Défricheurs d’océans
Fin septembre 1996, à peine plus d’un mois avant le départ, elle ne prévoyait pas de participer… Et puis le hasard des rencontres et l’envie irrépressible de se lancer malgré tout dans l’aventure ont chamboulé son sage programme : en mars 1997, elle devient la première femme à inscrire son nom au classement de cette course déjà mythique.
Il y a des coïncidences qui laissent rêveur… C’est au moment même où Titouan Lamazou franchit le cap Horn, en février 1990, en route pour gagner le tout premier Vendée, que Catherine apprend que le projet de Mini-Transat qu’elle poursuit depuis quatre ans, premier pas vers ses rêves de grand large, peut enfin se concrétiser. Dans le cadre d’un partenariat avec la Cité des Sciences et de l’Industrie, elle va faire construire son proto 6,50 sous les yeux du public de La Villette. Elle a 27 ans et, depuis une dizaine d’années, n’imagine sa vie qu’en mer, de préférence sur des voiliers de course. Pas vraiment un virus familial : chez les Chabaud, avec un père passionné de plongée et de pêche sous-marine, on passait plus de temps sous l’eau qu’en surface pendant les vacances en Bretagne Nord. La voile, elle l’a apprivoisée toute seule au fil d’embarquements plus ou moins fiables dénichés dans les bourses des équipiers ou au hasard du bateau-stop. Elle ne manque aucune occasion de se rapprocher de l’univers de la course, participe à la création de la classique étudiante Spi Dauphine puis met à profit ses études de journalisme pour suivre toutes sortes d’événements nautiques – à commencer par la Whitbread, la course autour du monde en équipage – tout en essayant de se lancer elle-même dans la course. L’expositionconstruction de Whirlpool-Europe 2 sert de déclic. Catherine réussit une belle Mini en 1991 (12e sur 68 partants) et gagne l’année suivante le Mini-Fastnet et le National 6,50. Avec Anne Combier, Christine Briand et Christine Guillou, elle crée l’association Challenge Océanes, un projet de Whitbread au féminin, sans cesser bien sûr de penser au Vendée Globe… A la fin de l’été 1996, il semblerait que ce ne soit pas encore le moment. Elle a participé quelques mois plus tôt à la Transat anglaise, à bord de l’ancien Fuji III, mais pense surtout à se préparer sérieusement pour un départ autour du monde en novembre 2000. Une conversation impromptue avec Jean-Luc van den Heede au Grand Pavois de La Rochelle change tout. Catherine découvre que son fameux « cigare rouge », le plan Harlé-Mortain deuxième de l’édition 1992/93, reste disponible à un prix de location raisonnable… La décision est prise en quelques heures et tout s’enchaîne pendant le mois d’octobre : recherche de sponsors, recrutement d’une équipe pour préparer le bateau, travaux divers, avitaillement, sans parler de l’incontournable parcours de qualification de
2 000 milles en solitaire… Au départ des Sables d’Olonne, le 3 novembre, les regards se tournent plutôt vers l’autre femme de la course, Isabelle Autissier, qui ne joue pas vraiment dans la même catégorie, prétendante sérieuse à la victoire finale avec son plan Finot/ Conq PRB. Mais Isabelle casse son safran au large de l’Afrique du Sud. Réparation au Cap, six jours de perdus et un temps tout de même exceptionnel à l’arrivée… qui comptera évidemment pour du beurre. Catherine n’a pas de grandes ambitions au classement. Elle se bat du mieux qu’elle peut, entre rires et larmes, pour mener son bateau au bout. Après 140 jours de mer, elle arrive à bon port, sixième d’une course cataclysmique qui a vu la disparition de Gerry Roufs et dans laquelle à peine plus d’un tiers des partants seront classés…
Sur le quai des Sables, elle n’est pas contente de son temps, dit ses regrets de n’avoir pas su faire mieux, avant de comprendre, face à l’enthousiasme de ses interlocuteurs, que l’essentiel est sans doute ailleurs…
« Longtemps, l’évocation de mon passage du cap Horn, autant que les drames qui ont assombri l’aventure, m’a bouleversée à m’en faire pleurer. J’avais peur aussi que la terre ne comprenne pas. »