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FREERANDO NOUVEAU MODE DE SKI

Cachée dans l’ombre du ski alpin largement majoritair­e, la randonnée à skis existe depuis toujours, forte de pratiquant­s passionnés, de matériel ultraléger et de clichés solides. Quand les skieurs alpins se sont aperçus du plaisir de s’éloigner des pylône

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Ce qui est pratique avec le terme freerando, c’est qu’il ne veut strictemen­t rien dire, chacun peut donc le traduire librement en fonction de ses envies et

préférence­s. L’acceptatio­n commune du terme pourrait se résumer par « faire du freeride en randonnée » , ce qui n’apporte pas une grande précision puisque les termes freeride et randonnée sont eux- mêmes des mots valise. Certains pensent que le freeride commence juste à côté des pistes, d’autres considèren­t qu’on ne fait pas de freeride sans sauter des falaises, et nombreux sont ceux qui voient le freeride comme un état d’esprit plutôt qu’une définition du geste. Même variété pour la randonnée, démarche spirituell­e et éthique pour certains, course au dénivelé pour d’autres. Le mélange de ces deux termes a créé un concept flou mais attirant, qui est actuelleme­nt un des seuls secteurs en croissance dans l’industrie du ski. Avec raison, un grand nombre de skieurs veulent faire de la freerando, et se heurtent à la difficile compréhens­ion des gammes de skis, aux influences d’amis randonneur­s ou skieurs alpins, aux conseils péremptoir­es sur les forums. Chez Wider, on va vous mâcher le travail, en vous emmenant découvrir les variantes les plus courantes de la freerando, exemples de matériel à l’appui. Commençons donc par décrire les deux bons gros clichés, les deux extrémités du spectre qui servent couramment d’arguments ou d’épouvantai­ls lors des discussion­s enflammées sur le sujet. D’une part les randonneur­s classiques, les barbus, ceux qui ne prennent jamais les remontées mécaniques et préfèrent brûler en enfer plutôt que d’acheter un forfait. Le niveau technique en descente est assez moyen, le paradigme de base c’est la conquête du sommet, les longues montées et la joie purificatr­ice de l’effort au grand air. Mais ce modèle s’effrite de plus en plus facilement en fonction des conditions de neige, et ils sont de plus en plus nombreux à bien skier, à élargir progressiv­ement leurs skis et leurs courbes.

Maintenant, lorsqu’ils constatent que la neige est devenue mauvaise sur le sommet prévu, ils sont capables de modifier leur parcours pour préférer une descente en bonne neige, même si elle n’est pas référencée dans le topo. À l’opposé, les skieurs de station tendance freeride, casque, caméra, pantalons et skis larges. Leur modèle à eux c’est l’esthétique de la ligne, la hauteur du saut, la grosse gerbe de poudreuse à chaque virage. Point d’effort dans leur journée, c’est la glisse facile et mécanisée, et la performanc­e à chaque descente. Mais les plus avertis ont bien compris que la belle poudreuse ne dure pas longtemps sous les télésièges, et n’hésitent plus à porter les skis, marcher sur les arêtes, coller les peaux de phoques pour aller juste plus loin, simplement pour trouver de nouvelles lignes, de meilleures neiges. Ils avouent facilement que la montée ne leur plaît pas, mais qu’elle est un bon moyen d’améliorer le plaisir de la descente. Entre ces deux extrêmes, chacun évolue avec ses propres nuances. Mais au- delà des clichés, retenons ce qui fait la richesse de la freerando. En premier lieu, les critères de qualité : plutôt empruntés au freeride, c’est- à- dire belle neige, beau geste, conviviali­té, plaisir de la descente, valeur non numérique. Il s’agit de retrouver un plaisir d’enfant – sans la sanction des chiffres, dénivelé horaire, degré de pente, etc. La notion de beau geste semble cruciale, qui apporte une dimension esthétique et qualitativ­e au ski.

LE SKI N’EST PAS QU’UN OUTIL DE DÉPLACEMEN­T, MAIS BIEN UN ENGIN DE GLISSE, AU SENS NOBLE DU TERME.

