Zone de vérité
La course au large, c’est beaucoup de technologie et pas mal de com’, des petits secrets qui circulent sous le manteau, des amitiés indéfectibles et des rivalités recuites, des coups de main, des coups de gueule… A quelques semaines d’un grand rendezvous comme le Vendée Globe, on est en plein dans cette effervescence médiatique – dans laquelle, soyons clairs, nous jouons notre partie. Nous la jouons même de notre mieux, pas seulement en théorie mais après avoir navigué sur treize des trente-trois bateaux engagés pour un Spécial Vendée Globe au plus près des cockpits !
Mais le 8 novembre, tout change. L’arène n’est plus le Landerneau des bouffeurs d’écoute et encore moins la petite jungle des réseaux sociaux, mais la haute mer. L’enjeu n’est plus l’image de marque des uns, l’audience des autres ou l’opinion de la ménagère de moins de cinquante ans, mais la course et la sécurité des marins. Laquelle deviendra cruciale quand les concurrents atteindront les hautes latitudes sud sur leurs machines surpuissantes. Plus de fauxsemblants, plus de posture ni « d’imposteurs » comme disait Tabarly : ces mers-là décapent tout. Ego, ambitions… Vous pouvez bien avoir 20 000 followers, il n’y en aura pas un pour prendre un deuxième ris dans la piaule ! Avec ou sans foils, et quelle que soit la technologie embarquée, que reste-il au bout du compte, au bout du monde ? Un marin, homme ou femme, un bateau et trois caps. C’est la cruelle magie du Vendée Globe et son pitch implacable. Ces marins vont quitter les feux de la rampe et entrer en mer – comme dit joliment Isabelle Autissier dans le remarquable podcast* qui lui est consacré. Dans cette zone de vérité qui est leur milieu naturel, plus rien ne comptera de ce qui a été dit, écrit, supposé. Rien que leur courage et leur sens marin pour écrire un destin autour du monde.
*A voix nue avec Isabelle Autissier, France Culture