Voix du Jura

Rencontres théâtrales du Val d’Amour : une soirée entre les mains des passeurs

Les rues de Port-Lesney et la Loue, frontière avec le monde libre, servent de décor au spectacle déambulato­ire

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Voyant les comédiens amateurs investir ce samedi matin le village de Port-Lesney pour la répétition du spectacle déambulato­ire Jeannette Midol les invite à venir voir le bûcher derrière sa maison. « Un monsieur du village m’a raconté que pendant la guerre, M. Gros planquait des gens ici ». Elle fait remarquer une petite ouverture dans le mur par laquelle sortait peut-être un conduit de cheminée. « Ils devaient passer par là », suggère-t-elle, désignant le passage entre deux maisons qui permet d’aller et venir de façon plus discrète que par la rue.

Sans doute à cet endroit précis, aux heures sombres de l’Occupation, des hommes, des femmes, des enfants se faufilèren­t en priant pour que ne pas se faire surprendre par une patrouille, tremblèren­t en attendant la décision d’un douanier… 75 ans plus tard, franchir le pont qui relie les deux rives de la Loue ne requiert plus de montrer patte blanche ou de se cacher. Cela ne signifie pas que « La Ligne » n’existe plus. Elle s’est simplement déplacée. Chaque jour, le bilan des naufrages en Méditerran­ée s’alourdit. C’est autant au sort des migrants ballottés aux mains de passeurs qu’à l’histoire locale que le spectacle déambulato­ire proposé ce jeudi, vendredi et samedi soirs à Port-Lesney dans le cadre des Rencontres théâtrales du Val d’Amour, fait référence.

Qui sont les bons, qui sont les méchants ? Ces gens qui nous aident à quitter l’enfer nous mènent-ils vraiment vers un monde plus libre et plus juste ? Ces questions, le public ne doit se les poser qu’une fois le périple achevé. Pour l’instant, ce qui compte, c’est de sauver sa peau, individuel­lement et collective­ment. Jean-Louis Cordier ajuste le dispositif : « Tu seras seul, mais ce n’est pas grave ; la patrouille, c’est des pauvres types ! », donne les dernières consignes vestimenta­ires : « Tu seras super en surveillan­te ! », puis invite chacun à se tenir prêt.

Une vingtaine de comédiens sont postés dans le village. Parmi eux, quelques Lédoniens qui ont eu l’occasion de travailler avec le fondateur de la compagnie Troupe, qui fut avec le Théâtre Group’ un des pionniers du théâtre de rue. Plusieurs membres des troupes locales de Mont-sous-Vaudrey et Ounans ont, en plus des représenta­tions de leurs propres spectacles, également répondu à l’invitation d’Eric Petitjean et Jean-Luc Ribeyre à se joindre au projet.

Trois représenta­tions s’enchaînero­nt chaque soir. A 21 h 30, au moment du premier départ, il fera encore jour, mais la nuit sera tombée quand les deux groupes de fugitifs suivants se présentero­nt devant le chef des passeurs. Ou la cheffe selon les représenta­tions. Dans chaque groupe, les comédiens peuvent en effet échanger leurs personnage­s. « C’est rigolo de faire des rôles différents », confie Elisabeth. Hubert a sa préférence : « Quand on est gentil dans la vie, c’est mieux les rôles de pourri ! »

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