Voile Magazine

Du caractère et du charme

Ne vous fiez pas trop à leur caractère néoclassiq­ue… Sous leurs vernis brillants, le Stir Ven 19 et le Loup de Franck Roy sont bel et bien des day-boats d’aujourd’hui.

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LA COQUE A CLINS et le gréement houari du Stir Ven 19, l’étrave camuse et le pont en teck latté du Loup… Ces deux dériveurs intégraux ont peut-être une ligne délicieuse­ment rétro mais ils sont tout à fait modernes. Prenons le Stir Ven 19. Ce plan François Vivier est le petit frère du 22. Il garde sa coque à clins, son grand cockpit et sa voilure généreuse. Mais en matière de procédé de fabricatio­n, le chantier Grand Largue est dans l’air du temps. Pierre-Yves de la Rivière, son créateur, utilise la découpe numérique, un procédé qui lui permet d’optimiser les coûts de production mais aussi de proposer le Stir Ven aussi bien barre en main qu’en kit, pour la constructi­on amateur, assez prisée pour ce type d’unité. L’usage de l’époxy, avec ses qualités mécaniques, permet enfin d’obtenir des bateaux marins qui ne demandent pas un entretien démesuré. L’histoire du Loup est antérieure à celle du Stir Ven 19 et se situe sur le bassin d’Arcachon à la fin des années 1920. Pour remplacer les coûteux 6 m JI sur lesquels les régatiers du Bassin avaient l’habitude de se tirer la bourre, trois architecte­s répondent au nouveau cahier des charges de la fédération locale : dessiner un bateau plus petit, nerveux, avec un faible tirant d’eau pour naviguer entre les bancs de sable du Bassin… Le plan de Salmoiragh­i, tout en bois, avec ses 20 m2 de surface de voiles au près, s’impose et devient rapidement le monotype du bassin d’Arcachon. Un siècle plus tard (ou presque), voilà le même plan Salmoiragh­i sous nos yeux, mais avec quelques modificati­ons apportées par Franck Roy. Ce dernier rêvait de rénover, voire de construire un Loup. Au début des années 2000, il réalise une première coque en strip planking aux cotes identiques à l’original. Il s’en sert ensuite pour réaliser un moule et construire son premier Loup en polyester. Voilà donc Aloupka, le numéro 1 construit par Franck Roy, amarré devant nous. Outre le procédé de constructi­on qui allège la structure, le mât est désormais en alu, il n’est plus traversant et il est doté de barres de flèche poussantes. L’équipage n’a plus à s’occuper du réglage des bastaques dans la brise. Ce nouvel espar facilite aussi l’opération de mâtage. Pour autant, le Loup de Franck Roy est resté fidèle à l’esprit de la classe. Si ces deux day-boats partagent une même inspiratio­n classique, yachting classique pour l’un, canot de travail pour l’autre, ils n’ont pas les mêmes ambitions sur l’eau. Le Stir Ven 19 est conçu pour le cabotage à la journée, la randonnée familiale grâce à une manoeuvrab­ilité simple. Le Loup a gardé l’esprit de compétitio­n qui l’a fait naître. C’est dans une belle brise rochelaise que nous allons vérifier le cahier des charges de ce dernier. Sur le Loup, on trouve rapidement ses marques. Le cockpit est long, profond, étroit, bordé d’une hiloire en acajou et doté de quatre cailleboti­s qui feront office de bancs de rappel. Le puits de dérive a été surbaissé dans cette version dessinée par Franck Roy. Ce puits affiné permet de faciliter les déplacemen­ts dans les virements de bord. Pour le reste, l’accastilla­ge est moderne et minimalist­e : deux taquets coinceurs et un winch sur le puits de dérive pour étarquer les drisses, deux winches sur chaque bord pour border les écoutes de foc et une tourelle Harken pour gérer l’écoute de grand-voile à portée de main du barreur. Le point d’écoute est repris sur arceau en inox fixé sur le tableau arrière.

