Voix du Jura

ANIMATION Attention : chef d’oeuvre !

“LA TORTUE ROUGE”

- ROBERT PÉNAVAYRE

Il n’est finalement pas si fréquent de dégainer l’artillerie lourde pour évoquer un film et le qualifier de chef d’oeuvre. Surtout lorsqu’il est question d’un film d’animation qui plus est non japonais. Et pourtant, à la sortie de la projection, des étoiles plein les yeux et la gorge un brin nouée, c’est bien le terme qui s’impose. Chef d’oeuvre à plus d’un titre : simplicité (eh oui !), intelligen­ce, graphisme, scénario, son, couleurs. Où il est question d’un homme dont la scène liminaire laisse peu de probabilit­é quant à la survie. Mais non, la mer en furie qui le ballottait va le rejeter sur la plage d’une île déserte dont les seuls êtres vivants sont des oiseaux, des crabes et des tortues. L’homme ne se déclare pas vaincu par le sort. Il construit un radeau et fuit ce lieu inhospital­ier. Peine perdue, une force étrange issue des profondeur­s détruit presque immédiatem­ent Ce Néerlandai­s dans une jeune soixantain­e, vient d’entrer de plainpied dans la cour des grands de l’animation. Est-ce une surprise ? Non, car ses courts-métrages ont déjà reçu des récompense­s unanimes (Oscar, César). Le film sous rubrique est reparti de Cannes cette année avec le Prix Spécial cet esquif de fortune. Nouvelle tentative. Même résultat. Cette force est une immense tortue rouge qui finit par venir le narguer, mettant l’homme dans une colère noire. Retourné à du Jury dans la sélection Un Certain Regard. Beaucoup plus impression­né par les courts métrages d’animation de l’Europe de l’Est que par les blockbuste­rs d’Outre-Atlantique, ce fils d’un importateu­r de sucre et d’une maman au foyer ne se veut pas écologiste malgré la présence permanente et active de la Nature dans ses réalisatio­ns. Il est aujourd’hui une star dans son métier, courtisé comme il se doit et pourtant simplement heureux de vivre. terre, désespéré, il va trouver le moyen de se venger de l’animal. L’histoire devient alors un conte… Bientôt l’homme ne sera plus seul. Une jeune femme va briser sa solitude. Puis de deux ils seront trois. La vie sur l’île est devenue heureuse. Cette famille loin de tout s’est considérab­lement rapprochée de la nature. Celle-ci lui offre ses dons à profusion, même si parfois elle se manifeste violemment. Ainsi le temps s’écoule, serein, libre. Le petit garçon grandit en même temps que les cheveux de ses parents grisonnent. Le cycle de la vie s’accomplit face à des tortues toujours présentes et mystérieus­es. Pas de dialogue ici, mais un son fait de bruits, de silences et d’une musique limpide et envoûtante. Si le trait est presque un hommage à ce que la bd belge a produit de plus légendaire, il n’en demeure pas moins la marque d’un grand. Réalisé à l’ancienne, à l’aquarelle et au fusain, ce film est d’une beauté picturale incroyable. Il pose en creux des questions essentiell­es sur notre vie d’aujourd’hui, nous laissant, un peu pantois et face à nous-mêmes, le soin d’y répondre. Les prestigieu­x studios Ghibli (Miyazaki) n’ont pas hésité, pour la première fois de leur histoire, à s’associer à cette production. C’est tout dire. A voir d’urgence et toutes affaires cessantes !

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