Voix du Jura

Chapitre final entre la scierie Ramboz et les cinq clandestin­s marocains

Après avoir gagné leur procès aux Prud’hommes en octobre dernier, les cinq marocains qui étaient exploités par la scierie Ramboz ont gagné leur procès au pénal.

- Joffrey Fodimbi

Neuf chefs d’accusation contre Dominique Ramboz, gérant de la scierie de Montsur-Monnet, et quatre contre sa SARL ; le procès qui se déroulait ce mardi 24 janvier au tribunal de grande instance de Lons-leSaunier s’annonçait complexe. Tout commence le 9 septembre 2015, lorsqu’un « employé » de la scierie, victime d’un grave accident du travail, est emmené en urgence à l’hôpital de Champagnol­e. Accident qui permettra de mettre en lumière, après investigat­ion, une véritable entreprise esclavagis­te. Et pour cause, entre le 2 décembre 2012 et le 2 décembre 2015, ce sont jusqu’à cinq travailleu­rs clandestin­s marocains qui travaillai­ent dans l’entreprise de Dominique Ramboz, « au noir » bien entendu, dans des conditions de vie et de travail indigne et abusive, qui plus est.

À la barre, M. Ramboz, 54 ans, l’air rustique et le verbe haut, se défend seul. Sur son entente avec ses employés : « Nous avions de bonnes relations, s’ils avaient besoin de faire des courses, d’aller prendre le train, d’une avance sur leur salaire, je le faisais bien volontiers. » Sur les conditions de travail et l’absence de formation : « Je ne suis pas fou, je ne veux pas qu’un de mes gars se blesse, même s’il n’y a pas de bouton d’arrêt d’urgence sur les scies, ni de dispositif de sécurité moderne. Concernant l’utilisatio­n du matériel, je laissais les anciens l’expliquer aux nouveaux, car il y avait la barrière de la langue. » Sur l’hébergemen­t insalubre : « Je l’ai refait en 2008, avant leur arrivée, et je

n’y suis pas retourné depuis. Vous savez, cinq hommes qui vivent ensembles, je comprends que le ménage ne devait pas être fait tous

les jours. » À chaque question du président, Dominique Ramboz à la réponse, même si elle est parfois maladroite. Surtout lorsqu’il s’agit de parler des raisons qui l’ont poussé à produire de fausses factures, pour cacher les salaires des cinq employés, ou à verser sur son compte personnel le fruit de certaines ventes de bois de sa scierie.

« Dominique est un vrai comédien »

Mais lorsque les cinq hommes passent à la barre pour apporter leur version des faits au tribunal, c’est une tout autre image du chef d’entreprise qui est donné. Celle d’un homme qui « retient l’argent de ses employés, qui les logent dans des conditions indécentes, sans chauffages, avec des matelas posés à même le sol, qui leur hurle dessus plusieurs fois par jour et qui ne leur permet pas de travailler dans des conditions

de sécurité optimale », expliquero­nt-ils tour à tour. Le clou est enfoncé lorsque l’un de ses anciens employés, déclaré pour sa part, mais à qui il doit également de l’argent, annonce « Dominique est un vrai comédien, il n’a de cesse que de raconter

n’importe quoi ». Autant de déclaratio­n dont s’est désolé Me Elsa Faivre-Picon, avocate de la partie civile, qui s’est étonné de

voir que « dans un village de 246 habitants, personne n’est surpris de voir tourner une scierie qui du jour au lendemain, en 2012, passe de 20 à 0 employé ». Côté ministère public, c’est « la désinvoltu­re de M. Ramboz, qui ne présente aucune excuse ni regret face à ce dossier de l’exploitati­on de la misère humaine », qui surprend

le plus. « Vous recrutez des salariés dans la misère pour les payer 5 euros de l’heure.

Vous les exploitez jusqu’au bout en les logeant sur place pour les avoir à dispositio­n. Qui plus est dans des conditions horribles : à même le sol et dans une pièce à 10 degrés en octobre. Vous les faites travailler sur des machines obsolètes sans aucun remords. »

Une longue liste face à laquelle le prévenu n’a qu’à peine sourcillé, pas plus que lors de l’énoncé de sa peine, quelque heure plus tard, après délibérati­on. 50 000 euros d’amende imputable à sa société, auquel s’ajoutent 15 000 euros d’amende pour Dominique Ramboz, ainsi qu’une peine de prison de 18 mois, dont 12 avec sursis, assortie d’une mise à l’épreuve de trois ans et d’une interdicti­on de gérer une entreprise pendant 5 ans. Une peine lourde à laquelle s’ajoutent près de 30 000 euros de dommages et intérêts pour l’ensemble des parties civiles.

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En octobre dernier, les cinq salariés avaient déjà gagné aux Prud’hommes face à M. Ramboz

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