Pas si simple, le cycle de vie du composite !
Il n’existe pas aujourd’hui de données qui permettent de comparer le bilan énergétique de voiliers construits avec des matériaux différents (verre-polyester, CP-époxy, aluminium etc.). Le gain environnemental d’un bio composite par rapport à un stratifié classique n’est pas précisément mesurable non plus. Pour cela, il faut effectuer une analyse du cycle de vie (ACV). Cet outil permet de mesurer l’impact environnemental d’un système, de sa fabrication jusqu’à sa fin de vie, en intégrant l’ensemble des paramètres (extraction des matières premières, transport, fabrication, usage, recyclage…). Il s’agit évidemment d’une équation complexe qui impose de définir une unité fonctionnelle précise : par exemple, un voilier de 8 m qui navigue à 6 noeuds au près dans telles conditions. A partir de là, une multitude de variables peuvent être intégrées comme : • La consommation d’énergie carbonée, paramètre au coeur des préoccupations car la consommation de ressource pétrochimique est la principale émettrice de CO2, dont la saturation dans l’atmosphère est responsable du réchauffement climatique par effet de serre (sur ce point, la fibre de lin a un bien meilleur bilan énergétique que la fibre de verre). • L’utilisation d’énergies renouvelables (considérées comme inépuisables à l’échelle de temps de la vie humaine) ou non renouvelables, comme la silice (utilisée pour fabriquer la fibre de verre), le pétrole (résines pétrochimiques), l’aluminium, etc.
• L’occupation des terres agricoles (sur ce point, le recours aux matériaux issus de la biomasse soulève la question de la concurrence avec les ressources alimentaires).
• Le recyclage, enjeu fondamental dans le nautisme puisque les résines thermodurcissables (époxy et polyester) sont faciles à mettre en oeuvre mais très difficilement recyclables, à l’inverse des polymères thermoplastiques (difficiles à mettre en oeuvre mais facilement recyclables).
• Le volet social est un des paramètres qui peut aussi entrer en ligne de compte (d’un point de vue sanitaire, le travail de la fibre de lin offre aux techniciens de bien meilleures conditions de travail).
Le rôle de l’analyse du cycle de vie est d’aider le concepteur à faire des choix : est-ce que je préfère réduire l’émission de gaz à effet de serre, limiter l’occupation de terres agricoles, éviter l’exposition des employés à des composés organiques volatils cancérigènes, favoriser le recyclage ? L’ACV ne donne pas de réponse toute faite car selon les priorités du constructeur, un même matériau peut présenter des avantages sur certains plans et des inconvénients sur d’autres. Il faut encore patienter quelques semaines pour accéder à un comparatif des différents types de voiliers (matériaux et construction). Un logiciel américain baptisé Marine Shift 360 sera bientôt commercialisé et permettra d’analyser le cycle de vie d’un voilier. Le projet est porté par Wendy Schmidt, la femme d’un des gros actionnaires et ancien PDG de Google. Un paradoxe ? Ce n’est pas l’avis d’Erwan Grossmann, responsable du bureau d’études en bio composite de Kaïros : « Nous avons assisté à des réunions de présentation du logiciel et nous sommes clairement intéressés par cet outil qui va forcément faire avancer les choses dans le nautisme. »