Voile Magazine

Golfe du Morbihan

La petite mer comme on l’aime

- Texte : Paul Gury. Photos : François Van Malleghem.

VU ET REVU, le golfe du Morbihan, mais quel bonheur à chaque fois renouvelé ! Celui de tirer des bords au ras de ces îles aux teintes scandinave­s, évitant les marmites ici et là, se livrant corps et âme au courant ou en jouant de celui-ci en attrapant, si besoin, les « contre » dans les nombreuses baies qui s’offrent à vous au gré du programme choisi. Mais la marée, qui fait tout le charme de cet Eden maritime, n’attend pas ! Rendez-vous nous a donc été donné au port du Crouesty à huit heures pétantes pour embarquer sur un pneumatiqu­e. En effet, nous rejoindron­s notre Bihan 6.50 mouillé au Monteno grâce à la risée Tohatsu. L’idée est prendre de l’avance avant le début de la renverse pour rejoindre la rivière de Vannes, notre première étape.

EN ROUTE POUR LA RIVIERE DE VANNES

Les pêcheurs de daurade calés dans l’entrée du Golfe nous donnent le tempo en direct : l’étale est bientôt là, plus de temps à perdre ! Cap sur le Grand Mouton qui balise la baie du Monteno. Ce vilain rocher affleurant sur lequel vous pousse le courant est le seul véritable danger du coin. L’écueil paré, nous pouvons enfin embarquer sur le dernier-né du chantier Marine Composites. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a du cachet ce joli voilier avec son gréement traditionn­el. Il s’agit d’un houari dit militaire, précisons-le, comme l’indique clairement le pic proche de la verticale. En outre, la silhouette est pure grâce à cet amalgame réussi entre voilier classique et modernité, à l’image du pont dégagé aux grandes surfaces planes associé à de larges passavants garnis d’un simili-teck de qualité (Flexiteek). Le tout porté par une carène signée Finot-Conq tendue avec étrave droite et delphinièr­e mais suffisamme­nt large au maître bau pour apporter de la puissance au portant et de l’habitabili­té sous le pont. Deux couchettes et une pointe avant dans un espace certes réduit (1,25 m de hauteur sous barrots) permettent d’envisager de passer une nuit ou deux en raid dans un certain confort. Nous hissons la GV et son pic en un tournemain via un système de double drisse placé en pied de mât. Plus le vent est fort, plus on reprend du pic, un peu à l’image du hale-bas pour aplatir la voile. Pour le moment, c’est plutôt calme avec ce léger vent de terre assez irrégulier. Foc à contre, nous larguons notre corps-mort à la voile comme les vrais navigateur­s du Golfe. Le point d’écoute de la petite voile d’avant gréée sur un enrouleur positionné sous le pont se balade sur un rail transversa­l autovireur. Pour multiplier les virements dans les forts courants de la Jument c’est parfait, surtout si vous êtes amené à naviguer en équipage réduit ou familial. En effet, une fois passé les majestueux

alignement­s d’Er Lannig, nous souhaitons déboucher dans la grande anse de Kerdolan qui s’ouvre dans l’ouest de l’île aux Moines. Côté pointe de Berder, plus à rien à faire, le courant de jusant qui commence son oeuvre nous barre la route, voire nous entraîne à reculons. C’est là que le devis de poids parfaiteme­nt maîtrisé de notre Bihan 6.50, grâce à sa constructi­on soignée en infusion (sandwich verre-mousse PVC) et à ses espars en carbone, va nous aider à tirer notre épingle du jeu.

PETOLE DEVANT PORT BLANC

A condition toutefois de bien positionne­r l’équipage nombreux – nous sommes quatre à bord dont Guirec Soudée venu découvrir le Golfe et le Bihan 6.50 par la même occasion – pour garder une assiette optimale et limiter ainsi la surface mouillée. Nous finirons par attraper quelques risées favorables vers l’île de la Jument, l’un de ces endroits magiques du Golfe où le jus peut atteindre plus de 8 noeuds lors des forts coefficien­ts de marée. Et c’est à la vitesse de 5 noeuds en surface – sans doute même pas un noeud sur le fond – que nous franchisso­ns mètre par mètre ce véritable passage à niveau truffé de tourbillon­s et de remous en tout genre. Le jeu qui consiste à étaler aux ras des cailloux est toujours aussi palpitant ! Entre Berder et la petite île de Creizig, nous enchaînons des virements de bord toujours faciles – comme on le ferait avec un dériveur –, à l’affût des caprices du vent. Devant Port Blanc, Eole s’étant carrément fait la malle, nous décidons à contrecoeu­r de ressortir le hors-bord que nous avions calé dans le grand coffre situé dans le fond du cockpit. Mais même au moteur, la bataille

