Kusupa, un Sun Légende aux Antilles
Martinique, Grenadines, Guadeloupe, Antigua, îles Vierges Britanniques, le but du voyage est atteint. Kusupa et son équipage peuvent enfin se tropicaliser ! L’année sabbatique prend alors irrémédiablement sa tonalité caraïbes.
APRES 14 JOURS DE MER
et 2 200 milles nautiques parcourus, l’arrivée au Marin est un moment de fête, mais nous ne sommes qu’un des voiliers arrivant parmi tant d’autres qui attendent déjà leur tour en patientant au mouillage devant Sainte-Anne. Grâce aux Glénans, nous n’attendrons que deux jours avant de pouvoir trouver une des rares places au ponton. Il est toujours utile de connaître le réseau Glénans ou, mieux, d’être un « ancien » ! Commence alors l’inspection rituelle du voilier accompagnée d’un grand ménage/dessalage du bateau et des lessives… Des travaux plus faciles à entreprendre avec un accès à l’eau courante plutôt qu’au corps-mort, alors n’omettez pas de préciser à la capitainerie du Marin, ou de n’importe quel autre port de Martinique, que vous arrivez de transat et que vous souhaitez une place au ponton disposant de toutes les commodités ! A défaut, les pluies tropicales peuvent fort bien aider.
IL FAUT MUSARDER, PRENDRE SON TEMPS
Arrivés le 19 décembre, nous pourrons sereinement préparer notre réveillon et notre séjour martiniquais qui durera 27 jours. Un excellent timing pour une exploration en détail de la côte sous le vent mais nous n’irons pas à la côte au vent, trop encombrée par les sargasses. La bonne surprise du séjour, c’est le retour des tortues de mer dans le paysage marin. A Grande Anse d’Arlet, nous avons eu l’heureuse surprise de déjeuner tous les matins avec des tortues qui nageaient tranquillement autour du bateau. On en trouve également un certain nombre à Saint-Pierre, qui pâturent sur les prairies marines. SaintPierre est un joli mouillage qui offre, en plus de ses épaves sous-marines, une statue immergée, Mamandlo, qui sert de point de fixation à la faune marine. Mi-janvier nous quittons la France Outremer et mettons le cap sur Bequia, la plus grande des petites îles de Saint-Vincent et les Grenadines. Le mouillage d’Elizabeth Bay est sympathique et il permet de belles excursions sous-marines directement depuis le bateau, offrant une initiation à la clearance en mode « Caraïbes » : des fonctionnaires en tenue affalés sous des ventilateurs et des plaisanciers en tongs attendant le précieux sésame pour poursuivre leur vie de Robinson. Ces îles indépendantes des Petites et Grandes Antilles ont préservé certains codes en usage aux XVIe et XVIIe siècles comme celui de l’Office. Les fonctionnaires sont chargés d’une mission publique qui, exercée les jours ouvrés, relève d’un prix public mais qui, exercée en dehors des créneaux horaires publics, passe en « honoraires libres ». Le prix officiel (qui nous est inconnu) étant toujours dû à l’Etat. Voilà pourquoi, lorsque vous faites une clearance le dimanche ou le samedi après-midi, les tarifs
La diversité des Caraïbes offre de magnifiques mouillages solitaires, ici à Guana Island.
risquent d’être fort différents de ceux du lundi matin. A bon entendeur ! L’avantage de Bequia est de ne pas être très étendue, de disposer de zones à l’ombre en journée et donc de permettre de presque tout faire à pied sur place si on le souhaite. Quelques taxis collectifs permettent d’écourter les temps de retour… Une curiosité locale, en sus des petites langoustes qui grouillent au pied des pontons d’annexes d’Elizabeth Bay, est la nurserie de tortues carettes « Hold Hegg Sanctuary ». Le site, situé sur la côte au vent de Bequia, est une initiative privée mise en place par un ancien pêcheur professionnel, grand massacreur de tortues avant l’arrivée du plastique, qui souhaite « faire amende honorable ». L’installation, qui tient plus du bricolage maison que de la démarche scientifique, a le mérite d’exister. Il est dommage de ne jamais croiser des démarches touristiques écoresponsables dans des écosystèmes si fragiles et si gravement menacés par le changement climatique.
LES GRENADINES, UN ARCHIPEL PARADISIAQUE
Clearance en poche, nous louvoyons dans toutes les îles des Grenadines. Pour notre part, nous avons navigué 26 jours au fil des échanges avec les bateaux-amis vers Bequia, Mayreau, Tobago Cays, Union, Petit SaintVincent, Union, Canouan, Moustique. Des îles enchanteresses qui recèlent encore des mouillages sauvages et où même les sites fréquentés restent des expériences uniques. Les Tobago Cays, aujourd’hui parc national protégé par une équipe de Rangers, permet au site de mieux supporter une fréquentation importante sans disparition de la faune et de la flore locales. Tout n’est pas parfait mais les locaux ont conscience que désormais, leur avenir se joue autour d’une compréhension subtile des équilibres et spécificités de chaque site. La gestion des populations de langoustes en est un bon exemple. Interdites de pêche pour les bateaux de passage, elles sont pêchées au casier par les locaux pour être vendues « cuisinées » lors de grandes tablées le soir. Ce sont ainsi une bonne trentaine de personnes qui travaillent autour de cette activité au lieu des cinq, six pêcheurs nécessaires pour sortir les langoustes. Alors oui, les tortues et les baleines sont encore pêchées sur les Grenadines (avec règles et quotas), mais rien ne dit que dans le futur ils ne tourneront pas définitivement le dos à ce type de pêche comme le firent les Açoriens en 1987.
