Vues de Grèce
Un court séjour en Grèce peut-il donner de ce pays des informations plus justes que celles présentées par nos médias ? Surtout dans le cadre d’une session d’étude où l’intérêt suscité par l’Histoire ancienne et l’archéologie incline à détourner les yeux des drames que vivent aujourd’hui le peuple et des dizaines de milliers d’immigrés exilés sur son territoire ? La session n’est pas tombée dans le panneau de l’indifférence. Le maître d’oeuvre de la rencontre a témoigné de son engagement depuis des mois en première ligne de l’accueil et de l’accompagnement des réfugiés. Un témoignage lucide et émouvant capable d’essorer les opinions des lieux communs et des jugements lapidaires qui parfois les imprègnent. Le témoignage d’un combat mené avec de pauvres moyens pour des personnes et des familles entassées dans des camps des plus incommodes, immobilisées sur place, empêchés de poursuivre leur exode vers quelque eldorado rêvé plus au Nord. Les frontières des pays limitrophes sont en effet verrouillées. Et la Turquie ne joue plus le rôle de tampon filtrant que l’Europe attendait d’elle. Pour le peuple grec le choc est violent. Déjà pénalisé par de lourdes dificultés économiques et financières, il se trouve contraint d’accueillir quelque 60 000 réfugiés. Nombre provisoire car des centaines de malheureux venus d’Afrique ou du Moyen Orient, continuent de débarquer sur ses côtes. Cette épreuve s’ajoute à celles d’une Histoire semée de tragédies. Les plus récentes remontent aux années de la lutte tenace, héroïque, contre l’occupant nazi. La Dictature des colonels vint ensuite coiffer d’une chape de plomb les espoirs de liberté soulevés par la résistance. Dictature anti marxiste qui opprima violemment les opposants et les partis marqués par cette idéologie, toujours inspiratrice de politiques actuelles. Corruptions et manipulations perturbent en outre de leurs actions délétères la société meurtrie mais toujours assoiffée de dignité et de liberté, avec des tendances anarchisantes sensibles dans les mentalités et les comportements collectifs. Comment ce peuple encaisse-til alors le choc de l’immigration actuelle ? Son unité dépasse les clivages politiques. Elle se fonde pour une bonne part sur la ierté de pratiquer une langue ancestrale et sur un rapport à la religion inimaginable sous le ciel de notre laïcité. L’Église orthodoxe et ses monastères prennent en effet valeur de référence identitaire. Sa tradition, arrêtée aux portes du Ve siècle garde la douloureuse mémoire du schisme et du carnage perpétré par les croisés à Constantinople De vieux ressentiments couvent toujours. Ils entravent les marches vers l’unité des chrétiens En tout état de cause l’Église grecque fait corps avec l’État. Et, dans la circonstance, palliant les impuissances oficielles, elle s’applique généreusement à secourir les réfugiés. Que faire d’autre ? Face aux dimensions du drame, les béné- voles se sentent impuissants. Leurs efforts pour aider à vivre debout malgré tout, à ouvrir des chantiers d’éducation, sont de simples gouttes d’eau dans l’immensité d’un désert aride. Mais ils croient au miracle de la foule rassasiée à partir de cinq pains et de deux poissons Alors ils continuent, espérant contre toute espérance humbles artisans de paix, exemplaires pour ceux qui sont tentés de baisser les bras devant l’ampleur des dificultés qu’ils affrontent pour libérer les hommes de la violence et de la misère. 1. Respectivement en 1054 et
en 1204 2. Évangile. Jean 6,1-15 3. Lettre de Saint Paul
aux Romains 4,18