CONNECTÉS À LA TERRE
Vous trouverez dans ce numéro, en vedette, notre désormais traditionnel test des chaussures de trail de l’année. Si les technologies évoluent, c’est encore dans les textiles employés, dans les meshs, les matériaux des semelles, les tiges sans coutures ou les renforts désormais souvent thermocollés, pour offrir une structure unie et un meilleur confort. Finalement, la chaussure, si pointue et technologique qu’elle soit, reste encore un produit avant tout fonctionnel, et échappe encore à l’High Tec et à l’électronique embarquée. C’est à peine si Raidlight introduit une micro- puce NFC, qui sera capable de fournir des informations sur la chaussures et vos performances, dans ses nouveaux modèles. Autrement, pas de technologie d’intelligence artificielle encore embarquée dans l’équipement le plus indispensable aux coureurs. On n’a noté une seule autre chaussure connectée parmi celles qui nous ont été proposées en test, une Under Armor de running, la HOVR ™ Phantom, qui transmet des informations via une appli mobile. C’est presque curieux que le running et le trail n’aient pas encore investi cet espace, tant les runners sont de plus en plus des geeks sur pattes. On pourrait ainsi penser qu’une chaussure connectée pourrait ainsi vous indiquer, selon les forces et les pressions réparties sur la semelle notamment, votre fatigue, votre puissance réelle exercée à l’impact, vos déséquilibres éventuels, vos risques de blessures, ou encore le moment critique pour changer de chaussures lorsqu’elles sont trop usées. Autant de données qui pourraient sans doute avoir un réel intérêt, car elles seraient directement issues de votre foulée. Encore faut il aussi avoir les bons outils d’analyses. Nous avons entendu dire que certaines semelles - encore des prototypes réservés aux scientifiques et chercheurs - existent déjà. On peut penser qu’elles apparaîtront bientôt dans les modèles grand public. Mais ne nous y trompons pas : si le runner moderne ne peut souvent pas envisager d’aller effectuer un simple footing sans sa montre GPS chargée et sa connexion Strava activée, c’est sans doute davantage pour appartenir une communauté ou pour se motiver que pour obtenir une meilleure progression. Ainsi, oublier de sans cesse mesurer ses efforts pour mieux se centrer sur son environnement et ses propres sensations est souvent le ressort qui manque aux runners et traileurs « modernes » . Ainsi, l’entraîneur italien Renato Canova n’explique- t- il pas la différence entre les coureurs européens actuels et les africains, qui vont plus vite, par le frein psychologique né de toutes ces mesures constantes de vitesses et de pulsations, qui vous freinent en vous désignant une limite inscrite dans les paramètres de vos instruments de mesure d’entraînement, alors que les africains se fient eux davantage à leurs sensations, et ne se fixent ainsi aucune limite ? Et puis même sans parler de performances, cette mesure de chaque instant ne nuit- elle pas parfois au simple bonheur de courir, de se mouvoir librement et sans contraintes de chronomètres ou de performances, notamment pour le trail, en pleine nature ? Pourquoi ne pas oublier, l’espace de sorties qui n’ont pas pour objet un entraînement ciblé et spécifique de vitesse, toutes ces mesures pour se concentrer sur le plaisir ? Pourquoi ne pas se centrer sur une autre connexion, celle de nos pieds avec le sol, de notre respiration avec le rythme de nos jambes, de notre corps avec son environnement ? C’est pour cela que nous sommes heureux, finalement, d’avoir encore à tester de “simples” chaussures de trail, outils primordiaux pour être au mieux connectés - tout bêtement - au sol et à la terre. Avec pour instruments de mesures, principalement et même si c’est très empirique, nos sensations. Celles qu’ils ne faut jamais oublier, même avec toute la technologie du monde !