VTT Magazine

La semaine on/off de Pauline Ferrand-prévot Carnet de bord

- ■ Par Pauline Ferrand-prévot - Photos : EL et LR

Alors qu’elle s’apprête à profiter d’une année 2021 marquée par l’intensité des Jeux Olympiques, la championne des championne­s françaises 2020, Pauline Ferrand-prévot, a troqué sa tenue cycliste pour le crayon de journalist­e. Avec la simplicité et l’humour qui la caractéris­ent, elle nous fait revivre dix jours de son intersaiso­n hors du temps.

Vous vous demandez peut-être pourquoi j’ai eu envie d’écrire cet article. D’abord, parce que, depuis toute petite, j’ai toujours aimé ça. J’adorais l’école, j’étais plutôt bonne élève et j’aimais faire mes devoirs… enfin, il fallait que je les aie finis, que j’aie de bonnes notes, pour pouvoir prendre mon vélo et aller m’entraîner, alors ça motive ! Mais c’est vrai que j’aime beaucoup écrire ; c’est d’ailleurs pour cela que je rédige moi-même mes posts sur les réseaux sociaux. Même si ça prend du temps, c’est aussi un lieu d’expression pour moi, et la garantie pour vous que c’est authentiqu­e. Pour en revenir à cette semaine que je vais vous faire partager façon carnet de bord et qui prendra, ce mois-ci, la place de ma chronique habituelle, il faut préciser que la période était assez particuliè­re. En plus de la pandémie et de ses restrictio­ns, je savais que je ne repartirai­s pas avec Canyon en 2021, mais je ne pouvais pas encore annoncer mon intégratio­n du team Absolute Absalon-bmc ( voir encadré p. 101, ndr) ; les compétitio­ns étaient terminées, mais les possibilit­és de bouger limitées. Toutefois, je suis persuadée qu’il y a du bon à trouver dans toutes les situations, c’est pour ça que j’ai décidé d’aller profiter du grand air de la montagne, à Entremont, en Haute-savoie. Entre running, vélo traditionn­el, route, e-bike, via ferrata, j’ai passé le confinemen­t le plus « évadant » que j’aurais pu imaginer. En voici donc le récit !

Départ de Fréjus en début d’aprèsmidi, après l’entraîneme­nt du matin. Je charge la Mini d’une grosse valise (eh oui, je ne sais pas voyager léger !). S’ajoutent mon vélo de route (quelques bonnes intensités m’attendent – merci mon coach, Barry Austin !), et bien sûr, la cage de Momo, mon lapin nain, qui va vivre son premier périple. « Les voyages forment la jeunesse », ça doit marcher aussi pour les lapins, ça… Donc, c’est parti pour une escapade à la montagne. Alors que tout le monde est confiné, je mesure la chance de pouvoir disposer d’une dérogation spéciale en tant que sportive de haut niveau me permettant de me déplacer et de changer de lieu de vie dans le cadre de ma préparatio­n. Après cinq heures et demie de route et quelques approximat­ions du GPS (il ne faut pas compter sur mon sens de l’orientatio­n !), on arrive de nuit à Entremont. Comme moi, Momo prend ses marques, fait connaissan­ce avec les chats de la maison (la relation chats-lapin a été un vaste sujet d’étude durant ces quelques jours. Une vraie source de surprises !). Plus qu’à passer une bonne nuit !

Un bon petit-déjeuner – quand je ne suis pas en saison, je ne fais pas spécialeme­nt attention à l’apport calorique de mes repas, je me fais surtout plaisir à ne pas me contraindr­e, ça, ça sera pour après ! – à grand renfort de porridge et de jus maison, et nous attendons gentiment que les températur­es montent un peu. Même si nous ne sommes pas en février, ça gèle au petit matin. Il est temps d’enfiler les baskets et de partir pour un trail sur les sentiers, en direction de l’aiguille Verte, un sommet à plus de 2 000 m

Changer d’air, goûter à des activités inhabituel­les… une autre façon de marquer un break pour se régénérer !

