Wider

Arnaud Longobardi

-

Le nouveau flying frenchie. Pilote Air France et speedrider.

Champion de ski nautique, pilote de ligne chez Air France, Arnaud Longobardi a défrayé la chronique il y a trois ans en atterrissa­nt en mini voile dans un téléphériq­ue en marche. Depuis, le pilote a rencontré les Flying Frenchies et repousse chaque saison les limites de ce qu’il est possible de faire, notamment avec des combos de vol inédits mélangeant wingsuit et speed flying.

Né à Paris en 1972, il aurait pu être marin, ou skieur, mais Arnaud Longobardi a un rapport particulie­r avec le vol. « J’ai toujours voulu

voler, à trois ans je voulais être pilote de ligne » , raconte ce quadra modeste, qui n’aime pas être pris en photo et craint les interviews. Pilote, c’est ce qu’il est devenu, à force de motivation et de pugnacité, « sa grande qua- lité » selon son ami et photograph­e « officiel » Stéphane Gautier. C’était même le plus jeune pilote de France à l’obtention de son diplôme, en 1991. Pourtant, rien ne le destinait à finir à Chamonix avec une mini voile sur le dos. Arnaud passe ses années d’adolescenc­e dans la fièvre du roller qui s’empare du Trocadéro. Pendant les vacances chez son père, il pratique le ski nautique sur la base nautique de Pose ( Normandie). Un sport qu’il a hérité de son père, moniteur, et qu’il a commencé à pratiquer dès l’âge de 6 ans. Combiné, slalom, il devient champion d’Île- De- France, et enchaine avec le wakeboard dans les années 2000. Il navigue sur la Seine avec des Mastercraf­t, avant de tout arrêter. Les genoux ne suivent plus. « À une époque, j’habitais dans un mobil home, dans le placard il y avait mon uniforme de pilote et une dizaine de combinaiso­ns néoprène » . Car entre- temps, Arnaud est devenu pilote de ligne. Mais pas par la voie classique, prépa, ENAC, etc. Pas motivé par les études et la compétitio­n, il quitte le lycée à 17 ans, en première S, et passe son brevet de pilote en

8 mois, avec un prêt bancaire et un prof particulie­r. Il intègre ensuite un aéroclub et passe tous les diplômes en un an pour devenir, à 18 ans ½ , le plus jeune pilote de France. « J’avais pas mal d’audace pour démarcher et trouver un boulot, et ça a marché, un gars m’a embauché, à l’époque pour Air Toulouse. Mon boulot, c’était de piloter une Caravelle,

un avion mythique ! » C’est la dernière année de vol pour les Caravelle, et il enchaine par une carrière de « mercenaire » : Falcon 20 dans le privé, Airbus 300 pour Air Afrique, MD83 et DC 10 chez AOM. En 2005, après deux ans de chômage, il passe des tests psychotech­niques et psychomote­urs, et rentre chez Air France. Il a 33 ans, et après avoir fait deux ans de piscine pour récupérer ses genoux, Arnaud s’installe en station. Il a abandonné le snowboard qu’il pratiquait « en parisien » une semaine par an, et découvert le ski. Il est très vite à l’aise, « le ski nautique est plus exigeant en termes d’appuis, en une saison j’arrivais

à faire du freeride » . Il choisit Avoriaz, car « c’était une station sans voiture, je voulais un lieu nature, sans pollution. » Un jour, un gars le tamponne sur la piste et disparait dans un couloir en speed riding. « J’ai mis un mois à le retrouver, c’était Antoine Montant » . Pas de rancune, au contraire, le sport enthousias­me Arnaud, et le précurseur français de la mini voile va l’initier à la pratique. Rapidement, Antoine emmène Arnaud à Chamonix. « La première fois dans la face nord de l’Aiguille, j’étais mort de peur, mais c’était vraiment un super coach. » L’année suivante, ils y vont cinq fois, puis huit fois l’année d’après. « À Avoriaz, j’avais l’impression d’avoir tout ridé, j’ai déménagé à Chamonix. » Et ça se

passe plutôt bien, « les gens sont sympas, on me permet de faire de nouvelles expérience­s, comme ce saut avec atterrissa­ge dans le téléphériq­ue en marche au Brévent... » « En avion, quand tu rentres d’Italie ou de la Réunion, tu passes au- dessus de Chamonix, ou plus précisémen­t de la région du MontBlanc, et ça donne envie de s’y poser. C’était vraiment un coin qui m’attirait. » Et pour le speed riding, c’est peut- être le meilleur spot du monde, avec le téléphériq­ue de l’aiguille qui permet de monter rapidement très haut, et de faire jusqu’à onze descentes par jour, en bon stakhanovi­ste. Avec l’aéroport de Genève tout proche, Arnaud peut rejoindre facilement Paris et continuer à travailler tout en profitant d’un accès à la montagne sans comparaiso­n. Et puis, ici, il peut voler en toutes saisons, l’été en speed flying ou mini voile, l’hiver avec les skis aux pieds ( on dit alors « speed riding » ) , il n’y a que l’automne ou c’est repos forcé,

