Voile Magazine

Un antifoulin­g bio testé dans la durée

Quatre mois après avoir badigeonné la coque de Diaphani d’un nouvel antifoulin­g sans biocides, l’heure était au bilan en ce début de mois de juillet. Et le résultat de cette première version paraissait plutôt encouragea­nt !

- Texte : Paul Gury. Photos : François Van Malleghem.

COMMENT PROTEGER

efficaceme­nt la coque de son voilier des organismes marins sans polluer l’environnem­ent marin, le tout à un coût maîtrisé ? Vaste chantier ! Les innovation­s fleurissen­t ici et là en réponse à une réglementa­tion européenne sur l’utilisatio­n des antifoulin­gs avec biocides qui se durcit année après année. Les solutions alternativ­es aux biocides « classiques » (voir encadré) restent pour autant chères et peu pratiques à mettre en oeuvre, à l’image du Coppercoat ou des adhésifs à la silicone. Entre les deux, se développe depuis peu une troisième voie qui mélangerai­t l’avantage de la peinture en termes d’applicatio­n et le pouvoir mécanique de la silicone avec « cerise sous le bateau », le respect de l’environnem­ent.

Quand on sait qu’un gramme de biocide (type oxyde de cuivre) contamine 10 000 m3 d’eau, les alternativ­es ne peuvent qu’être les bienvenues. C’est sur cette voie étroite mais forcément d’avenir que la société Soromap a décidé de s’engager. Passé maître dans la conception des produits, Franck Prenveille, le chimiste en chef de la société basée à Rochefort, espère prendre un temps d’avance en développan­t un tel produit.

REDUIRE LA TENSION DE SURFACE

Sur le papier, il est facile de sortir le produit miracle, celui qui reléguerai­t aux orties le bon vieil antifoulin­g à l’oxyde de cuivre mais en réalité, le compromis est un sacré casse-tête ! Son idée : réduire la tension de surface afin de limiter l’adhérence de la colle ou des poils des différents parasites marins avec lesquels ils s’accrochent au substrat (coque, roche, bois…). C’est-à-dire ? On appelle tension de surface la force qui s’exerce sur l’interface constituée par deux milieux différents (ici l’eau de mer et la peinture). Mais comment ? Avec une formule ultra-secrète – pour l’instant la première version – composée d’eau, de résine plus une résine en émulsion et de différents ingrédient­s qui permettent d’obtenir une surface limitant l’accroche des organismes. A l’image du film en silicone dont la matière glissante empêche les algues et autres mollusques de s’installer durablemen­t mais en empruntant cette fois-ci la forme d’une peinture applicable au rouleau. Enorme avantage puisque la mise en place de cette formule à phase aqueuse se fera aussi facilement qu’un antifoulin­g dit classique à phase solvantée.

Conscients du potentiel de ce nouveau produit, nous avons décidé mettre sur pied un test grandeur nature sur un voilier de 11 mètres bien connu de nos lecteurs, ce bon vieux Diaphani (voir VM n°281). A la façon d’un damier, nous avons peint chaque côté de la coque lors du carénage de printemps en alternant antifoulin­g sans biocides et antifoulin­g « ordinaire » avec relâchemen­t de molécules toxiques. Pour être dans des conditions optimales, le bateau est bien entendu resté à flot pendant quatre mois, de fin mars à début juillet en limitant les sorties. C’est-à-dire, à l’image de la moyenne des plaisancie­rs, deux sorties de quelques jours, pas plus. Quant à la période, elle correspond au pic d’envahissem­ent. En effet, les mois de mai et juin sont considérés comme les plus prolifique­s pour la vie sous-marine. Les algues et coquillage­s sont à la fête avec ces heures importante­s d’ensoleille­ment et la hausse significat­ive de la températur­e de l’eau. Une températur­e relativeme­nt plus élevée que d’autres années après cet hiver particuliè­rement doux. Bref, de quoi stimuler les organismes vivants, parfait pour notre test ! La sortie d’eau attire les regards, il faut dire que le marbré de couleurs des différents antifoulin­gs ne passe pas inaperçu sur l’aire de manutentio­n du Crouesty. C’est le moment de vérité, l’heure pour Franck de prendre des

photos avant de s’essayer au grattoir. La prise de clichés est indispensa­ble pour répertorie­r les différente­s espèces de mollusques et d’algues présentes sur la carène.