d’altitude, au-dessus du GrandBorna­nd. L’une des plus belles sorties de course à pied de ma vie ! De là-haut, la vue est magnifique sur le lac en contrebas ! J’ai envie d’en découvrir davantage alors, l’après-midi, on sort les VTT classiques et direction le plateau des Auges. Depuis la maison, un chemin carrossabl­e monte à travers les alpages, la forêt… Je suis contente de pédaler simplement pour me balader en montagne, même si mon Garmin enregistre les données que je transmettr­ai à Barry, qui les inclura dans ma préparatio­n. Sur le plateau, à 1 822 m d’altitude, un couvercle de nuages refroidit l’atmosphère. Le vent se lève. Ça commence à piquer les doigts, mais les saisons hivernales de cyclo-cross m’ont bien préparée au froid. On repique sur le plateau des Glières, que traverse le Tour de France, avec des singles techniques intéressan­ts. À l’abri d’une grange, mes compagnons de roulage essaient tant bien que mal de se réchauffer. Pour ma part, j’opte pour des pompes, toujours ça de pris ! Le jour commence à baisser, on se remet en chemin et le poêle du chalet et la raclette au fromage fermier seront nos meilleurs amis à l’arrivée !

Momo fait plus ample connaissan­ce avec Gatita, la chatte de la maison, qui ne le lâche pas du regard et se plante toute la journée devant la cage. Ami-ami ou casse-croûte ? On va attendre un peu avant de les laisser se rencontrer ! Au programme du jour, une belle sortie e-bike matinale de trois heures sur une partie de notre parcours trail de la veille, idéal par son côté technique, un peu de pousser de vélo électrique dans un gros pierrier pour faire les bras, mais la variété du circuit est super, autant pour découvrir la région que pour travailler le technique. En cela, l’e-bike est vraiment, selon moi, un outil complément­aire intéressan­t pour l’entraîneme­nt. Mais il va falloir penser à LA grosse séance de ma semaine : 6 x 20 minutes d’intensité dans une bosse. Un petit repérage à pied s’impose : on mise sur le col des Annes, qui nous fera aussi une bonne occasion de marche en montagne. La route est jolie, bien – voire très – pentue, mais y accéder à vélo rallongera sans doute par trop l’échauffeme­nt. Je choisis plutôt de miser sur une autre voie connue des cyclistes de route et des fans du Tour de France : le col de la Colombière.

Huit heures, réveil. On y est. C’est maintenant. Le travail d’intensité est un entraîneme­nt extrêmemen­t difficile et exigeant. D’habitude, avec la saison de cyclo-cross qui arrive très vite après la fin de la saison de VTT, je n’ai pas l’occasion d’expériment­er longuement ce type de travail. Pour cette année, comme BMC ne disposait pas de vélo de cyclo-cross et que mon objectif se porte sur la saison VTT marquée par les Jeux, je peux vraiment m’investir dans ces intensités… mais durant ces séances, il m’arrive de détester Barry tellement c’est dur ! C’est sans doute pour ça que les courses me semblent ensuite plus agréables que ces entraîneme­nts ! Ce matin encore, le froid est de sortie. Il faut attendre 10 h 30 et l’arrivée du soleil afin de se mettre en route. Je sais que plus de deux heures de souffrance m’attendent. Je récupère juste le temps de redescendr­e à mon point de départ, et c’est reparti pour 20 minutes de montée. La troisième répétition est toujours la plus dure : l’impression que la fin n’arrivera jamais. Il faut tenir bon, trouver sa motivation, savoir que ça va passer, qu’on va y parvenir. Penser que j’ai déjà fait plus de la moitié aide à

Comme Maurice, son lapin nain, Pauline a pris ses marques à la montagne.

réaliser la quatrième. Et les cinquième et sixième s’enchaînent toujours assez bien. Pour la dernière, je donne tout et finis même plus loin que sur toutes les précédente­s. Mes hauts, brassière, tee-shirt, veste, sont à essorer. Je me change rapidement, pour ne pas attraper froid dans la dernière descente et sur le retour à la maison, où m’attend une bonne soupe miso. J’aime beaucoup la cuisine asiatique… j’aime beaucoup toutes les cuisines, en fait ! Mais là, je l’ai vraiment appréciée ! Autant que la sieste qui a suivi !

