il naviguait avec son père sur l’Armagnac Raki ou sur l’Arès, un plan Joubert. C’était il y a près de quarante ans.

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 ??  ?? L’Aloès mouille peu et il ne s’est pas laissé impression­ner par les sport-boats présents.
L’Aloès mouille peu et il ne s’est pas laissé impression­ner par les sport-boats présents.
 ??  ?? Gréement marconi pour l’Aloès, mais pour le Lili un cat-ketch plus original (voir notre article p. 108).
Gréement marconi pour l’Aloès, mais pour le Lili un cat-ketch plus original (voir notre article p. 108).
 ??  ?? Sur le Lili, pas de puits de dérive central mais deux dérives sabre au profil asymétriqu­e.
Sur le Lili, pas de puits de dérive central mais deux dérives sabre au profil asymétriqu­e.

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