L'assassinat de Gaby Maire restera impuni
Les amis du prêtre jurassien disparu au Brésil à la veille de Noël 1989 saluent néanmoins le discours très fort prononcé par le juge obligé par la loi brésilienne à prononcer la prescription.
« Excusez-moi, France, parce que la mort de votre fils Gabriel reste impunie. Excusez-moi, Église Catholique de France, parce que notre omission a fait d’un Père un martyr. Excusez-moi, Père Gabriel - excusez-moi, Père - pour l’absence de justice. Excusezmoi ! » Ces paroles ont été prononcées le 18 octobre dernier par le juge brésilien Pedro Valls Rosa, contraint 28 ans après les faits de déclarer la prescription dans l’enquête pour identifier les commanditaires de l’assassinat du père Garbiel Maire.
Tué la veille de Noël
Les faits se sont produits à la veille de Noël 1989 dans la ville de Vitoria. Cela faisait 9 ans que le prêtre jurassien vivait au Brésil. Au nom de l’Évangile, il s’était fait le défenseur de familles démunies à accéder à la propriété foncière.
La justice brésilienne avait, dans un premier temps, estimé que Gaby Maire avait succombé à un crime crapuleux. Trois exécutants comparurent en 1991 mais lors d’un simulacre d’évasion, un fut tué, un autre blessé, le 3e plus malin n’a pas voulu sortir de prison, ce qui lui a sauvé la vie. Ce jugement n’a convaincu personne, sauf le milieu judiciaire de l’époque.
Il y a dix ans, l’affaire relancée
Il faudra toute l’obstination des proches et amis, tant en France qu’au Brésil, pour que l’affaire n’en reste pas là. Ils ont cru aboutir en 2007, quand des éléments qui n’avaient pas été versés au procès amenèrent la justice brésilienne à retenir la qualification de crime prémédité et commandité. L’hebdomadaire
Témoignage Chrétien applaudissait : « Le vent politique a tourné pour les familles maffieuses et les fazenderos de l’État de l’Esperito Santo ». Cette décision « permet de croire que peu à peu, par le courage des juges, sous la pression des associations et une volonté politique nette, le droit l’emportera », commentaire Guy Aurenche, l’avocat de la famille Maire.
Le nouveau procès un temps espéré n’aura finalement pas lieu. « Est décrétée l’impunité, je veux dire, la prescription »,a conclu le juge. Un lapsus volontaire qui, pour les Amis de Gaby Maire, montre que ces vingt-huit années de combat ne furent pas tout à fait vaines. Son président Raymond Perrin observe que « le juge Pedro Valls Feu Rosa, le ’’desembarcador’’ en portugais, a prononcé cette prescription, le coeur gros, à l’issue d’une déclaration de 13 pages, particulièrement forte. Il revient sur le parcours du prêtre en exprimant son admiration pour lui, en relevant le don que ce dernier a fait de sa vie au service du peuple brésilien. Il n’hésite pas à se référer à Émile Zola et à accuser la lenteur de la justice qui a permis que triomphe l’impunité ».
L’association et la famille souhaitent faire savoir cette décision. « Il s’agit de faire connaître largement le parcours de cet homme d’exception, de témoigner de ce que ce prêtre, originaire de Port-Lesney, a réalisé auprès des plus pauvres dans ce quartier déshérité de Cariacica, près de Vitôria, capitale de l’État de l’Espirito Santo et de lui rendre ainsi l’hommage qu’il mérite ».
’’Profeta Gabriel’’
Les personnes qui ont connu le père Gabriel Maire au Brésil continuent à entretenir son souvenir avec beaucoup de ferveur. A Vitoria, le 23 de chaque mois, des personnes se retrouvent pour partager d’après la parole de Dieu et réfléchir à ses implications dans la société. Un élu local a créé le prix Padre-Gabriel qui est remis chaque année à des personnes qui défendent les droits de l’homme. Le 25e anniversaire de sa disparition a été salué par la parution d’un livre en Portugais avec ce titre rappelant ce qui guidait l’action de celui qu’ils nomment ’’Profeta Gabriel’’ : « Je préfère mourir pour la vie que vivre pour la mort ».