POUR SURVIVRE À N’IMPORTE QUOI ( OU PRESQUE)
Avant de céder benoîtement à la mode du « Lean management » de vos sacs ( mourir avec rien sur soi est une façon idiote d’envisager la chose…), Wider s’embarque dans le nébuleux dossier des fonds de sac. Le fond de sac ? Là où vous ne mettez jamais les p
C’est l’un des domaines le moins glamour qui
existent en matière d’outdoor. Le sujet est à des milliards d’années lumières du matos ultrapointu et high- tech. Moins connecté que ça, tu meurs. Et pourtant ! Les mille et un bouts de ficelle qui alourdissent plus ou moins les poches de nos sacs incarnent depuis toujours un must de l’aventure, surtout lorsqu’ils apparaissent miraculeusement dans les épisodes les plus déprimants de nos activités. Du bouton de bra- guette défaillant au rappel impossible, les fonds de sac sont là pour vous sortir de la mouise ( provisoirement, mais c’est déjà pas mal…). Entre Castors Juniors et McGyver, Wider vous invite à cette petite revue de détail, ou du bouton de guêtre au baume du tigre, rien ne sert à rien tout à fait à rien… ! Telle les cellules furtives d’un réseau d’agents dormants, les fonds de sacs ne brillent que lorsqu’on ne les attend vraiment pas !
DES SACS DANS LE SAC
> La couverture de survie. Un bout de technologie spatiale conçu pour empêcher de dormir tout humain normalement constitué ? Pour 60 grammes en moyenne, ces petits mètres carrés de film mylar au bruit de froissement insupportable ont été conçus à la base pour nous aider à lutter contre l’hypothermie en cas de pépin. Cool. Ils peuvent aussi servir de nappe de pique- nique, de tapis de sol impro-
visé, voire d’abri efficace sous la pluie ou la neige, tant que ce n’est pas grand blizzard. Deux bémols : replier le zinzin argenté dans sa pochette d’origine est un cauchemar. Et il est interdit de se servir d’une couverture de survie en refuge ou dans un camping, sous peine de lynchage. Enfin, très sérieusement : il es t formellement déconseillé de sortir ç a sous l’orage, ni d’utiliser un défibrillateur cardiaque en même temps. Et aussi : des modèles élaborés de sursac thermo soudés ( Heatsheets) : 110 grammes l’abri !
> Le sac- poubelle. D’un joli gris/ noir, de grosse capacité si possible ( au- dessus de 120 litres), ce morceau de polyéthylène ne pèse quasiment rien et s’oublie très volontiers dans une poche latér ale. Serviteur effacé mais consciencieux, il peut de venir un poncho express ( une seule déchirure pour le visage, et obligation de marcher comme un pingouin) un sac étanche pour vos fringues ou une housse de pluie pour votre sac ( il faudra juste défaire les sangles de portage pour limiter les ouvertures au minimum). Parmi les destins classiques de cet ami à usage unique : le retour à la case départ ( stockage des déchets ou des fringues puantes) !
> Le Tarp. Sans rentrer dans des débats de chapelle qui font toujours rage dans certaines sectes outdoor, le Tarp est ( si, si) pour certains un objet fétiche côté fond de sac. Ce n’est pas courant. Mais ça arrive. Un échelon de plus dans la lutte contre les surprises, style bivouac improvisé, qui permet de reléguer la question « tente ou pas tente » à des kilos plus loin…
MAMAN, BOBO ?
Hypocondriaques, bienvenus : le fond de sac, à côté de la pharmacie d’urgence ( chapitre qui n’appartient pas du tout au fond de sac), est un fl euve aussi l ong que v os f antasmes. Certains sont rayés d’office dans ces pages : drogues douces, Aspivenin, amphétamines, nous laissons cela aux spécialistes. Plus près de nous : aspirine. Cette incroyable anti - inflammatoire ( acide acétylsalicylique), sait presque tout faire : de la douleur musculaire au début de mal des montagnes, il devrait raisonnablement toujours faire partie du truc, en version à croquer. Et enfin, le meilleur pour la fin, le baume du tigre. Douleur et contractures ? Boîte rouge. Nez qui coule ? Piqûre d’insecte ? Mal au crâne ? Boîte blanche. Le truc est baba à souhait, mélange de camphre, de girofle, de menthe et d’eucalyptus.
CULTURE
Si ! Osons. Chapitre bref : bout de crayon et petit carnet. En voyage : la photocopie des « bonnes pages » de votre guide préféré. Et un peu partout, un bouquin : des 9 grammes des
Remèdes à l’amour d’Ovide au dernier Ken Follet, en passant par ce numéro de Wider, les attentes sont parfois longues, de l’après- midi en refuge à l’arrivée du bus pour Chitral ( Pakistan).
COUPER/ COLLER
Et si le couteau était la base historique du fond de sac ? Opinel, Corse, Suisse, Laguiole, canif a deux balles ou armes issues des Forces spéciales : la sémiologie du p’tit couteau dans l’sac pourrait remplir des Wider entiers. De la découpe du saucisson au resserrage de la microvis de votre Go Pro, in- dis- pensa- ble, le couteau ! Deux écoles, celle des purs : une lame sinon rien, merci. Parmi eux, Tintin, les grimpeurs/ alpinismes/ marins et surtout les
mordus du canyoning : tous ont une histoire du couteau qui leur a sauvé la mise à vous raconter. Et celle des inquiets : de la lame scie à la mini- boussole, de la loupe au tournevis, sans oublier le très prisé ouvre- bouteille décapsuleur, l’escalade de l’armement est sans fin sur ce chapitre. Les plus « complets » des Victorinox ont un air de famille avec le Transformer du fiston…
> Les couverts : sous- catégorie du couteau, les sets de mini- couverts peuvent faire partie du fond de sac, eux aussi. Le petit doigt en l’air, il est très chic de tourner le thé au beurre à 4 500 m d’altitude avec des yack men époustouflés.
