Les cent ans de Fatima
Joachim Bouflet revisite l’histoire de ces apparitions mariales.
Dans ce livre synthétique, très facile à lire, le spécialiste de la religion populaire qu’est J. Bouflet, dresse la synthèse de ce que nous savons des apparitions qui eurent lieu il y a exactement un siècle à Fatima. Ce balayage mémoriel n’est pas inutile car il permet de replacer les événements dans le contexte des apparitions qui s’étalent depuis le milieu du siècle dernier (Lourdes, La Salette, Pontmain…) et les tragiques événements qui ensanglantent l’Europe depuis août 1914. L’ouvrage comporte deux parties. La première, purement descriptive, narre la singulière apparition de la Vierge aux trois petits bergers, le comportement – très adulte – de ces derniers et les réactions des autorités civiles et ecclésiastiques et des fidèles. La seconde partie se veut davantage une approche théologique et historique du phénomène des apparitions. Si ces dernières n’ont pas divisé le monde catholique, il est cependant possible de dire que les réactions ont été très diverses : à l’exaltation des uns faisait pendant le scepticisme des autres. Curieusement, c’est en Allemagne, après la Seconde Guerre, que les réactions furent les plus vives. D’un côté l’enthousiasme d’un mariologue comme le P. Rudolf Grabel ; de l’autre la circonspection du P. Anton Fisher, lequel se demandait si la vague des mariophanies ne portait pas atteinte à la souveraine majesté du Christ, Fils de Dieu. Il vaut la peine de le citer : « Quel rôle joue donc le Christ en cela ? Le rôle d’un juge impitoyable, dépourvu de miséricorde (seule Marie retient le bras de son divin fils), ce qui est assurément non biblique et non dogmatique. Il résulte d’une telle fausse mystique que le peuple a recours cent fois plus à Marie qu’au Christ, puisque celui-ci n’inspire que la crainte. » (p. 143).
« Si ton frère vient à pécher » […] Jésus reprend ici Deutéronome 19,15, passage inscrit dans le contexte d’une action communautaire. C’est d’ailleurs la communauté, nommée ici « Église », qui se prononcera en dernière instance. Cela parce que toute l’oeuvre du Christ se récapitule dans la mise au monde d’un corps nouveau, cohérent et unanime. Notons que le délinquant obstiné sera traité comme un païen ou un publicain, c’est-à-dire un étranger. Or nous savons de par ailleurs que c’est justement pour ces brebis perdues, séparées du « troupeau », que le Christ est venu et a donné sa vie. Le dernier mot du message évangélique est « communion ». Voilà qui explique les deux dernières phrases de notre évangile. À première vue, la juxtaposition de la correction fraternelle et de l’efficacité de la prière en commun peut sembler un peu abrupte. Il y a pourtant un lien très fort entre ces deux thèmes. Il est signalé dans notre texte par la répétition de « deux ou trois », versets 16 et 20. Les deux ou trois d’abord réunis pour aider un frère à revenir à l’unité, les voici maintenant rassemblés au nom de Jésus pour une prière décidée en commun (le « se mettent d’accord » du verset 19). À vrai dire, cette prière n’a pas à franchir une distance infinie, celle qui sépare la terre et les cieux (toujours verset 19). En effet les cieux sont maintenant sur la terre puisque le Christ est là, « au milieu d’eux ». L’unité des hommes entre eux, leur convergence, vient du Christ et signale sa présence. Pourtant il est des alliances conclues en vue de nuire : les grands prêtres juifs et le païen Ponce Pilate ont bien fini par se mettre d’accord pour crucifier Jésus. Certes, mais cette union pour la négation de l’amour devait connaître un renversement pour devenir union dans la profession de foi. Réconciliation du juif et du païen dans l’unique Corps du Christ. Au départ ils n’étaient pas réunis « en mon nom », comme le réclame notre texte, mais pourtant à propos de Jésus. Il était bien, d’une certaine manière, « au milieu d’eux » et c’est pour cela que l’accord pour le crime a pu se transformer en accord dans la foi. [P. Marcel Domergue]