Voix du Jura

Accident mortel à Saint-Germainen-Montagne : 18 mois avec sursis

C’est une famille endeuillée qui était au tribunal pour assister au procès du conducteur qui avait tué l’un des leurs lors d’un accident de voiture en juillet 2016.

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Nous sommes le 17 juillet 2016, il est 19 h 45, lorsque sur la D 21, à hauteur de Saint-Germain-en-Montagne, Laurent Garnaux, 35 ans, s’apprête à rentrer à son domicile à bord de sa Peugeot 205. Mais à moins d’une centaine de mètres de sa position, une C4 arrive à vive allure. À son bord Jason Bole, un Doubiste de 21 ans, qui rentre lui aussi chez lui, dans le départemen­t limitrophe. À bord de sa voiture, le jeune homme est vu par plusieurs témoins en train de remonter des files. La route est limitée à 90 km/h, mais elle est dégagée et il fait beau. Alors qu’il va pour dépasser Laurent Garnaux, le jeune Doubiste ne voit pas que ce dernier est en train de ralentir et s’apprête à tourner à gauche à l’intersecti­on. Le choc est inévitable. La 205 percutée finit plusieurs dizaines de mètres plus loin, stoppée par un arbre. À son bord, Laurent Garnaux a perdu la vie, laissant derrière lui une femme et une petite fille de 4 ans.

Il aura fallu presque un an à la famille de ce trentenair­e pour rencontrer celui qui leur a retiré un fils, un frère, un mari. Ce mardi 20 juin, au tribunal de Lons-le-Saunier, ils étaient une vingtaine à être présents pour obtenir des réponses de la part d’un prévenu qui comparaiss­ait pour homicide involontai­re. Depuis ce dramatique accident, Jason Bole s’est engagé dans l’armée ; son attitude et ses réponses s’en ressentent. Si l’émotion est certaine dans les paroles du jeune homme, il ne laisse rien paraître, ou si peu. Face au juge, ses réponses sont brèves. La tête haute, le regard franc, le jeune homme reconnaît qu’il roulait trop vite ce soir-là. « La route était droite et dégagée, donc pour ne pas gêner la circulatio­n, j’ai voulu doubler rapidement la voiture ; je devais être à 110 km/h. » Mais le président l’arrête : « Selon l’expert mandaté, lors de l’accident, vous rouliez à 126 km/h. À cette vitesse, pouviez-vous anticiper un changement de direction de la voiture que vous vous apprêtiez à doubler ? » Après un court silence, le jeune militaire le concède : « Non. » Un comporteme­nt irresponsa­ble que confirmaie­nt plusieurs témoins à l’époque des faits. « Plusieurs minutes avant les faits, deux joggeuses vous avaient déjà vu passer à vive allure. Quelques secondes après, c’est un automobili­ste qui dit vous avoir vu remonter à grande vitesse une file de quatre voitures. » Des affirmatio­ns que le prévenu dément en partie, se retranchan­t derrière des souvenirs flous.

L’avocat des parties civiles, défendant les intérêts de la famille du défunt, est venu apporter quelques précisions qui ont permis d’éclairer, en partie, les conditions et conséquenc­es de ce dramatique accident. « Grisé par ce véhicule sportif très puissant qu’il possédait depuis seulement cinq jours, Monsieur Bole, ce GTiste de l’étape, ne voulait pas être ralenti par les autres automobili­stes qui respectaie­nt les limitation­s de vitesse. » À grand renfort d’arguments techniques, l’avocat a exposé le comporteme­nt du jeune Doubiste. « Les traces de freinage sur la route, en oblique sur les deux voies, prouve bien que vous avez tenté de doubler M. Garnaux au dernier moment, et non pas que vous étiez sur votre lancée, sur la voie de gauche. De plus, la ligne médiane était en pointillé, ce qui signifie qu’il existe une tolérance pour doubler, les véhicules agricoles par exemple. Ce n’est pas une autorisati­on. » Les yeux rivés au sol, Jason Bole écoute, impassible. « Plus de 900 personnes étaient présentes à l’enterremen­t de Laurent Garnaux ; c’était une personne très aimée. Qui plus est, personne n’a pu reprendre son activité au sein de son garage ; vous avez ruiné cette famille. »

Du côté du parquet, le réquisitoi­re a été plus pondéré. « J’imagine que pour vous aussi ce drame doit être difficile à vivre. Mais vous vous devez d’ouvrir les yeux et de reconnaîtr­e votre responsabi­lité, pour vous et la famille de la victime. J’espère que cet événement vous servira de leçon pour le restant de votre vie. » Une leçon pour laquelle le parquet a demandé une peine de 18 mois de prison avec sursis assortis d’une suspension de permis d’un an. Du côté de la défense, l’avocate du jeune homme a confirmé, lors de sa plaidoirie, l’état de mal-être dans lequel était Jason Bole depuis le drame. Sur les faits, cette dernière a tenté d’expliquer que la vitesse n’était pas l’unique facteur de cet accident : « même à 90 km/h, je doute que mon client aurait pu éviter le choc ». Et d’ajouter « qu’aucun homme n’est infaillibl­e, et que, même si M. Garnaux était un bon conducteur, il avait certaineme­nt pu oublier son clignotant. »

À l’issue de ce procès et avant le délibéré, Jason Bole a tenu à dire un dernier mot à la barre : « Je dois être condamné, c’est normal. Je veux surtout dire que j’ai une pensée pour la petite qui va devoir grandir sans son père. » De retour dans la salle pour rendre son délibéré, le tribunal a annoncé condamner le jeune homme à 18 mois de prisons avec sursis, assorti d’une suspension de permis de deux ans. À l’annonce d’un verdict qu’ils jugeaient trop clément et visiblemen­t écoeurée, une partie de la famille Laurent Garnaux s’est mise à applaudir, avant de quitter la salle.

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