Pahi 63
à bord de son Tiki 26. Particulièrement simple, ultra-léger (360 kg), facile à remorquer, le Tiki 21 ouvre à moindres frais les portes de la croisière côtière et reste sûr dans toutes les conditions de temps. Vingt ans avant les voiles « square head » des catas de sport, sa grand-voile utilise une courte vergue et un fourreau, qui permettent à la fois de réduire la traînée, d’augmenter la portance et d’en contrôler le vrillage. Le Tiki 21 ne comporte aucune ferrure, tout l’assemblage coque-bras de liaison et gréement (jusqu’aux gouvernails !) reposant sur des ligatures textiles. Cette méthode fut, à l’époque, raillée par ceux qui, aujourd’hui, considèrent les liaisons textiles comme le parangon de la modernité ! Preuve, parmi d’autres, que James Wharram n’est pas un illuminé, techniquement inculte et replié sur les fantômes du passé, mais un authentique architecte, averti en matière de technologie et apte à défricher des terres nouvelles. Quitte, parfois, à être en avance sur son temps... En 1987, le Pahi 63 Spirit of Gaia est le plus grand des Wharram, avec plus de 19 m de long pour 8,50 m de large et 8 t lège. Il faudra quatre ans d’efforts et de nombreux volontaires pour mettre à l’eau un catamaran conçu, à l’origine, pour aider à la recherche océanographique. En trois décennies, l’équipe a emmené Spirit of Gaia autour du monde, au gré d’expéditions et d’événements divers. Entre-temps, la gamme des Tiki s’est enrichie des modèles 30, 38 et 46, les premiers d’une série adaptée à un programme de croisière hauturière. A partir de 1997, nourri par sa passion de l’histoire, James réinterprète à sa manière les modèles traditionnels du Pacifique
LA PASSION DE L’HERITAGE POLYNESIEN
et de l’océan Indien avec sa série « ethnique ». Le Melanesia, une pirogue à balancier de 4,90 m propulsée à la voile ou à la pagaie servira de brouillon, suivie du Tahiti Wayfarer de 6,40 m qui participa au Festival de Douarnenez. Tous les modèles ont en commun une coque à simple bouchain en contreplaqué-époxy, le reste de la structure, en branches et troncs bruts, étant assemblé sans colle, à l’aide de ligatures. La voile en « pince de crabe », dont le rendement aérodynamique est très surprenant, est taillée dans une simple bâche et surliée à deux branches, la gouverne reposant sur une grande pagaie commandée par un court palonnier. L’effet anti-dérive est confié aux seules oeuvres vives. Compte tenu de la pauvreté des moyens mis en oeuvre, l’efficacité de cette pirogue double est confondante et, à condition d’accepter une allure résolument décalée et des techniques de manoeuvre aux antipodes de l’expérience acquise, son rapport prix/efficacité est imbattable.
Dans le même esprit de retour aux formes anciennes, Wharram part en 1999 sur les traces des Vikings, de l’Ecosse à l’Islande via les îles Feroe et le Danemark. L’Islander 65 sort des cartons en l’an 2000, à la demande d’un navigateur micronésien qui souhaitait disposer d’un cargo à voiles pour le trafic de marchandises inter-îles, suivi de l’Islander 55, construit professionnellement par un chantier indonésien. Investi depuis toujours dans la construction amateur, James ne néglige pas pour autant les professionnels, pour lesquels il conçoit des modèles spécifiques, le dernier en date étant le Mana 24, disponible en kit complet pour moins de 14 000 euros.
Avec l’impatience d’un jeune homme de 91 ans, James Wharram s’est aujourd’hui attelé à l’écriture du roman de sa vie, où il n’a cessé d’illustrer la phrase écrite 150 ans plus tôt par Joshua Slocum :
« L’océan est fait pour naviguer ».