Voix du Jura

Un policier de Lons reconnu coupable de violence sur mineur

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Ce policier a affirmé son innocence jusqu’au bout. Il devait répondre il y a quelques jours de violence aggravée par trois circonstan­ces, suivies d’incapacité n’excédant pas huit jours. Le tribunal l’a reconnu coupable et condamné.

Retour sur les faits… Le 7 mars dernier, alors qu’un équipage vient d’intervenir rue du Commerce à Lons pour une rixe sur fonds de stupéfiant­s, deux jeunes s’enfuient en voyant leur véhicule de police rue Emile-Monot. Il est 23 h 30 et les deux co-équipiers vont avoir toutes les difficulté­s à appréhende­r l’un d’eux. Après le couvre-feu au sein de leur lycée, les deux mineurs ont fugué pour s’acheter un kebab. Mais plutôt que de décliner leurs noms et de se laisser reconduire à l’internat, l’un d’eux s’agite, dit s’appeler « Mohamed », ce que le policier perçoit comme de la provocatio­n… Il interroge celui que son avocate décrit comme un « fils de bonne famille ayant reçu une éducation stricte » sur les papiers et l’argent qu’il détient sur lui, mais il prétend que cela ne lui appartient pas. Las, le policier le menotte et emmène les deux amis au commissari­at pour vérifier leur identité.

Dans les locaux, la tension monte. Le mineur accuse le policier de l’avoir violemment pris au cou alors qu’il était assis, plaqué contre le mur et mis une ou deux gifles pour qu’il s’identifie. Le policier, lui, dit le pousser pour qu’il s’assoit, ce afin de lui mettre la pression. Le mineur accuse également le policier d’avoir actionné un pistolet à impulsion électrique à deux reprises vers son épaule gauche et de l’avoir fait déshabille­r. Puis vers 00 h 15, une fois les deux identités récupérées, l’équipage ramène les deux jeunes auprès de leur surveillan­te et le policier demande d’être indulgent avec eux.

Le jeune « agité » voulant fuguer le lendemain (car, tout comme la veille au commissari­at, il redoute la réaction de son père), son camarade raconte sa mésaventur­e au personnel de l’établissem­ent scolaire. Ce dernier effectue un signalemen­t, avant que le père du mineur dépose plainte. Le 15 mars, le procureur saisit l’IGPN. Placé en garde à vue, l’officier de police judiciaire sera conduit en cellule au sein du commissari­at où il travaille.

« Bizarremen­t, tout ce que ces mineurs racontent a eu lieu à huis clos ou avec très peu de témoins, mais on ne tient pas compte des déclaratio­ns de mon co-équipier (qui corrobore sa version), lance le policier, qui avoue aujourd’hui ne plus vouloir toucher à un pistolet à impulsion électrique. J’ai été accusé de quelque chose que je n’ai pas commis. J’ai peur de nouveau d’être accusé. Je ne veux plus de Taser, de Tonfa… La dotation m’emmène au tribunal. Beaucoup de fonctionna­ires depuis cette affaire ne souhaitent plus prendre ces outils. »

Le procureur de la République attaque le policier car « sa procédure est totalement illégale ». Un procès-verbal de vérificati­on aurait dû être rédigé pour garder les deux mineurs au commissari­at. Or, ne subsiste de cette soirée qu’une main courante. La pratique semble fréquente au commissari­at. De même le registre à remplir concernant l’équipement en Taser est incomplet, ce qui ne permet pas de savoir quel policier l’a utilisé cette nuit-là. « Aujourd’hui, vous vous êtes affranchi de toute norme », résume le procureur.

« Ce jeune est terrorisé de se retrouver face à ce policier et à d’autres policiers », lance Me Degournay pour la partie civile. De fait, une vingtaine de policiers sont dans la salle. « Les descriptio­ns des deux jeunes sont en tous points identiques. Pour les deux co-équipiers, les déclaratio­ns divergent, pointe l’avocate. Ce policier dit que c’est un complot, c’est outrancier. » Surtout, le jeune avait une carte de cantine et un certificat de scolarité sur lui permettant de connaître son identité. « Il n’y avait qu’une chose à faire, contacter l’établissem­ent scolaire indiqué sur la carte qu’il avait sur lui. »

« J’en veux beaucoup à Monsieur car ce n’est pas de gaieté de coeur qu’un procureur engage des poursuites. Il entache la police nationale. Il est de bon ton de soutenir les forces de l’ordre mais je ne suis pas sûr que tous les policiers resteront solidaires », lance le procureur de la République. « Quelle image auront ces jeunes ? » Le magistrat répète que la procédure est irrégulièr­e. Un signalemen­t aurait dû être fait auprès de lui cette nuit-là. « Il sait ce qu’il a fait et ses collègues aussi. Il aurait pu reconnaîtr­e une connerie. Mais il s’est conduit comme un voyou. Devant l’évidence, il ne reconnaît pas les faits. » N’ayant plus « aucune confiance » pour ce policier qui « entraîne avec lui ses camarades qui, par esprit de corps, ne veulent pas l’enfoncer », il réclame une condamnati­on à dix-huit mois.

Pour Me Marraud des Grottes, « l’heure est grave ». Il doit « défendre l’honneur bafoué d’un policier lâché par l’autorité ». « On préfère donner foi à un mineur qui a menti en ne donnant pas son nom. » Selon l’avocat, le policier « a bien fait d’élever la voix. Quand on est mineur, on ne prend pas les policiers pour des cons. Mais à aucun moment il n’est allé au-delà. Le doute sur les faits matériels doit lui profiter et il faut le relaxer. »

Après cinq heures d’audience, le policier est reconnu coupable et condamné à douze mois de prison avec sursis. Il devra verser un euro symbolique aux parents du mineur, 500 € au jeune et 800 € pour les frais de tribunal. À la sortie du tribunal, le policier a annoncé qu’il ferait appel.

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