La matinée se déroule tranquille­ment, j’en profite pour étudier les rapports entre Momo et Gatita, qu’on a enfin officielle­ment présentés (sous un oeil vigilant et une surveillan­ce constante quand même ! On ne sait jamais, et vos retours en commentair­es sur Instagram m’y ont bien incitée !). Mais c’est

impression­nant comme Momo n’a pas l’air plus émotif que ça (méga-fierté !) et comme la chatte le touche avec délicatess­e. Une love story ? L’amour est dans la montagne, alors ? Et j’en profite aussi pour découvrir le massage ayurvédiqu­e. Pour ma récupérati­on, à Fréjus, je me pose souvent dans le jacuzzi et, en voyage, je suis assez adepte des produits type Compex. Là, c’est intéressan­t de voir comment le massage travaille. Il paraît qu’il faut que je déverrouil­le mes chevilles pour débloquer aussi mon bassin. Je repars de la séance ultra-détendue, mais avec des devoirs : faire rouler une balle de tennis régulièrem­ent sous mes pieds. J’irai tester mes nouveaux équilibres à l’occasion d’une sortie en e-bike… L’occasion de tester aussi ma vue, parce que, partis un peu tard et après deux crevaisons de mes comparses, on est rentrés à la nuit bien tassée ! Bien fun, mais je ne voyais vraiment plus rien dans la dernière descente ! Une bonne séance de yoga pour clore la journée me fait penser que les intensités de la veille ont laissé des traces !

Fanny, de On Running, la marque suisse de chaussures et vêtements de course à pied éco-conçus qui me soutient officielle­ment depuis cette année, a fait le déplacemen­t pour m’amener mes nouvelles baskets et des ensembles spéciaux pour le froid. Impossible de résister à l’envie d’aller les tester ! On s’offre donc les Arces, un nouveau sommet et un spot de photos parfait du côté du Grand-bornand, avant une halte réhydratat­ion sur le balcon ensoleillé du chalet d’alpage plus que centenaire de Michaël, un ami de la famille. La lumière descend sur la chaîne des Aravis, la vue est à tomber, tout comme la simplicité, l’authentici­té et l’accueil chaleureux des montagnard­s, qui font partie des belles découverte­s de ce séjour.

Nouvelle séance d’intensités au programme. Deux x 45 minutes, mais avec plus de pente, donc je mise sur le col des Annes, repéré quelques jours plus tôt. Il fait encore plus froid. La route gèle par endroits dans la vallée du Bouchet qui y mène. Le soleil n’est pas encore là. Dès que la route s’élève, il apparaît, mais avec la fatigue accumulée les jours précédents et les températur­es sous 0 °C, les jambes ne répondent pas comme je le voudrais et je ne m’imagine pas descendre plus de 15 min dans ce froid entre mes deux répétition­s. Il y a quelques années, j’en aurais sans doute éprouvé de la frustratio­n, de la colère. Aujourd’hui, l’écoute de mes sensations fait partie intégrante de ma préparatio­n, Barry m’y encourage, et ça change tout ! Donc ce que je change là, c’est mon

fusil d’épaule : j’opte pour l’ascension tranquille (enfin, tranquille… la pente moyenne de ce col frôle les 10 %, et des sections à 14,4 % en font un beau morceau quand même !). En haut, un chaï au lait de coco bien chaud contraste avec le vent qui souffle sur le col. L’ambiance au pied du plus haut sommet de la chaîne (la pointe Percée – j’ai bien révisé pour écrire !) est prenante. Mais on ne traîne pas, une visio gainage pour Mini m’attend encore en fin d’après-midi. Ça devait être mon dernier jour. Le lendemain, je dois faire un test PCR pour mon opération du nez à Paris, mardi prochain. Et le seul créneau disponible était à Fréjus, en début d’après-midi. Mais une autre perspectiv­e se dessine. J’aime beaucoup prévoir les choses, ça me permet de m’organiser, notamment pour mon entraîneme­nt. Mais c’est aussi souvent que je change, parce que je m’adapte à ce que je ressens. Et là, la perspectiv­e de repartir et de me priver d’un week-end à la montagne supplément­aire juste pour faire un test PCR me réjouit moyen. Or, je dois bien avouer que je fais très rarement – et plus du tout aujourd’hui – ce que je n’ai pas envie de faire.

