Voix du Midi (Lauragais)

Ahmed et Francois

Comme chaque semaine, le Père Dagras livre son analyse et propose un temps de réflexion autour d’un sujet d’actualité l’ayant marqué.

- Dagras.michel@neuf.fr

Le Cheikh Ahmed Al-Tayeb, est grand imam d’Al-Azhar, prestigieu­se institutio­n sunnite établie au Caire. Francois est Pape de l’Église catholique. Voila dix ans, les relations entre catholicis­me et islam avaient pris un sérieux coup de froid à cause d’une citation faite par Benoît XVI au cours d’une conférence à Ratisbone. Le Pape d’alors dissertait sur les rapports fructueux entre foi et raison. En cours d’exposé, il it en contrepoin­t état d’un autre rapport, insoutenab­le celui-là, entre religion et violence. Il cita dans ce but l’empereur Manuel II Paleologue qui, au XIVe siècle, adressa à un Persan cultivé, d’une façon étonnammen­t abrupte doublée d’une rudesse assez surprenant­e ce propos provoquant : « Montremoi donc ce que Mahomet a apporté de nouveau, et tu y trouveras seulement des choses mauvaises et inhumaines comme son mandat de diffuser par l’épée la foi qu’il prêchait. » Bronca immédiate dans le monde musulman ! Beaucoup perçurent dans ce propos repris hors contexte, une insulte à l’Islam. Surtout quand aujourd’hui, des extrémiste­s brandissen­t le Coran pour justifier exactions et persécutio­ns. Méfaits atroces qui exacerbent des sensibilit­és et poussent à faire des amalgames. N’aurait-il pas été équitable d’ajouter à la preuve le souvenir de croisades et de guerres de religion ? Des voix de penseurs musulmans se sont aussitôt levées pour dénoncer le procès d’intention fait à Benoît XVI. Mais une gêne s’installait à rebours de prises de positions, de contacts suivis et de relations ouvertes depuis des années au cours de voyages pontiicaux en Afrique, au Proche Orient et à l’occasion d’événements inter religieux comme les Rencontres d’Assise. La décision toute récente des deux grandes personnali­tés de se rencontrer pour dialoguer, fut- ce brièvement, revêt donc une forte portée symbolique. Il est probable qu’Ahmed et François n’ont pas perdu leur temps a se rappeler des comporteme­nts déplorable­s qui de part et d’autre insultèren­t leur foi respective… ni les échanges positifs réalisés au cours des dernières décennies. Ils prirent le parti d’une simple rencontre, voulue pour dépasser les contentieu­x et manifester leur volonté mutuelle d’une coexistenc­e pacifique. Les communiqué­s le soulignent. Il fut question d’engagement pour la paix dans le monde, de refus de la violence et du terrorisme, de la situation des chrétiens au Moyen Orient et de leur protection… sujets abordés dans un esprit de dialogue, arme privilégié­e des artisans de paix. N’empêche, des détracteur­s montent des deux côtés aux créneaux. On crie compromiss­ion, naïveté, récupérati­on, manipulati­on, hypocrisie politique… Comme si ne rien faire, se contenter de se regarder en chiens de faïence ou s’envoyer piques et reproches pouvait servir la cause du vivre ensemble dans le respect des différence­s. D’autres reçoivent par contre l’événement comme un appel à laver son regard des prévention­s injustiiée­s pour observer la présence de valeurs chez les autres et adopter à leur égard des comporteme­nts naturels et positifs : se saluer, échanger, se rendre de menus services, porter attention aux joies familiales, aux fêtes religieuse­s… en restant de part et d’autre soi-même. Et pourquoi pas se retrouver au coude à coude au service des autres… Bref une manière d’afirmer que les rencontres de paix ne sont pas l’apanage d’un Cheick et d’un Pape, mais un pain quotidien de meilleur goût et plus nutritif que celui des indifféren­ces et des ressentime­nts.

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Le Père Michel Dagras.

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