Un prêtre en prison… et pour le temps d’une lourde peine : 44 ans !
44 ans de prison… Tel fut le sort, l’engagement, la vocation d’un prêtre diocésain de Toulouse, aumônier au Centre de détention de Muret. Il a tiré de cette expérience un livre saisissant1. En rendre compte ici ne relève pas de la simple notice bibliographique mais de la transmission d’un témoignage à accueillir par tous et à traduire dans le concret d’événements et de rencontres les plus ordinaires. Le livre, introduit par une bièvre biographie, commence par une présentation de l’univers carcéral dans notre pays. L’auteur décrit l’organisation de l’administration pénitentiaire, la répartition des détenus dans cet ensemble, en fonction de la nature des délits et surtout le détail de leur vie quotidienne. Au cours de quatre décennies cet aumônier a eu le temps de se mettre au parfum des us et coutumes, des relations et des moeurs de la population qui vit derrière les barreaux. Il ne manque pas d’évoquer le sordide de comportements immoraux et dangereux. Mais aussi la noblesse d’ouvertures de coeur et d’esprit. On y découvre à la fois l’espoir et l’abattement, le désir de s’en sortir et le naufrage dans la démission… Postures qui appellent de la part de l’aumônier ine écoute, soutien et résistances, avec un cap à tenir, celui de la certitude que toute personne est un mystère, irréductible à sa maladie ou à son crime. Ce ministère a commencé tôt. Dès son séminaire, l’auteur a rencontré, suivi, accompagné des personnes incarcérées ou récemment libérées. Long et nécessaire apprentissage pour dominer une timidité naturelle et une tendance à ne voir le mal nulle part. Un événement inattendu a marqué ce ministère dificile. Un diabète sévère est venu imposer de rudes limites aux énergies personnelles et une obligation de soins draconienne. La proximité entre le prêtre et les détenus s’en est trouvée renforcée. La prison et la longue maladie ont en effet en commun de rendre ceux qui les subissent dépendants et fragiles. Une sorte de communion de destin tisse alors entre eux des liens, éveille des sensibilités et ouvre à des compréhensions qui s’établissent souvent au-delà des mots. L’écoute s’en trouve afinée et la coniance instaurée par la franchise et le respect mutuels. Préjugés et préventions si fréquemment dressés entre prisonniers, surveillants, visiteurs et autres personnels, se issurent. S’ensuivent des attitudes constructives, de part et d’autre : ne pas s’apitoyer sur la souffrance d’autrui… Aider celui qui souffre si nous pouvons le faire… Être au moins avec lui par une simple présence pour lui permettre de ne pas rester muré dans sa blessure. Dans ce microcosme social, pittoresque et dangereux, des tensions s’attisent, jusqu’à dégénérer parfois en sévères violences. Règlements de compte, sévices et servitudes, délabrements dus à la drogue, suicides (parfois présumés), automutilations… apparaissent comme la partie émergée d’un iceberg de misères carcérales apparentes ou secrètes. L’aide de l’aumônier, sollicitée parfois par les surveillants, porte audelà du soutien et du conseil. Le prêtre témoigne humblement, de toute sa foi, que tout coupable est à aimer comme une perle dans un écrin de souffrance, capable parfois de surprenantes résurrections. La relation pastorale dont rend compte l’ouvrage associe sans les confondre relations humaines et relations à Dieu. Aux lecteurs de trouver dans ce récit des repères d’humanité et des exemples pour une spiritualité chrétienne.
1. Bernard du Puy-Montbrun 44
ans en prison, Dijon 2014