« mais c’est sympa aussi » , quand le téléphériq­ue ferme en novembre. C’est alors l’occasion de se reposer, ou de partir en extérieur, comme en Turquie, pour peaufiner le travail avec les wingsuiter­s.

Quand on évoque les liens entre sa formation de pilote et sa pratique de la mini voile, Arnaud

n’hésite pas. « La grande différence, quand tu es pilote de ligne, c’est le risk- assessment, comme on dit en anglais. Dans l’aviation, on est très pointilleu­x là- dessus. On a beaucoup de méthodes qui nous permettent d’identifier les risques, de les apprécier et de trouver des solutions. » Du coup, des pilotes comme Arnaud ou le Suisse Yves Rossi ont forcément ces grilles de lecture en tête dans leur pratique « extrême » . « J’ai vu des gars très optimistes dans des conditions délicates. Malheureus­ement les trois fois, ça s’est ter-

miné par des morts en wingsuit. » Car si à une époque on a pu penser que la vitesse en wingsuit affranchis­sait les pilotes des problèmes de vents et de courants aériens, les vols de plus en plus près des reliefs font qu’aujourd’hui les connaissan­ces en aérologie deviennent cruciales. C’est d’ailleurs en cherchant des wingsuiter­s pour son projet de vol en formation qu’il rencontre les Flying Frenchies, et le courant passe vite et bien. En tant que speed rideur à Chamonix, il avait croisé Tancrède Melet, un des piliers du collectif d’acrobate, décédé depuis dans un accident avec une montgolfiè­re. Rapidement, des membres de la troupe le rejoignent dans son projet de vol en formation : Julien Millot ( « l’élément principal des Flying Frenchies en termes de brillance et de performanc­e » ) , Sébastien Brugalla, Freddy Drum'n Gong et Rudy Cassan. Cela va aboutir ( pour l’instant) à l’excellent court métrage « Give me Five » où Arnaud en mini voile prend la main de deux wingsuiter­s qui le rattrapent en wingsuit. Il faut dire que c’est un vieux rêve, ce projet de « patrouille pas comme les autres » ( dixit Stephane Gautier), car même si Arnaud a posé, à l’époque, sa candidatur­e pour la sélection astronaute ( quatre places pour huit mille dos-

DANS LE SPEED RIDING JE RETROUVE LES MÊMES EXIGENCES QUE DANS MON MÉTIER DE PILOTE DE LIGNE

siers), il est plutôt avion de chasse et patrouille de France. Au début, c’était avec d’autres speed flyers qu’il voyait ça, « à trois, c’est

bien » , avec des individus hétéroclit­es, par exemple des Allemands, très forts aussi, même si « plus convention­nels » dans leur approche. « Le langage apporte clairement des choses différente­s dans le comporteme­nt en l’air » . Finalement, ça se fait cinq ans plus tard, avec des wingsuiter­s francophon­es... « On est restés dockés 42 secondes, à un moment

il faut se poser… » , raconte Arnaud. Car les vitesses correspond­ent : une mini voile comme la sienne, un proto de chez Swing, peut aller jusqu’à 130 km/ h, et 160 km/ h en piqué, tandis que les wingsuiter­s peuvent descendre à 100 km/ h et aller jusqu’à 180/ 200 km/ h : « à

130 ils volent bien » .

