François Jambou : « Le rêve de ma vie »
20 JOURS 20 heures et 31 minutes auront suffi au moniteur de voile de Concarneau de trente-cinq ans pour rallier Las Palmas de Gran Canaria à la Martinique et remporter la Mini-Transat en catégorie proto. Il revient sur la genèse de sa course et sur la suite de sa carrière de marin.
Pourquoi prendre le départ de la Mini-Transat ?
C’est la course de M. Tout le Monde ou presque, loin des professionnels purs et durs de la course au large. Il n’y a rien à gagner, pas de « prize money », juste de l’honneur, de la satisfaction, de la confiance en soi… J’ai découvert la Mini en classe de CM2 en suivant un concurrent. Puis je suis devenu moniteur de voile à quinze ans et assistant à un départ de Mini-Transat, je me suis dit : « Pourquoi pas moi ? » Une Route du Rhum ou un Vendée Globe me paraissaient totalement inaccessibles.
Comment as-tu débuté en mini ?
J’ai été équipier de Ian Lipinski durant la saison 2012. En 2014, j’ai acheté mon premier bateau, un Pogo 2 sur lequel j’ai fini 3e des Sables- Les Açores- Les Sables. Puis, j’ai trouvé le budget pour la MiniTransat 2015 en proposant notamment des séances d’initiation sur mini. J’imaginais en vendre trois ou quatre. Ce fut finalement un véritable succès qui m’a permis, entre autres, de rencontrer Pascal Fiévet ( vainqueur du Mini- Fastnet dans les années 1990). Ce dernier m’a alors proposé de m’aider à financer un projet gagnant avec le meilleur bateau ( le mini 865 Maximum dessiné par David Raison pour Davy Beaudart et vainqueur de la Mini-Transat 2017 aux mains de Ian Lipinski). Pour autant, les choses n’ont pas été faciles. J’ai beaucoup investi d’argent personnel et de temps aux dépens de ma famille.
As-tu eu des moments de doute pendant cette transat ?
Après ma victoire dans les Sables- Les Açores l’an dernier, je venais clairement pour gagner. Je voulais naviguer en bon marin en gérant toujours ma prise de risques. Ma plus grande fierté, ma force finalement, c’est d’avoir pris le départ d’une quarantaine de courses en mini sans jamais avoir abandonné. De plus, j’étais particulièrement bien préparé physiquement. Je suis arrivé en Martinique en pleine forme alors que ce bateau est beaucoup plus exigeant. Mais c’est aussi un bateau qui a été extrêmement fiabilisé par ses précédents skippers. Je reconnais en revanche que j’ai souvent la psychose de me faire rattraper sur les derniers milles.
Ton moment le plus intense ?
Sans hésitation, la descente le long du Portugal : elle fut d’une violence incroyable. Le vent était presque raisonnable, 30 noeuds, mais les vagues très raides faisaient partir le bateau en survitesse avant de le stopper net. L’arrivée sur Gran Canaria alors qu’Axel Tréhin me dépasse m’a aussi marqué, même si, avec le recul, je trouve juste qu’il gagne aussi une étape.
Quelles sont tes ambitions après cette victoire ?
Jusque- là, le rêve de ma vie était de faire la MiniTransat. Je ne m’étais jamais projeté au-delà. Après cette victoire, j’ai l’impression d’être devenu bon. Je suis bien en mer, je suis bien en régate. Je comprends ce qui se passe en météo, en tactique, en stratégie. J’ai le sentiment d’avoir acquis des bases solides qu’il serait dommage de ne pas exploiter. En fait je m’étais interdit de penser à l’après Mini-Transat. Je voulais dans un premier temps réussir ma course. Avec cette victoire, je me sens plus légitime pour aller vers de nouveaux projets. J’ai très envie de continuer à naviguer mais aussi à transmettre un savoir sur des courses en double et en équipage, faisant le lien entre mon premier métier d’enseignant et mes compétences en compétition. Et réaliser ce projet sur un support tel qu’un 40 pieds dessiné par David Raison serait parfait… En fait, je marche dans les pas de Ian Lipinski qui est mon mentor, mon modèle.