Quille et safran relevés, nous échouons sur Govihan.

contre le jusant reste d’actualité. Nous coupons par toutes les baies et mouillages que nous croisons entre le nord de l’île aux Moines et l’entrée de la rivière de Vannes. Le but est de s’appuyer sur les contre-courants présents au plus près du littoral, ou au moins d’éviter les plus grosses veines de jus pour gagner du temps et économiser de l’essence. Le voyage au milieu des voiliers au mouillage et au plus près des pointes et cales est fort agréable. L’oeil sur le sondeur, la vigilance reste de mise avec le 1,30 m de tirant d’eau de notre Bihan 6.50 en mode quille basse. Précisons que cette dernière (bulbe en plomb, voile stratifié) est pivotante via un système basique de palan à reprendre au-dessus du puits de dérive. Cela nous permettra de la remonter presque entièremen­t lorsque le sondeur nous rappellera à son bon souvenir. Après avoir repéré la maison rose, l’amer qui balise l’entrée de la rivière de Vannes, nous attrapons un coffre pour casser la croûte devant Port Anna, petit port de pêche niché sous la pointe de Bararac’h. L’occasion d’utiliser la poutre arrière transforma­ble en croisillon pour soutenir la bôme à l’escale (très élégant).

UN RETOUR SOUS SPI POUSSES PAR LE JUSANT

Nos sandwiches engloutis, nous décidons de repartir vers l’océan en laissant Drennec, Piren et l’île d’Arz sur notre bâbord. Une trajectoir­e parfaite pour envoyer l’asymétriqu­e et empanner au gré des obstacles rencontrés (îles, bancs de vase, parcs à huîtres, balisage). Poussé par la descendant­e, le bateau semble attraper toutes les risées du coin avec son petit spi bleu très plat. Bien calé au poste de barre, l’écoute de l’imposante grand-voile dans la main, je me régale ! Au moment d’affaler, l’avaleur de spi qui se reprend via une drosse positionné­e dans le cockpit fonctionne en toute fluidité. Il est forcément un peu encombrant à l’intérieur mais simplifie singulière­ment les manoeuvres et ne peut que vous encourager à envoyer le pépin dès que possible. Nous profitons de notre passage devant l’île de Govihan pour poser le bateau sur la plage. Quille relevée au maximum, safran remonté, la manoeuvre est d’une facilité déconcerta­nte. Pratique pour le mouillage mais également pour le transport par la route ! Pour la beauté de l’endroit, dommage que le spot soit devenu celui des vedettes à moteur et des parasols façon Côte d’Azur… Mais l’heure tourne et si nous ne voulons pas nous prendre le début du flot à l’entrée du Golfe, le temps presse. Nous terminons notre virée à vive allure, toujours sous spi, avant de saluer le phare de Port-Navalo sous le regard envieux des badauds et des voiliers qui nous croisent. Il faut dire qu’il a le chic pour attirer les regards ce beau voilier fait sur mesure pour goûter aux joies du golfe du Morbihan en toute sérénité.

 ??  ?? Le Bihan 6.50 glisse dans les petits airs devant l’île de Gavrinis et ses menhirs.
Le Bihan 6.50 glisse dans les petits airs devant l’île de Gavrinis et ses menhirs.
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 ??  ?? Guirec Soudée (à droite) n’avait pas emmené sa poule Monique pour cette balade sur la petite mer.
Guirec Soudée (à droite) n’avait pas emmené sa poule Monique pour cette balade sur la petite mer.
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 ??  ?? Sous spi pleine balle, nous saluons le phare de Port-Navalo.
Sous spi pleine balle, nous saluons le phare de Port-Navalo.
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