Pierre Bourthoumieux, « tribun » et résistant socialiste
Dès 1940, ce pharmacien toulousain s’engage dans la Résistance. Avec Raymond Naves, il crée une des premières structures clandestines avant de créer des maquis dans le Lot.
Vraiment rien ne les forçait au combat, rien que leur âme libre » écrivait en 1943 Joseph Kessel dans L’Armée des ombres, l’un des livres monuments sur la Résistance. Parmi ces igures marquées du sceau de l’abnégation et du sacrifice, Pierre Bourthoumieux, un des organisateurs de la Résistance toulousaine, mort en avril 1945 au camp de Neuengamme, près de Hambourg. Son parcours singulier d’homme engagé, militant SFIO, tribun, paciiste, et de pharmacien humaniste apportant son aide aux plus démunis en
« vivres et en médicaments, a été narré par son petit-ils, le journaliste et écrivain Greg Lamazères dans le livre Pierre Bourthoumieux, vie et mort d’un résistant socialiste toulousain.
Un militant enflammé
Au il des coupures de presse de l’époque et des témoignages collectés auprès des survivants, notamment sa grand-mère et son oncle, il découvre un homme profondément généreux et exalté, forgé dans les valeurs républicaines de parents instituteurs. À Cahors, sa ville natale, le jeune Pierre se fait remarquer par son caractère vif et turbulent. Sur les bancs de l’école comme sur les terrains de rugby, il collectionne les satisfecits et les remontrances, au grand dam du proviseur et de l’arbitre. Bien que sacrément doué pour le cuir, au point d’être sélectionné en équipe de France universitaire, le brillant trois-quarts centre de l’équipe de la faculté de médecine et de pharmacie de Toulouse le délaisse quelque peu au fil des années pour le basket. Au début des années 30, « Il dénonce les vieilles combines et défend le prolétariat » il développe sa fibre d’éducateur en regroupant des jeunes de son quartier de la Croix-dePierre sous la bannière du club de l’Emancipatrice toulousaine. Son autorité naturelle l’a porté quelques années plus tôt vers l’action politique. En 1926, à 18 ans, il anime déjà les Jeunesses lotoises républicaines avant de monter en grade. Le jeune père de famille qu’il est devenu s’impose par son éloquence et sa probité, sur les estrades comme dans les colonnes du Travail, l’hebdomadaire socialiste local qui l’emploie, dans lequel il dénonce vigoureusement les vieilles combines des caciques locaux et défend le prolétariat. Celui qu’on appelle « le Tribun » partage son temps entre Cahors et Toulouse. Conseiller municipal d’opposition dans la préfecture quercynoise, il enile ses habits de pharmacien, au 122 avenue de Muret où il ouvre son officine. Dans le même temps, il fonde une coopérative de produits alimentaires à destination des familles des ouvriers de l’Onia (devenue par la suite AZF) et de la Cartoucherie.
Bourthoumieux devient « Bonnard »
Lorsque la guerre éclate, Pierre Bourthoumieux est mobilisé sur le front à Lérouville puis à Sedan. Blessé, il est transféré à l’hôpital militaire Larrey de Toulouse et poursuit sa convalescence à Cauterets, dans les Hautes-Pyrénées. Son voisin de palier lui fait écouter les émissions de la BBC et l’appel du général de Gaulle. Requinqué, Pierre rejoint ses camarades et participe avec Raymond Naves, un camarade socialiste et professeur de lettres à l’Université, à la création de l’antenne toulousaine du Comité d’action socialiste (CAS), autour d’Eugène Thomas, un ancien député du Nord, réfugié avec sa famille à Saint-Martory, près de Bagnèresde-Luchon, dans le Comminges. Il prend le pseudonyme de « Bonnard », emprunté à un personnage d’Anatole France et confectionne dès l’automne 1941 des dossiers médicaux pour rapatrier des prisonniers comme réfugiés sanitaires et intègre le réseau de renseignements Froment qui deviendra par la suite le réseau Brutus. Repéré par la Gestapo en 1943, il quitte Toulouse pour le Lot où il participe à la création des maquis paramilitaires Vény, avant d’être arrêté un an plus tard avec ses camarades à Lyon puis de rejoindre les camps de la mort.