> Le tape. Ha ! Un bout de ruban en plastique collant, et combien de naufrages définitifs, auraient été évités ! Deux écoles :
Duck tape et Gaffer. Noirs, lourds, quasi indestructibles et imperméables : pas mal ! On peut quasiment toute assembler ou faire tenir de façon satisfaisante avec les gros scotch tramés US et leurs innombrables copies. Exemple : une réparation de fortune sur la coque d’une chaussure de ski de rando ouverte en deux. Ou sur kayak éventré. Ou réaliser attelles ou liaisons. Ou ligoter définitivement votre expote d’aventure au tronc d’arbre… Pas la peine d’embarquer le rouleau. 5 à 10 mètres, c’est déjà beau.
Straps. Plus light, plus près de la pharmacie que de la grosse réparation, les rouleaux de bandes adhésives tissées ont pour elle leur encombrement mini et leur efficacité redou-
LES FONDS DE SACS NE BRILLENT QUE LORSQU’ON NE
LES ATTEND VRAIMENT PAS !
table. De bons amis multitâches contre les frottements ( les doigts des grimpeurs en fissures adorent ça), les débuts d’ampoule ou élaboration de pansements, de petites ligatures et les réparations de fortune ( dont les célèbres accros sur la doudoune à 300 euros). La liste des usages dédiés au strap est longue comme un ultra- trail.
La cyanolite. Trois grammes de colle, pour se sortir même provisoirement de la semelle décollée, de la branche de lunette pétée, de la fissure sur le DVA, ou un bâton télescopique HS… Le rapport poids/ puissance des colles cyanolicrates est aussi stupéfiant que le merdier dans lequel vous met la fuite ou l’explosion du tube dans le sac.
MIAM ? MIAM
Chapitre navrant : de la barre de céréales bio au simple Mars écrasé par des mois de mauvais traitement, la nourriture n’est pas au top du classement, côté fond de sac. Des quatre bonbons piqués à la réception de l’hôtel aux tablettes de dextrose, de fructose et autres vitamines pour mourants aux invariables saveurs orange médecine, à vous de voir…
PROGRESSER
Être ringard ne coûte rien : pour quasiment tout les amoureux du grand dehors, mais spécialement pour les marcheurs-runneurs ( ou skieur de rando), la boussole devrait idéalement faire partie des strates sédimen- tées de tout bon fond de sac. Mais tout comme le sextant sur les voiliers modernes, on est loin du compte, et mis à part les coureurs d’orientation, bien peu y pensent. Pourtant, un truc qui donne une idée du nord dans la nuit ou le brouillard, ça peut vraiment aider, quoi…
LES BOUTS DE CORDE
Sujet variable suivant vos champs de pratique et de compétence. Le domaine couvert va du bout de ficelle au brin de corde de rando de 30 mètres, sans oublier le lacet ou la sangle. La ficelle, c’est bien connu, sert à tout et à rien. Elle excelle encore ( en sisal) pour aider à allumer un feu ou remplacer une boucle claquée. Plus technique ? Les obsessionnels du Tarp ou du hamac ne jurent que par la paracorde ( suspente parachute) : 250 kg de résistance pour du 3 millimètres. Mais surtout une souplesse radicale pour les noeuds… Si vous êtes « hors limite » , vous avez déjà noté que la paracorde peut supporter tout votre poids sur une main courante. Vous êtes à bloc ? Si vous envisagez de trimballer une cordelette pour un éventuel rappel en S ( comme les anciens) dans des vires herbeuses ou un début de couloir trop raide, basculez du côté des cordes de petits diamètres ( 6 à 8 mm) en Dyneema ou Spectra, encore plus résistantes.
ALLUMER LE FEU
Une sorte de mémoire génétique des temps préhistoriques semble nous hanter et se
perpétuer dans bien des fonds de sac : le feu. Là encore, la gamme des moyens et des outils est longue comme un jour de pluie d’automne en Suède.
> Allumettes standards et briquets. Les grands classiques. En quelques grammes seulement, la promesse d’une flamme à la demande… par temps clair. Si vous pratiquez avec des fumeurs, no worry : ça, au moins, ils en ont toujours dans le sac. Bémol : lorsque le vent, la pluie ou l’humidité sont réunies, ça se complique. > Briquet tempête ou allumettes dites de
survie. La certitude d’une flamme par grand vent passe par eux. Les modèles type Zippo ne demandent qu’un peu d’attention à leur réserve d’essence. Les allumettes traitées « survie » sont généralement livrées dans des boîtes étanches. Elles sont censées brûler même sous l’eau...
> Feu high- tech. Deux pistes pour aller au bout de votre course vers les bois : soit a) les systèmes pyrophores manuels. Une tige de ferrocerium produisant de grosses étincelles à la simple friction d’un objet métallique. Ou encore : une pierre à feu ! Jetez un oeil chez Light my Fire. Soit b) un allume- feu perso. Si vous n’avez pas d’écorce de bouleau en vue, un peu de coton mélangé à de la vaseline et un oeuf plastique de Kinder surprise pour emballer le tout peuvent s’oublier au fond d’un sac. Parfois nommé l’oeuf de Manise, le truc est simple comme la lune.