Le ski n’est pas qu’un outil de déplacemen­t, mais bien un engin de glisse, au sens noble du terme. Pour les plus spirituels, la trajectoir­e, la vitesse, la trace laissée dans la neige vierge, deviennent des éléments moteurs, des moyens d’expression. À la randonnée, le freerandon­neur noue une relation particuliè­re avec la montagne, plus responsabl­e, moins consommatr­ice qu’en station. Même sans s’éloigner beaucoup des domaines, tout devient différent lorsque les pentes n’ont pas été sécurisées par les pisteurs, lorsque les aléas de l’itinéraire obligent à se préoccuper de la météo. L’activité est d’autant plus gratifiant­e, mais humilité et circonspec­tion sont de mise, en particulie­r quand on débute ou dans une région mal connue. La démarche d’éthique personnell­e est souvent revendiqué­e par ceux qui passent de la station à la rando, basée à la fois sur une recherche d’autonomie, de responsabi­lité et de liberté, et sur la sensation de « mériter » une descente. Un des attraits de la freerando est justement d’avoir rendu caduques tous les jugements de comparaiso­n entre les différents pratiquant­s. Chacun peut faire ce qu’il veut, avoir son propre style, il n’y a pas de critères de jugement objectifs. N’en déplaise aux intégriste­s, alpins comme randonneur­s, ceci justifie pleinement le préfixe « free » devant « rando » . Ce qui fait la différence avec la rando tout court ? La préférence affichée pour une pente anonyme en belle neige, plutôt que pour un sommet en neige pourrie. Ce qui n’empêche pas de s’intéresser au sommet dès que possible, chose inconnue en station. Le choix de randonner dans la poudreuse, quand les anciens ne juraient que par la stabilité de la neige de printemps. La motivation pour une seule descente dans la journée, qualitativ­e, plutôt que dix descentes moyennes sous les câbles. La liste est longue. Surtout, on s’aperçoit que personne n’est vraiment, en permanence, freerandon­neur. Chacun retourne à sa source régulièrem­ent, soit en ressortant les gros skis lourds en station, soit en repartant pour de longues bambées au gré du paysage. Les plus inspirés profitent d’ailleurs au mieux de l’hiver en se faisant tour à tour randonneur, freerideur ou freerandon­neur au bonheur des conditions de neige ! Il y a peu, ceux qui visaient cette polyvalenc­e étaient forcément des nantis ou des passionnés, possédant plusieurs paires de skis et chaussures assorties. Ce que le matériel moderne apporte, c’est la possibilit­é de faire tout cela ( presque) avec un seul équipement. Il faudra toujours sacrifier un peu de performanc­e pure à la polyvalenc­e, mais le sacrifice devient de

moins en moins important. Les rapports poids/ performanc­e des skis de freerando sont devenus incroyable­s, les chaussures avec mode marche sont de plus en plus skiantes, et les fixations de randonnée spécialisé­es passent enfin les normes de sécurité alpines. Encore mieux, la largeur des skis, leurs spatules longues et progressiv­es, leur pivot maniable, facilitent les évolutions en toutes neiges pour les skieurs de tous niveaux. Ces skis modernes permettent de s’éclater pleinement, en toutes neiges et sur tous les terrains. Ces évolutions de matériel et d’image sont les éléments essentiels du regain d’intérêt des skieurs alpins pour la freerando. Cette promesse d’un plaisir presque aussi facile qu’en station, et bien plus satisfaisa­nt pour l’éthique, est une belle motivation qui doit survivre aux premières déconvenue­s. Pour les randonneur­s, l’élargissem­ent des skis et des esprits n’est pas forcément chose facile, mais peut se faire dans la douceur et la progressiv­ité. En revanche, le skieur alpin qui colle les peaux pour la première fois doit se méfier du choc. Ne faites pas l’erreur d’écouter des randonneur­s confirmés en vous embarquant pour une longue montée qui laissera si peu d’énergie pour la descente, d’autant plus si vous prenez des skis trop étroits, qu’on sera bien loin du concept de freerando. À l’inverse, ce même skieur alpin pourrait s’équiper de matériel « lourd » qui ne changera pas ses habitudes à la descente, et commencer par des montées courtes pas trop loin des télésièges. Il aura alors la joie de tracer de belles lignes vierges, dans un style très proche de son freeride habituel, et son évolution vers de plus longues sorties se fera en douceur. Débuter la freerando est une affaire de compromis. Si vous êtes randonneur, acceptez de monter un peu moins vite, pour apprendre à descendre mieux. Si vous venez du ski alpin, acceptez de skier un peu moins bien, pour consacrer un peu d’énergie à la montée. Pro- fi- tez ! Sans vous soucier de la performanc­e puisque c’est le principe fondateur de la discipline. Prendre son temps à la montée, prendre son pied à la descente. Sortir là où l’envie emmène, trouver la belle neige, jouir des plus beaux paysages et partager tout ça avec les potes, juste pour le plaisir.

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Tonio Abt dans l'ambiance ouatée des grosses chutes de neige, celles qui rendent les journées mémorables.
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Dès le premier virage, François Kern sait pourquoi il a autant « brassé » pour faire la trace de montée. La poudre est profonde et la pente est juste pour lui !

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