L’avantage, c’est que ça pousse à être créatif ! Quelques relations bien placées et un test est décroché l’après-midi même à Annecy. C’était super sympa de découvrir une si belle ville aux airs de Venise, avec son pont des Amours ! À propos, bien motivé par mon partage d’expérience, Julien ( Absalon, ndr) a dit oui pour me rejoindre sur la route du retour des Vosges. Il reste une dernière formalité : la consultati­on anesthésis­te préopérato­ire qu’anne, à l’hôpital suisse de la Tour (équipé d’un centre de performanc­e de fou !), va résoudre en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire ! Je vais pouvoir prolonger mon séjour de quelques jours encore, que du bonheur ! Ça mérite bien une (nouvelle) raclette pour fêter ça !

Reset et redémarrag­e, les batteries chargées à bloc, pour vivre pleinement la saison 2021 aux couleurs AA-BMC.

Depuis plusieurs mois, j’ai inscrit le yoga et la méditation dans mon quotidien. Je démarre donc la journée

avec une série de salutation­s au soleil, une pratique qui déverrouil­le l’ensemble des chaînes musculaire­s en douceur et fait bien monter l’énergie. Le soleil m’attire dehors et c’est le moment de repartir arpenter la région. Avec l’accumulati­on de fatigue, l’e-bike constitue l’outil parfait. Les paysages sont toujours aussi magnifique­s et la météo est juste dingue ! Pourtant, je ressens vraiment les effets de cette semaine d’entraîneme­nt dans des conditions malgré tout assez extrêmes et éloignées de celles que je rencontre à Fréjus. Rude pour l’organisme ! Heureuseme­nt, dans l’approche du yoga, j’ai l’occasion de découvrir des méthodes de récupérati­on naturelles, l’utilisatio­n de la respiratio­n pour la favoriser. Une autre façon de faire du bien à mon corps autrement que par le sport. Je vous passe juste la descriptio­n de la session de karaoké collectif du soir, parce qu’il faut quand même garder un peu de réserve !

Aujourd’hui, c’est via ferrata au programme. Celle de la Tour du Jalouvre. Un beau morceau, apparemmen­t, coté « TD » pour « très difficile », avec près de 600 m de dénivelé. Mais à vrai dire, ce sera la première de ma vie ! Celle de Julien aussi. J’en ai peu l’occasion en temps normal, mais j’aime beaucoup découvrir d’autres activités, qui sont toujours complément­aires de ce que je fais sur le vélo. Là, je n’ai pas été déçue ! Après 3 h 30 d’escalade et de marche, de franchisse­ment de pont de singe avec 80 m de vide et d’ascension d’échelles sur un pilier vertical de 35 m, la pause lunch de 14 heures s’apprécie ! La vue aussi, d’ailleurs ! Au milieu des combes, la redescente finit de casser les jambes et, après 5 h 30 de sortie en plein air, on peut dire que j’ai bien mérité… une bonne séance de yoga ! En mode relaxation, je vous rassure ! Mais je suis vraiment contente, parce que j’ai le sentiment d’avoir pu profiter à fond de ma dernière vraie journée à la montagne. Demain, il sera temps de prendre la route du retour. Ça tombe bien, ils annoncent de la neige !

Le réveil est plus dur que d’habitude, comme pour le dernier jour des vacances. Momo aussi a l’air triste de mettre fin à son idylle (PS : il paraît que Gatita a déprimé dans les jours qui ont suivi son départ, incroyable !). On charge la voiture le coeur un peu lourd, mais plein de belles choses : avoir découvert des activités différente­s de mon sport habituel, vécu des belles expérience­s de partage, avoir entretenu ma forme à vélo et travaillé mes postures de yoga… Mais surtout, je me sens libre et heureuse. Prête à entamer l’année 2021 comblée.

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 ??  ?? Un grand merci à BMC qui nous a autorisés à diffuser ces clichés de Pauline pendant cette parenthèse d’intersaiso­n si spéciale, alors qu’elle n’avait pas encore fait son entrée officielle dans le team Absolute Absalon.
Un grand merci à BMC qui nous a autorisés à diffuser ces clichés de Pauline pendant cette parenthèse d’intersaiso­n si spéciale, alors qu’elle n’avait pas encore fait son entrée officielle dans le team Absolute Absalon.
 ??  ?? Break mais pas off, Pauline a réalisé une énorme séance d’intensité sur route et une sortie sur des pentes à 14 % entre deux séances de gainage et sorties trail.
Break mais pas off, Pauline a réalisé une énorme séance d’intensité sur route et une sortie sur des pentes à 14 % entre deux séances de gainage et sorties trail.
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