Nous aborderons les rivages de deux îles luxueuses, Petit Saint-Vincent et la célébrissime Moustique. Organisées sur deux principes fort différents, Petit Saint-Vincent, PSV en langage local, est une île hôtel aménagée autour du principe de développement durable. Une petite randonnée permet d’accéder au sommet de l’île et offre un panorama remarquable sur les alentours. Trois à quatre mouillages sont possibles autour de PSV offrant chacun des attraits différents. A l’ouest on peut jeter l’ancre à proximité de Morpion, un micro-îlot, ou bien dans un trou d’eau face à la barrière de corail dans une solitude incomparable. Plus abrité, il est possible de jeter l’ancre face à la plage de Petit Saint-Vincent, une zone de sable dont la profondeur varie entre 2 et 8 mètres, qui permet un accès facile au ponton annexes de l’hôtel, à son restaurant et ses bars, en retrait ou en bord de plage en fonction des désirs du moment. Dans un style fort différent, la Mustique Company administre le destin de l’île privée de Moustique, ses 90 villas, sa dizaine d’hôtels, son tennis-club, son golf et son club hippique dans une ambiance « so british ». Nous quittons les Grenadines pour un passage rapide au Marin puis filons vers la Guadeloupe et ses îles, Marie-Galante et les Saintes. Nous resterons 25 jours dans les eaux guadeloupéennes au total, entre mi-février et mi-mars. Marie-Galante reste un merveilleux souvenir grâce au mouillage paradisiaque de l’anse Canot, à la gentillesse de ses habitants et à ses distilleries ! Trois distilleries sont encore présentes à Marie-Galante, ce qui en fait un des premiers lieux de production de canne des Petites Antilles aujourd’hui. Nous vivrons le temps de carnaval à Grand Bourg sur Terre de Haut des Saintes. La Guadeloupe, Marie-Galante et les Saintes restent des endroits faciles pour avitailler à des prix raisonnables, entretenir son voilier et profiter de sites et de paysages qui sont parmi les plus variés de la Caraïbe. Marie-Galante dispose de mouillages faciles et sûrs. Anse Canot est un emplacement de choix, situé juste au nord de Saint-Louis, il permet de profiter d’une
plage superbe, d’accéder à Saint-Louis en 20-25 mn de marche et dispose de départs de petites randonnées pour découvrir la flore locale. Fin février début mars, c’est la pleine saison de la canne qui est encore coupée à la main et acheminée vers les distilleries en charrette. Une visite à l’une des trois distilleries locales (Bielle, Bellevue, Père Labat) mérite le détour, pour suivre le process de fabrication, pour déguster les crus et pour s’approvisionner à peu de frais.
Nous quittons l’archipel de Guadeloupe et enchaînons une semaine sur Antigua, l’île aux 365 plages. Comme aux îles Vierges Britanniques, évitez de déclarer les enfants de moins de 12 ans car sinon, au bon vouloir des autorités, ils vous déclarent comme navire charter, les adultes étant considérés comme équipage et les enfants comme passagers... Et ce n’est pas du tout le même tarif.
CABOTAGE AVEC L’ACCORD DES DOUANIERS !
