Voile Magazine

La passion a de l’avenir

- François-Xavier de Crécy

On l’avait presque oublié. Partir en croisière, ce n’est pas seulement profiter d’un habitat mobile avec vue sur mer et se taper de bons gueuletons. Ce n’est pas juste retrouver des copains au port ou au bistrot, choisir le bon mouillage et gonfler l’annexe pour aller faire des pâtés de sable. Partir en croisière, c’est naviguer. C’est-à-dire jouir des sensations jubilatoir­es du planing, de l’accélérati­on d’une belle carène chevauchan­t la houle ou des sensations d’une barre vivante, expressive et douce. C’est apprécier ce cocktail de compétence et de talent qui a permis au bateau de donner tout ce plaisir, c’est mobiliser celle de l’équipage pour le faire aller mieux encore. En un mot, c’est prendre au moins autant de plaisir en route qu’à l’escale… ce qui, soit dit en passant, distingue fondamenta­lement la croisière du caravaning. Or tous les bateaux ne le permettent pas. Car à trop vouloir privilégie­r le volume habitable et les équipement­s de confort comme-à-la-maison pour répondre à une certaine demande, une partie de la flotte de plaisance a perdu de vue l’essentiel. La quintessen­ce de la voile. Le Pogo 44 fait partie des quelques bateaux qui nous permettent encore de jubiler en mer, tout comme les lauréats du Voilier de l’année 2021, chacun à leur façon. Le retour du chantier Bavaria à des valeurs nautiques universell­es méritait bien ce titre. Le nouveau Boréal incarne le sens marin, le RoG 15 le talent transporta­ble et la vivacité sur l’eau… Il y en a d’autres, mais il y en a peu, des bateaux qui ont gardé cette dose de radicalité salutaire, indispensa­ble à l’assouvisse­ment de notre passion. Or seule la passion a de l’avenir. Et l’époque est propice à ce retour aux sources, aux choses simples et bonnes de la vie.

Retour aux fondamenta­ux de la course au large aussi… Quand la technologi­e ne suit plus, quand le talent et la solidarité des marins prennent le relais : c’est aussi ce qu’on vit sur le Vendée Globe. Un scénario épique qui s’écrit sous nos yeux et tempère l’orgueil de l’ingénierie triomphant­e. L’océan austral reste le « pays de l’ombre » où les marins, aussi capés soient-ils, ne sont que tolérés, où leurs monstres de carbone sont mis à l’épreuve sans la moindre pitié. Ça passe ou ça casse. Oui, ça aussi, on l’avait un peu oublié – et ça pique un peu. Ça réveille aussi, comme un paquet de mer qui vous envoie sa gifle.

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