Comment faire société ?

Cela fait trente ans que Renaud Camus raconte sa vie à travers un journal devenu une petite institution.

Les titres, souvent étranges, proviennent de lieu-dit ; l’auteur les choisit pour leur sonorité et leur singularité, lieux généralement perdus et pas trop abîmés par la main de l’homme. Rannock Moor est une lande se trouvant au centre de l’Ecosse, souvenir du voyage fait par l’auteur dans la région durant l’été 2003. Comme d’habitude, rien de palpitant dans un journal qui accumule les redites et souligne la passion de l’auteur pour une vie calme et rangée, faite de voyages culturels, de lecture et d’écriture. Pour le dire brièvement, il faut déjà connaître Renaud Camus pour entrer de plain-pied dans un univers se situant aux antipodes de ce que l’on entend et voit dans nos médias, télé et radio en premier lieu. Anticonformiste et cultivé en diable, Renaud Camus continue, contre vents et marées, d’entretenir sa différence. Réprouvant le prêt-à-penser inondant écrans et journaux, blâmant l’inculture qui ose s’afficher jusque dans les lieux pourtant consacrés à la culture, condamnant la passion du contemporain à s’affranchir des limites, le châtelain de Plieux (son lieu de résidence) remâche ses habituelles irritations : à savoir cette nocence (ou nuisance) qui fait qu’il devient impossible de faire société. Comment bâtir des relations amicales et durables alors que chez soi l’on est sans cesse importuné par les aboiements du chien du voisin et qu’à l’hôtel les gens claquent les portes et bavardent sans retenue dans les couloirs jusqu’à des heures avancées de la nuit. Poète égaré dans un monde qui lui devient chaque jour un peu plus étranger, l’auteur renouvelle ses attaques contre l’enlaidissement de nos paysages ou les musiques que l’on vous impose un peu partout. Le Journal de Renaud Camus devient, pour le plus grand plaisir du lecteur, le déversoir d’un mécontemporain (Finkielkraut) un tantinet atrabilaire.