Sortie de classes
La rentrée des classes est généralement l’occasion d’une flopée d’ouvrages ayant trait à l’enseignement ou à l’école. Le désastre scolaire aidant, c’est généralement sur un ton d’apocalypse qu’est décrite l’évolution de l’institution éducative. Des essais, plus ou moins savants, plus ou moins jargonnants, tentent de convaincre les lecteurs que, décidément, c’était mieux avant, analyse que je partage en grande partie. Dans un roman de rentrée, Laurent Torrès – qui doit certainement être professeur tant on sent qu’il connaît l’institution de l’intérieur – raconte le quotidien d’un jeune professeur de littérature dans un collège de la banlieue parisienne. Le style – on est loin de Chateaubriand ! – est celui de l’époque : phrases courtes, tempo heurté, vocabulaire limité… mais tout à fait adapté à la réalité décrite par le roman. L’auteur, nous conte la vie d’un collège de banlieue avec ses vicissitudes et ses petits drames. Les cours de littérature que donne – ou que tente de donner ! – le héros de l’histoire ont pour objet de faire participer des élèves dont l’attention est généralement dissipée et qui, d’ailleurs, n’ont que faire de la littérature. Comment diable intéresser à La Princesse de Clèves ou au Père Goriot des adolescents qui ont à peine quatre cents mots de vocabulaire et dont l’imagination est limitée par tous les écrans qu’ils sont à portée de regard ? L’ambiance dépeinte par Sortie de classes demeure sombre et déprimante de bout en bout, entre misère sociale, pauvreté culturelle et avenir bouché. Les professeurs ressemblent beaucoup à leurs élèves : fatigués, fatalistes et ne croyant plus en ce qu’ils enseignent. Au-delà de la triste réalité dépeinte par un roman s’apparentant par bien des traits au naturalisme à la Zola, Laurent Torrès assène une terrible charge à l’encontre d’un système éducatif à bout de souffle. Alors que l’école a pour devoir de faire grandir, on en vient à enseigner aux élèves « la littérature pour qu’ils ne lisent plus jamais de livres » (p. 181). Fermez le ban !
Laurent Torrès, Sortie de classes, Albin Michel, 2016, 269 pages, 18 €