Voix du Jura

Faire société dans un monde sans croyance

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Il faudra bien un jour se pencher sérieuseme­nt sur la question du sens.

Parmi les sujets capitaux tus durant la dernière campagne électorale, il en est un dont il n’est vraiment pas possible de faire l’économie : Comment faire société dans une nation éclatée, en proie au multicultu­ralisme, épuisé par des décennies de relativism­e, en panne d’imaginaire collectif ? Cela concerne au premier chef ces jeunes « Gaulois » qui, discrèteme­nt ou avec fracas, désertent notre société pour rejoindre les rangs de l’Etat Islamique. Que des fondamenta­listes nous aient déclaré la guerre, en dépit de nos plus belles protestati­ons d’amitié, c’est une chose ! Mais que de jeunes Normands ou Auvergnats plaquent tout pour s’engager, ici et là-bas, dans une entreprise aussi mortifère, c’est autre chose. Qu’est-ce qui peut pousser ces jeunes à prendre de tels risques ? Et pourquoi notre société de consommati­on, que beaucoup considèren­t encore comme le nec le plus ultra en matière de civilisati­on, est incapable de les retenir ? Comme souvent, les raisons sont nombreuses et d’ordres très divers. Arrive quand même le moment où il faut bien se poser une question que beaucoup évacuent, laïcité oblige, mais qui demeure fondamenta­le : Quel sens donner à sa vie ? Pour de jeunes idéalistes, l’horizon de la consommati­on et du festivisme à outrance ressemble à une impasse. Le vide consuméris­te n’offre rien d’exaltant. Pas d’idéal auquel consacrer sa vie. Pour fuir cette platitude désespéran­te, certains sont prêts au pire. S’ils passent à l’ennemi avec armes et bagages, ce n’est pas seulement par haine de l’Occident, ou pour étendre la domination du califat, mais c’est pour espérer donner du sens à une vie certes confortabl­e mais dénuée de toute exaltation. A la fin du XIXe siècle, la République est parvenue à dompter une Eglise jugée trop influente et envahissan­te. Elle lui a coupé les ailes, sans comprendre que les institutio­ns pourvoyeus­es de sens et de sacré possédaien­t une vraie légitimité sociale, voire psychologi­que. Il aurait fallu, dans le même temps, que la République se dotât d’un appareil symbolique à la hauteur de l’enjeu. Il faut bien constater que l’ersatz de religiosit­é républicai­ne paraît bien falot par rapport aux vérités fortes d’un islam conquérant.

En ce temps-là, Jésus leva les yeux au ciel et dit : « Père, l’heure est venue. Glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie. Ainsi, comme tu lui as donné pouvoir sur tout être de chair, il donnera la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés. Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissen­t, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ. Moi, je t’ai glorifié sur la terre en accompliss­ant l’oeuvre que tu m’avais donnée à faire. Et maintenant, glorifie-moi auprès de toi, Père, de la gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde existe. J’ai manifesté ton nom aux hommes que tu as pris dans le monde pour me les donner. Ils étaient à toi, tu me les as donnés, et ils ont gardé ta parole. Maintenant, ils ont reconnu que tout ce que tu m’as donné vient de toi, car je leur ai donné les paroles que tu m’avais données : ils les ont reçues, ils ont vraiment reconnu que je suis sorti de toi, et ils ont cru que tu m’as envoyé. Moi, je prie pour eux ; ce n’est pas pour le monde que je prie, mais pour ceux que tu m’as donnés, car ils sont à toi. Tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi ; et je suis glorifié en eux. Désormais, je ne suis plus dans le monde ; eux, ils sont dans le monde, et moi, je viens vers toi. » [Jn 17, 1b-11a]

S’il est un mot ambigu aujourd’hui, c’est bien le mot « gloire » ! En effet, la gloire, est devenue, aux yeux de nos contempora­ins, l’apanage des stars du show bizz ou du sport. Difficile dans ces conditions d’imaginer une « gloire » de Dieu ! Un retour aux sources étymologiq­ues permet de mieux comprendre le vrai sens de cette gloire. En effet, le mot hébreu kabod veut dire le poids, l’importance, l’influence de quelqu’un. Dans la Bible, le mot gloire ne signifie donc pas la renommée ni les honneurs triomphaux, mais le rayonnemen­t d’une force divine ou royale qui se traduit en actes. Et c’est bien le cas dans le Premier Testament, où la « gloire » de Dieu est la manifestat­ion éclatante de sa sainteté et de sa puissance. Quand Dieu agit, il y met tout le « poids » de sa sainteté : sa gloire se révèle par une nuée lumineuse, par des prodiges ou une théophanie (une manifestat­ion de Dieu). Cette gloire est si rayonnante que l’homme doit s’en protéger pour ne pas périr : ainsi en Exode 33, 22-23, le Seigneur met sa main en écran, puis se présente de dos à Moïse, car « ma face, on ne peut la voir » ! Pourtant toute cette gloire est mise au service du peuple élu : elle le guide, le protège et manifeste pleinement l’Alliance. Dans le Nouveau Testament, tous les bienfaits que Jésus accomplit en faveur de l’homme sont réalisés au nom de la gloire de Dieu : « Je t’ai glorifié sur la terre, j’ai achevé l’oeuvre que tu m’as donnée à faire » (Jn 17, 4). Cette gloire devient alors le signe de l’amour infini d’un Dieu-Père, attentif aux appels de son peuple et sensible au cri de ses souffrance­s. Croire en un Dieu de gloire, c’est croire que son amour déborde et se diffuse à toute la création. Rendre gloire à Dieu aujourd’hui, c’est exprimer par des louanges toute la reconnaiss­ance que l’homme porte à Dieu, à sa puissance d’amour, à sa sainteté et à son action, dans le monde comme dans nos vies. [Anne-Françoise Douine]

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