Un antifouling bio testé dans la durée
Quatre mois après avoir badigeonné la coque de Diaphani d’un nouvel antifouling sans biocides, l’heure était au bilan en ce début de mois de juillet. Et le résultat de cette première version paraissait plutôt encourageant !
COMMENT PROTEGER
efficacement la coque de son voilier des organismes marins sans polluer l’environnement marin, le tout à un coût maîtrisé ? Vaste chantier ! Les innovations fleurissent ici et là en réponse à une réglementation européenne sur l’utilisation des antifoulings avec biocides qui se durcit année après année. Les solutions alternatives aux biocides « classiques » (voir encadré) restent pour autant chères et peu pratiques à mettre en oeuvre, à l’image du Coppercoat ou des adhésifs à la silicone. Entre les deux, se développe depuis peu une troisième voie qui mélangerait l’avantage de la peinture en termes d’application et le pouvoir mécanique de la silicone avec « cerise sous le bateau », le respect de l’environnement.
Quand on sait qu’un gramme de biocide (type oxyde de cuivre) contamine 10 000 m3 d’eau, les alternatives ne peuvent qu’être les bienvenues. C’est sur cette voie étroite mais forcément d’avenir que la société Soromap a décidé de s’engager. Passé maître dans la conception des produits, Franck Prenveille, le chimiste en chef de la société basée à Rochefort, espère prendre un temps d’avance en développant un tel produit.
REDUIRE LA TENSION DE SURFACE
Sur le papier, il est facile de sortir le produit miracle, celui qui reléguerait aux orties le bon vieil antifouling à l’oxyde de cuivre mais en réalité, le compromis est un sacré casse-tête ! Son idée : réduire la tension de surface afin de limiter l’adhérence de la colle ou des poils des différents parasites marins avec lesquels ils s’accrochent au substrat (coque, roche, bois…). C’est-à-dire ? On appelle tension de surface la force qui s’exerce sur l’interface constituée par deux milieux différents (ici l’eau de mer et la peinture). Mais comment ? Avec une formule ultra-secrète – pour l’instant la première version – composée d’eau, de résine plus une résine en émulsion et de différents ingrédients qui permettent d’obtenir une surface limitant l’accroche des organismes. A l’image du film en silicone dont la matière glissante empêche les algues et autres mollusques de s’installer durablement mais en empruntant cette fois-ci la forme d’une peinture applicable au rouleau. Enorme avantage puisque la mise en place de cette formule à phase aqueuse se fera aussi facilement qu’un antifouling dit classique à phase solvantée.
Conscients du potentiel de ce nouveau produit, nous avons décidé mettre sur pied un test grandeur nature sur un voilier de 11 mètres bien connu de nos lecteurs, ce bon vieux Diaphani (voir VM n°281). A la façon d’un damier, nous avons peint chaque côté de la coque lors du carénage de printemps en alternant antifouling sans biocides et antifouling « ordinaire » avec relâchement de molécules toxiques. Pour être dans des conditions optimales, le bateau est bien entendu resté à flot pendant quatre mois, de fin mars à début juillet en limitant les sorties. C’est-à-dire, à l’image de la moyenne des plaisanciers, deux sorties de quelques jours, pas plus. Quant à la période, elle correspond au pic d’envahissement. En effet, les mois de mai et juin sont considérés comme les plus prolifiques pour la vie sous-marine. Les algues et coquillages sont à la fête avec ces heures importantes d’ensoleillement et la hausse significative de la température de l’eau. Une température relativement plus élevée que d’autres années après cet hiver particulièrement doux. Bref, de quoi stimuler les organismes vivants, parfait pour notre test ! La sortie d’eau attire les regards, il faut dire que le marbré de couleurs des différents antifoulings ne passe pas inaperçu sur l’aire de manutention du Crouesty. C’est le moment de vérité, l’heure pour Franck de prendre des
photos avant de s’essayer au grattoir. La prise de clichés est indispensable pour répertorier les différentes espèces de mollusques et d’algues présentes sur la carène.
PLUSIEURS VERSIONS EN COURS DE TEST
A partir de ce travail d’inventaire, le père de cet antifouling sans biocides va faire évoluer ses futures versions du produit en prenant logiquement en compte ces résultats. En parallèle, avec la collaboration de l’Université de La Rochelle, des plaques ont été immergées dans le port des Minimes avec plusieurs versions du produit (trois pour être précis, dont celle utilisée sur Diaphani). Des analyses ADN seront effectuées pour déterminer avec précision quels types d’algues ou de coquillages semblent encore insensibles à la formule. Une observation précise du début de l’envahissement et des moyens d’accroche développés par les organismes marins vont permettre aussi d’affiner cette dernière. Mais revenons à Diaphani. Sans grande surprise, le fouling est plus important sur la partie sans biocides : algues brunes, balanes et serpulés se sont installés sur la coque. Pour autant, Franck semble satisfait de sa première version. Et pour cause : à l’exception des serpulés qui semblent durablement fixés – sans doute un axe de progression à venir –, les algues partent en deux temps trois mouvements au contact de l’éponge.
Les balanes, quant à elles, demanderont un peu plus d’efforts (en l’occurrence l’utilisation du balai-brosse).
Le concept étant de garder la même couche d’antifouling sans biocides plusieurs années de suite – à condition d’avoir bien préparé la surface lors de la première application – avec un nettoyage annuel le plus rapide possible, au jet d’eau, à l’éponge et au balaibrosse, le pari paraît possible. D’autant que les versions 2 et 3 de la formule (voir photos), également testées sur d’autres voiliers basés dans les pertuis, tendaient vers une amélioration très nette : pratiquement plus de coquillages et un faible revêtement d’algues vertes ne résistant pas à un coup d’éponge. Avec un tel produit, on pourrait à terme imaginer ne passer qu’un coup de peinture tous les deux ou trois ans même si aujourd’hui, nous n’avons pas encore assez de recul sur la tenue de cette peinture dans le temps... Autant d’économies d’heures de labeur et d’euros possibles !
En revanche, on devrait toujours avoir besoin d’une sortie annuelle pour nettoyage sur terre-plein mais plus besoin du bon vieux jet haute pression ! Et pourquoi pas se servir d’une cale comme au bon vieux temps puisqu’il n’y aura plus de rejets de biocides à la mer ? Toutefois, comme avec un film silicone, la fréquence d’utilisation du voilier restera un facteur déterminant pour limiter l’envahissement.
Franck Prenveille va-t-il finir par trouver la poule aux oeufs d’or ? Affaire à suivre !