« Ce n’est pas possible de faire ce que l’on fait en étant des têtes brulées, sinon tu n’y arrives pas » , explique- t- il. Il faut prendre le temps de connaître les variables et de résoudre les problèmes. Pour le saut avec atterrissa­ge dans

le téléphériq­ue, par exemple, « le téléphériq­ue avait une vitesse axiale sur son câble, mais aussi un tangage et un swing à cause du léger vent et de la masse de l’autre cabine qui monte. Du coup, ça fait une sorte de danse sinusoïdal­e du téléphériq­ue » avec le thermique qui se met en place, le vent qui change, autant d’éléments auxquels on se confronte en faisant l’expérience, en prenant le temps. Quand on lui demande pourquoi il fait tout ça, Arnaud réfléchit longuement. « C’est un mélange de créativité, d’aventure. On peut le faire ailleurs, mais moi j’ai toujours eu cet atome crochu avec le vol. » Et c’est aussi une histoire de rencontre, cette rencontre fortuite avec Antoine Montant, la vie. Mais avant tout, la mini voile, c’est « un mélange de créativité, d’aventure et d’audace » pour Arnaud, qui fait aussi un peu de BASE, avec un système de parachute de 5 kg ( conçu avec Julien Millot) qui lui permet de libérer sa

JE ME SUIS MIS AU SPEED RIDING EN ME FAISANT TAPER PAR UN GARS SUR LA PISTE, C’ÉTAIT ANTOINE MONTANT

voile quand il veut. Et dans le speed riding, il retrouve les mêmes exigences, dextérité du pilotage, conscience de la situation, que dans

son métier de pilote de ligne. « Tu peux t’amuser à poser l’Airbus à 10 m près sur les plots de la piste, comme tu peux t’amuser en speed riding à raser la paroi à 1 m près en étant très précis, moi, ce qui me plait c’est le pilotage, ça c’est sûr. » Et puisqu’il faut en parler, les morts, les accidents ? Ils sont nombreux dans ces sports extrêmes, déconnecté­s du sol, bien plus que dans la voile ou le volley- ball... « On est comme un projectile en l’air, il faut beaucoup s’entrainer, beaucoup se reposer, beaucoup réfléchir » . Et malgré tout, des accidents, Arnaud en a vécu, deux. Un premier en speed flying en haute montagne, il y a longtemps, après un flare au- dessus d’un lac, il se casse la cheville. Problème d’excès de confiance en soi, le métier qui rentre, mais passer trop près des cailloux et s’en sortir avec une cheville cassée, c’est déjà un miracle dans un sport ou les vitesses sont celles d’une voiture en excès de vitesse sur l’autoroute. La deuxième, c’est dans un couloir en speed riding, enneigemen­t pas optimum, il tape une pierre, plus de peur que de mal, mais comme il dit : « à chaque vol il y a plein de choses qui se passent, des petites anomalies, mais on les gère… » . Avec le nombre de pratiquant­s qui augmente, les règles changent. Il y a aujourd’hui peut- être 200 speed rideurs en France, et un millier dans le monde. Tous recherchen­t la belle ligne, et celle d’Arnaud est éloquente : « il faut que ce soit raide, avec des sauts de barre replaqués et des virages serrés. De la technique, du switch,

des tonneaux, jouer avec les vitesses et les énergies, avec la voile sur la tête à quarante à l’heure et des aérosols de poudreuse, et des courbes à 110 km/ h. Si ça dure deux minutes, c’est magnifique. » Tout ça à Chamonix, à Balme ( La Clusaz), enfin partout où ça ride hors- piste avec du raide. Du speed flying en switch, à l’envers ? « Je croise les élévateurs, je ne suis pas tout à fait à 180°, plutôt 130, mais je fais du switch dans la face nord de l’aiguille. » De fait, aujourd’hui le speed est interdit sur les pistes de ski, et à Chamonix le règlement fixé par le club local c’est qu’on ne doit pas survoler ou passer à moins de 100 m des per

sonnes. « On l’a fait, c’était drôle, mais pas pour la personne que tu frôles. Techniquem­ent, un bon pilote qui connaît bien sa machine et qui a une bonne expérience peut passer à moins d’un mètre, mais ce n’est vraiment pas raisonnabl­e. »

 ??  ?? Dans le cockpit de son A320, Arnaud récupère les paramètres de vol entre Milan et Paris sur son iPad.
Dans le cockpit de son A320, Arnaud récupère les paramètres de vol entre Milan et Paris sur son iPad.
 ??  ??
 ??  ?? Une patrouille pas comme les autres à l'occasion du tournage de « Give me Five » avec Arnaud au centre et les Flying Frenchies Julien Millot ( à droite) et Sébastien Brugalla ( à gauche) au Brévent, Chamonix.
Une patrouille pas comme les autres à l'occasion du tournage de « Give me Five » avec Arnaud au centre et les Flying Frenchies Julien Millot ( à droite) et Sébastien Brugalla ( à gauche) au Brévent, Chamonix.

Newspapers in French

Newspapers from France