Quand les chasseurs « réparent » un marais
Très rapidement, la nature va y reprendre ses droits. A Châtelneuf, de gros travaux ont été réalisés pour rendre au marais de Panesière tout son intérêt écologique de zone humide.
Il aura fallu dix ans pour en arriver là. Dix ans pour voir, ce lundi matin, un petit filet d’eau se mettre à suivre doucement un sillon étroit tracé dans la plaine de Panesière. « Mais ce sillon, c’est une nouvelle vie pour
le marais », explique Jean-Baptiste Baud, chargé de mission à la Fédération départementale des chasseurs du Jura. L’affaire est donc d’importance. D’ailleurs, nombreux sont les témoins à scruter l’écoulement : les administrateurs de la Fédération de chasse, ceux de la Fédération de pêche, les gardes de l’ONF, des représentants du Parc régional naturel, de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerrannée-Corse et même M. le maire du Frasnoy…
« Faune et flore »
Petit flash-back : en 2007, la commune de Châtelneuf et la Fondation pour la protection des habitats et de la faune sauvage, une émanation nationale des chasseurs, s’associent pour acquérir le marais de Panesière, d’une superficie de 23,26 hectares. La gestion du site est confiée à la Fédération des chasseurs du Jura, qui lance un diagnostic « faune et flore » des lieux, pour aboutir à un plan de gestion. Ce document préconise une restauration du marais, curé dans les années 70 au profit d’une plantation d’épicéas. « Mais c’est dès le XVII ou le XVIIIe siècle que ce marais a commencé à être transformé en étangs, avant de devenir la plantation d’épicéas », estil rappelé. Le ruisseau est alors canalisé, la tourbière s’assèche, et le biotope n’est plus au top de sa forme. « Nous avons donc décidé de recréer les méandres du ruisseau sur 2,7 kilomètres pour restaurer le fonctionnement hydrique du marais et permettre à la zone humide de jouer son rôle de filtre. »
Méandres
Les épicéas ont été abattus en 2011. Les travaux de restauration du milieu lancés fin novembre 2016, confiés à la société Jura Nature et Services en lien avec Teleos, un bureau d’études spécialisé dans les milieux aquatiques et l’écologie. Souvent, dans ce genre de restaurations, les images satellite permettent de retrouver les anciens méandres du ruisseau. Mais dans ce cas, l’exploitation forestière avait supprimé toutes les traces. Après le broyage du site, il a donc fallu tout refaire, imaginer un tracé, en calculer la section, la profondeur, la largeur en fonction du bassin-versant, de la pluviométrie, de la topographie. Tout en respectant à la lettre la loi sur l’eau… « On a volontairement sous dimensionné le méandre pour permettre à la rivière d’aménager elle-même son lit », reprend Jean-Baptiste Baud. Un peu plus tard, des matériaux, pierres et galets, seront remis sur le cours d’eau, afin de permettre aux poissons, notamment, d’y trouver un refuge favorable.
Un investissement gagnant-gagnant
« Très rapidement, la zone humide va se remettre à fonctionner : lors des pluies, la tourbe va se gorger d’eau et jouer son rôle d’éponge, puis l’eau sera restituée au cours d’eau en période sèche. La petite faune des zones humide et les insectes devraient revenir s’y installer, ce qui va attirer des oiseaux d’eau, comme la bécasse. Côté flore, on peut aussi espérer le retour d’espèces emblématique comme l’oeillet d’eau. Et au final, tout le monde est gagnant avec cette opération : les habitants de Champagnole, qui verront les crues limitées, les pêcheurs, qui vont pouvoir utiliser le ruisseau comme « pouponnière » et les chasseurs », conclut Jean-Baptiste Baud. D’ailleurs, les financeurs ont été nombreux à mettre la main à la poche pour « éponger » les 304.355 euros de travaux : la Région, le Département, l’Agence de l’eau, le Parc régional naturel en plus des Fédérations de pêche et de chasse.