A bord nous avons notre chatte Ika qui dispose d’un passeport international, que nous ne déclarons d’ordinaire jamais pour éviter des complications administratives. Ici, va savoir pourquoi, nous l’inscrivons sur la feuille du bord avec son numéro de passeport et… Rien ! Mais au moment de solliciter la clearance de sortie sur Jolly Harbour pour faire route vers Saint-Martin, nous présentons bien évidemment l’ensemble des passeports, chatte compris. A la saisie du passeport d’Ika, le fonctionnaire rasta part en fou rire, se lève en agitant le passeport d’Ika, et interpelle ses collègues en s’esclaffant : « Hey, this guy has got a passport for his cat ! ». La surprise étant passée, il nous dit en tamponnant nos passeports : « You didn’t see the vet ? No ? They forgot it but it will be OK... » Et voilà comment nous fûmes convaincus que le seul moyen de sortir de l’arbitraire administratif était le mensonge par omission. Ika, qui n’était jamais déclarée auparavant, ne le sera plus jamais. Une étape incontournable pour préparer la transat retour est l’île de SaintMartin avec ses magasins d’accastillage, ses mécanos et un grand supermarché très bien achalandé partie française, aux prix compétitifs pour effectuer un avitaillement digne de ce nom. Nous ferons réparer nos voiles en partie hollandaise car depuis le cyclone il n’y a plus de voilerie en zone française. Pour la clearance, on passe par « l’Ile Marine » le shipchandler de Sandy Ground qui, révolté contre la taxe de 30 €, s’affranchit de cette prérogative illégale des autorités de Saint-Martin, et vous permet de bénéficier d’une clearance gratuite contre un don pour la SNSM locale. Pour les réparations nous allons dans la marina d’Island Water World, un des deux « gros » shipchandlers hollandais avec Budget Marine. Saint-Martin peut ne pas être qu’une escale technique car l’île recèle de nombreux mouillages fort plaisants avec une faune et une flore très riches, bien valorisées. L’îlet Pinel est un exemple de réussite écologique, le mouillage de Grand Case en est un autre pour sortir de l’ambiance de Baie Marigot qui dispose d’une eau claire et pleine de tortues, mais qui finit par endormir toute velléité de découvertes des autres visages de Saint-Martin. A quelques milles à peine, Gustavia, la capitale de SaintBarthélemy offre certainement l’un des mouillages les plus rouleurs de toute la Caraïbe mais, cela ne se dit pas car… C’est Saint-Barth ! L’idéal pour en profiter est de venir pendant un des deux temps fort de l’île, à savoir la Buckett Regatta en mars ou les Voiles de Saint-Barth mi-avril. Ces temps forts permettent d’apprécier les paysages uniques de l’île de entourée d’îlots rocheux. Le luxe affirmé à SaintBarthélemy est fort éloigné du « luxe, calme et volupté » affirmé dans un mode développement durable à Moustique et Petit Saint-Vincent. Routes étroites surencombrées de voitures et scooters pétaradant partout, quasi-absence de signalisation publique pour s’orienter, pléthore de chantiers dans tous les sens au détriment de toute réflexion urbaine et paysagère… En bref, Saint-Barthélemy s’affiche comme un territoire auto-organisé sans Etat. Ce mythe, encensé après le redressement rapide de l’île, sans aide extérieure après le passage du cyclone Irma, est un leurre aussi ridicule que dangereux. Saint-Barthélemy externalise massivement ses problèmes sociaux à Saint-Martin, sa voisine, et grâce au chapeau France, échappe à des obligations légales par négligence de la tutelle d’Etat et ne prépare que peu son territoire aux enjeux du futur… Après une tentative avortée de rachat par un milliardaire russe et leur inscription en tant que « réserve », les îles Fourchue constituent une escale reposante renvoyant les navigateurs vers des temps plus anciens, lorsque ces territoires étaient encore peu fréquentés. Le mouillage sur bouée pour préserver les fonds marins et le site, aujourd’hui désertique, offrent des paysages admirables avec en point de mire Saint
Barthélemy au levant et Saint-Martin au couchant. En plongeant du bateau on remarque immédiatement une faune marine abondante et des fonds variés. Finalement, le paradis est aux portes de Saint-Barth ! Un dernier BBQ sur la plage et nous pointons le compas au 300, cap au grand largue une nuit durant sur les BVI. Pour entrer dans l’archipel des îles Vierges Britanniques, je conseille la passe située entre la pointe sud de Virgin Gorda et l’îlot qui lui fait face, Fallen Jérusalem. Certes une roche affleure au milieu du passage, nom de code « the Blinders », mais ensuite on bénéficie, pour récupérer de sa nuit de navigation, des bouées gratuites du Parc national des BVI à Spring Bay, sur un des plus beaux spots de Virgin Gorda, « the Baths ». L’endroit est unique, splendide. Il offre une belle petite escapade pédestre avec baignade depuis la plage ou snorkelling depuis le bateau. Le temps de prendre un petit-déjeuner, de se remettre les idées en place avec une baignade et une balade et il suffit de remonter au moteur 1,2 mille au nord pour trouver à Spanish Town les bureaux pour établir sa clearance.
Après les îles Grenadines, les îles Vierges Britanniques offrent un confort de navigation et une diversité de sites uniques. On navigue à vue, avec une infinie possibilité de destinations qui fait que toutes les modifications d’escales sont possibles sans allonger son temps de navigation. Les bouées du Parc national des BVI, mises à disposition gratuitement, sont d’une fiabilité à toute épreuve et permettent une proximité incroyable avec des sites de plongée remarquables. Citons, pêle-mêle The Baths et Gorda Sound sur Virgin Gorda, George Dog sur les Dogs Islands, Pricly Pear, Sandy Island, Great Harbour sur Jost Van Dyke, Monkey Point sur Guana Island, Deadman Bay sur Peter Island, Salt Pond Bay sur Salt Island… Chacun de ces sites vous laissera un souvenir incroyable habillé de levers et de couchers de soleil inoubliables ! Attention, il existe deux types de bouées, celles du Parc national, gratuites, situées aux abords des sites naturels de la réserve et les rouges, privées, louées 30 USD la nuit. Il s’agit d’un tarif non négociable. Bon à savoir, on peut prendre des bouées en journée pour stationner temporairement car le paiement ne s’effectue que vers 17 heures pour la nuit à venir.