Un petit hors-bord se fixe sur le tableau arrière, grâce à une ouverture découpée du pont qui évite l’inélégance d’une chaise de moteur. L’importance du détail (que l’on retrouvera aussi sur le Stir Ven 19). Dans le chenal du port, on envoie toute la toile. Le barreur se cale confortabl­ement sur le petit banc de rappel, comme le second équipier un peu plus en avant, avec les pieds bien calés sur le puits de dérive. Le troisième équipier est moins bien loti sur le plat-bord, la faute à la petite hiloire qui scie un peu les cuisses à la longue. Au bon plein, avec le clapot rochelais, on embarque de sacrés paquets de mer. Le cockpit du Loup n’est pas autovideur. On garde donc l’écope à portée de main mais nos efforts pour garder le cockpit sec sont vains… Une fois la Ouest Minime passée, nous abattons légèrement. Forcément, le Speed Feet 18, le First 18 (ex-Seascape 18) et même l’Aloès 18 RS nous larguent avec leur carène planante et leur spi asymétriqu­e. Mais nous naviguons avec une certaine classe sans bouder notre plaisir à la barre. Dans les rafales, il faut réguler cependant à la GV pour assagir la barre qui se durcit. Dans les virements de bord, l’écoute de GV a une fâcheuse tendance à se prendre dans le moteur hors bord, posé sur la plateforme arrière. Et il faut prendre ses précaution­s dans les changement­s d’amure pour éviter la bôme assez basse et la poulie de renvoi de l’écoute de GV qui risquent de nous scalper. Le Stir Ven 19 navigue un peu plus loin dans notre sillage, sous GV arisée et petit foc. L’humidité embarquée ne semble pas ternir le sourire béat de l’équipage. Ce n’est que le lendemain, dans une brise plus légère, que nous prenons la barre du Stir Ven, dont le cockpit semble spontanéme­nt plus spacieux, avec un volume de rangement assez impression­nant.

LE STIR VEN EXISTE AUSSI EN VERSION CABINE

Deux grands coffres sur l’arrière font office de banc de barreur et peuvent stocker le hors-bord. Les deux autres bancs, au niveau du puits de dérive, sont amovibles et seront bien utiles pour avancer à l’aviron. Sous le pont, des équipets conservero­nt à l’abri VHF, téléphone et autre petit matos personnel. Dans la pointe, deux grands coffres permettent de stocker au sec les voiles et les rechanges. Bref, il y a tout ce qu’il faut pour embarquer de quoi pique-niquer et s’évader pour la journée. Voire pour le week-end : le Stir Ven existe aussi en version cabine. Nous envoyons aisément la grand-voile, avec son pic. Une fois le foc déroulé, nous évoluons dans les risées discrètes qui finissent par s’établir dans une légère brise. Et le Stir Ven n’est pas désagréabl­e à barrer, il honore chaque risée d’une légère accélérati­on. Nous faisons cap sur Sablanceau­x, sur l’île de Ré, avec l’objectif d’un échouage collectif. A l’approche de la plage, nous relevons facilement la dérive (120 kg) grâce au palan six brins, puis nous retrousson­s notre pantalon pour aider notre Stir Ven à se poser bord à bord avec le Loup. La mer se retire. Elle reviendra nous chercher dans deux heures, le temps de passer en revue ces différente­s génération­s de day-boats qui partagent cette langue de sable. Les amateurs de lignes classiques trouveront leur bonheur à la barre de l’un de ces deux charmants dériveurs intégraux, pour des bords familiaux ou sportifs, mais toujours avec style !

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 ??  ?? Les deux day-boats sont des dériveurs intégraux qui se posent sans effort sur une langue de sable.
Les deux day-boats sont des dériveurs intégraux qui se posent sans effort sur une langue de sable.
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Avec 27 m2 de surface, la grand-voile houari (ici arisée) est très puissante.
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Notre Loup arbore un emmagasine­ur sur son bout-dehors. Rare... et très pratique.

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