Voix du Jura

Une vie fantasmée

“FRANTZ”

- ROBERT PÉNAVAYRE

Tous les ans, ou presque, François Ozon nous propose un film. Qui se plaindrait d’être ainsi convié à l’oeuvre d’un des cinéastes français les plus accomplis. Cette année, le réalisateu­r en 2014 du troublant Une nouvelle amie, nous présente son adaptation d’une pièce de Maurice Rostand (1891-1968), le fils d’Edmond, publiée en 1930. A vrai dire, il n’est pas le premier car Ernst Lubitsch, au début du parlant, tourna sur ce sujet en 1932, Broken Lullaby. Est-ce un pur remake ? La réponse est claire : non Et même loin s’en faut. Le présent scénario nous met en présence, nous sommes en 1919, du jeune Adrien, tout droit sorti, pas tout à fait indemne, des tranchées meurtrière­s du Premier conflit mondial. Il vient déposer incognito des fleurs sur la tombe de Frantz, un jeune soldat allemand. Remarqué par Anna, celle qui devait épouser Frantz, il est introduit dans la famille du défunt jeune homme. Adrien raconte alors leur rencontre, avant-guerre, en France où tous les deux partageaie­nt leur amour pour le violon. Les parents de Frantz le réinvitent chez eux, voyant en Adrien le visage de leur fils, pendant que naît chez Anna un trouble dont on devine aisément la teneur. Mais bientô t l’heure de la vérité va sonner… Ce magnifique film, dans lequel François Ozon nous perd avec délicatess­e, pose en creux plusieurs thèmes liés au nationalis­me, à l’esprit de revanche, au pardon, à l’impossible rédemption, au mensonge bienfaiteu­r, à la confusion des sentiments aussi. Ouvertemen­t romantico-romanesque, avec des prises de vues inspirées de Caspar David Friedrich, conjuguant subtilemen­t noir et blanc puis couleurs, ponctué par une bande son dans laquelle les silences et les bruits sont particuliè­rement signifiant­s, ce très beau film d’atmosphère nous fait découvrir une formidable jeune actrice allemande, Paula Beer, Anna meurtrie, mais forte et lucide à la fois. A ses cô tés, Pierre Niney s’empare du personnage fragile et ambigu d’Adrien avec une fièvre intense et dévastatri­ce. Demain nous allons le retrouver sous les traits du fils Cousteau. C’est dire le talent protéiform­e de cet ex comédien du Français. Pour l’heure, et sans qu’il ne porte tout le poids du film sur ses frêles épaules, il n’en demeure pas moins, au travers d’une brillante distributi­on, la flamme ardente autant que vacillante d’une Humanité meurtrie. Le film de assurément la rentrée,

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Paula Beer (Anna) et Pierre Niney (Adrien).

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