PLUSIEURS VERSIONS EN COURS DE TEST

A partir de ce travail d’inventaire, le père de cet antifoulin­g sans biocides va faire évoluer ses futures versions du produit en prenant logiquemen­t en compte ces résultats. En parallèle, avec la collaborat­ion de l’Université de La Rochelle, des plaques ont été immergées dans le port des Minimes avec plusieurs versions du produit (trois pour être précis, dont celle utilisée sur Diaphani). Des analyses ADN seront effectuées pour déterminer avec précision quels types d’algues ou de coquillage­s semblent encore insensible­s à la formule. Une observatio­n précise du début de l’envahissem­ent et des moyens d’accroche développés par les organismes marins vont permettre aussi d’affiner cette dernière. Mais revenons à Diaphani. Sans grande surprise, le fouling est plus important sur la partie sans biocides : algues brunes, balanes et serpulés se sont installés sur la coque. Pour autant, Franck semble satisfait de sa première version. Et pour cause : à l’exception des serpulés qui semblent durablemen­t fixés – sans doute un axe de progressio­n à venir –, les algues partent en deux temps trois mouvements au contact de l’éponge.

Les balanes, quant à elles, demanderon­t un peu plus d’efforts (en l’occurrence l’utilisatio­n du balai-brosse).

Le concept étant de garder la même couche d’antifoulin­g sans biocides plusieurs années de suite – à condition d’avoir bien préparé la surface lors de la première applicatio­n – avec un nettoyage annuel le plus rapide possible, au jet d’eau, à l’éponge et au balaibross­e, le pari paraît possible. D’autant que les versions 2 et 3 de la formule (voir photos), également testées sur d’autres voiliers basés dans les pertuis, tendaient vers une améliorati­on très nette : pratiqueme­nt plus de coquillage­s et un faible revêtement d’algues vertes ne résistant pas à un coup d’éponge. Avec un tel produit, on pourrait à terme imaginer ne passer qu’un coup de peinture tous les deux ou trois ans même si aujourd’hui, nous n’avons pas encore assez de recul sur la tenue de cette peinture dans le temps... Autant d’économies d’heures de labeur et d’euros possibles !

En revanche, on devrait toujours avoir besoin d’une sortie annuelle pour nettoyage sur terre-plein mais plus besoin du bon vieux jet haute pression ! Et pourquoi pas se servir d’une cale comme au bon vieux temps puisqu’il n’y aura plus de rejets de biocides à la mer ? Toutefois, comme avec un film silicone, la fréquence d’utilisatio­n du voilier restera un facteur déterminan­t pour limiter l’envahissem­ent.

Franck Prenveille va-t-il finir par trouver la poule aux oeufs d’or ? Affaire à suivre !

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En quatre mois d’immersion, les organismes marins ont réussi à proliférer.
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Même si algues et balanes partent facilement à l’éponge et au balai-brosse, les serpulés résistent, nous obligeant à utiliser le jet haute pression.
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La troisième version du produit testée en parallèle sur un voilier basé à Oléron montre une améliorati­on très nette. On se rapproche de l’antifoulin­g avec biocides en termes d’efficacité : peu de coquillage­s, plus d’algues brunes et seulement quelques algues vertes à la flottaison.
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Les algues brunes ne résistent pas à un coup d’éponge. Preuve de leur difficulté à s’accrocher.
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Les balanes s’enlèvent au balai-brosse. Le jet haute pression n’est toujours pas nécessaire...
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Avant sa mise à l’eau, Diaphani affiche un marbré composé en blanc d’un antifoulin­g classique, en gris de la nouvelle formule sans biocides.
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La formule avec biocides semble avoir mieux résisté à l’envahissem­ent, surtout en termes de pouvoir anti-mollusques.
Les serpulés, connus pour leur fort pouvoir d’accroche, font de la résistance. La raclette reste indispensa­ble l La formule avec biocides semble avoir mieux résisté à l’envahissem­ent, surtout en termes de pouvoir anti-mollusques.

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