La vie quotidienne dans la Bretagne d’autrefois
Retour sur le très grand livre de Pierre Jakez Hélias, « Le cheval d’orgueil ».
Les grands livres ne passent pas, ne s’oublient pas. Le temps n’a pas de prise sur eux, même s’ils racontent une vie enfouie, disparue à tout jamais. Je me souviens, comme si c’était hier, du passage remarqué de Pierre Jakez Hélias à l’émission de Bernard Pivot, Apostrophe. B. Pivot, qui sentait qu’il tenait entre les mains un très grand livre, avait bombardé l’auteur de questions. Il y avait de quoi car en matière d’ethnologie, Le cheval d’orgueil, publié dans la célèbre collection « Terre Humaine », est ce qui se fait de mieux. Dans un épais volume de 550 pages, découpé quelques rares chapitres, l’auteur raconte son enfance et sa jeunesse en pays bigouden, autrement dit ce bout de Bretagne des années 1910-1930. Il raconte les joies et les espoirs des Français de ce temps-là, leur travail et leurs distractions, la vie au champ, les veillées, et ainsi de suite. C’est toute la vie de la Bretagne bretonnante de ce temps qui revit grâce à la plume alerte de P. Jakez Hélias. A travers les menus faits de la vie quotidienne l’auteur évoque avec nostalgie ce coin de Bretagne dans lequel une vie âpre renforçait la solidarité villageoise. En un vaste panorama, il évoque tout, de la foi de ses ancêtres à l’arrivée du tourisme vers la fin des années 1930. Un monde était alors en train de disparaître dans l’indifférence générale, un monde pauvre, attaché à ses traditions et dans lequel des valeurs comme la dignité, l’honneur et la fidélité n’étaient pas des abstractions.
En écrivant ses souvenirs d’enfance et de jeunesse, l’auteur livre ici un livre totalement achevé qui montre mieux que le meilleur des essais le passage de la France rurale à la France moderne. Connaissant mieux que quiconque la rudesse de la vie d’antan, il se rend compte qu’une grande partie du patrimoine immatériel accumulé depuis des siècles est en train de disparaître à tout jamais.