Une poète pour la cérémonie
Kenza, jeune lycéenne de 15 ans, a rédigé les réflexions du monument aux morts, sous forme de monologue intérieur.
LORS DE LA cérémonie commémorative du 11 novembre dernier, Kenza Teste a lu, au pied de la stèle devant l’ensemble des personnes venues se recueillir, le monologue ci-après : « Aujourd’hui c’est le onze novembre, ils sont venus me faire une visite, deux fois par an, comme d’habitude. Moi qui fais honneur à tant de cadavres, tant de soldats, mais qui porte aux dames anonymes mortes pour la France. Nous sommes à Castanet-Tolosan, d’habitude les hommes passent à côté de moi chaque matin comme si j’étais inexistant, ils ont l’air pressé et comme chaque matin, aucun d’entre eux ne prend le temps de lire les belles écritures que les architectes ont gravées sur mon corps de pierre qui, malgré tant d’années reste là immobile. Aujourd’hui, beaucoup d’hommes seront là et ils feront attention à moi, le drapeau tricolore lottera là, dans le ciel bleu, pendant que les hommes de la paix eux défileront au rythme des tambours et des trompettes pour honorer leurs anciens. Mais aujourd’hui est le début d’hier et demain ce sera comme si rien de cela ne s’était passé, comme si on avait effacé le court instant de cette journée de fête dans la mémoire des hommes… Et il recommence comme chaque jour. Ma raison d’être aujourd’hui est minime, je suis seulement un caillou géant bien taillé qui porte avec ierté tous ces noms de soldats, des amoureux de vivre à en mourir, ceux qui ont péri sur le front ou dans les tranchées. Des fois je songe à ce que je serai dans 40 ou 50 ans, un tas de pierre ? Peut-être que je serai détruit après tout, tout est éphémère… hormis l’honneur que l’on porte à ces héros d’un autre temps. Mais se souviendra-t-on de moi ? De mon contexte ? De l’histoire ?… Je l’espère, oui. J’espère que notre histoire restera pour longtemps gravée dans les mémoires »