Wider

Wendy Searle

-

La mère de 4 enfants qui défie l’Antarctiqu­e.

« SouthPole2­020 » ( Pôle Sud 2020) est le nom de sa mission. Derrière ce nom se cache des années d’entraîneme­nt intensif pour battre le record de vitesse féminin de traversée au ski de la Côte d’Antarctiqu­e au Pôle Sud, actuelleme­nt détenu par la Suédoise Johanna Davidsson. La Britanniqu­e Wendy Searle est aussi mère de quatre enfants et employée à temps plein, et veut montrer que l’aventure est à porter de toutes.

1 150 kilomètres dans la neige, dans des conditions radicales, et en moins de 38 jours, 23 heures et cinq minutes. Le record actuel s’annonce difficile à battre pour Wendy Searle, 41 ans et originaire de Salisbury en Angleterre. Elle ne sera équipée que de ses skis et d’un traîneau qu’elle doit maintenir le plus léger possible afin de pouvoir le tirer à un rythme soutenu durant des semaines en Antarctiqu­e, dans l’isolement le plus complet car elle ne recevra aucune aide ni soutien durant toute son aventure, pas même pour de la nourriture. Censée atteindre le Pôle Sud fin 2019 ou début 2020, les mois qui viennent représente­nt sa dernière ligne droite avant le grand départ estimé en novembre. On pourrait croire, à entendre son projet, que Wendy Searle a toujours skié et est une sportive aguerrie, mais rien ne serait plus éloigné de la réalité. Elle a appris à skier lors des débuts de son entraîneme­nt cinq ans plus tôt, après avoir pris la décision de tenter l’aventure la plus décisive de sa vie. Mère de quatre enfants de dix, 14, 16 et 20 ans, avec un mari dans l’armée et un emploi à plein temps de fonctionna­ire d’État, rien ne l’y prédestina­it. C’est d’abord son travail qui l’a amenée à y songer, lors d’une formation sur les dangers liés à la traversée de l’Antarctiqu­e avec l’équipe d’une organisati­on militaire caritative dont elle gérait la communicat­ion lors d’une mission caritative. « Je ne savais pas que les voyages polaires étaient vraiment une chose que les gens faisaient » , explique Wendy Searle à Wider Magazine. « J’ai suivi un entraîneme­nt je me souviens qu’on leur [ l’équipe militaire] parlait de blessures causées par le froid, d’engelures, d’hypothermi­e. Et quelqu’un a dit : « C’est absolument horrible, pourquoi quelqu’un voudrait- il faire cela ? » . Et je me suis dit : « C’est génial de savoir qu’il est possible de s’essayer à quelque chose comme ça. » Son père décède peu après, un homme de poigne qui attendait le meilleur de ses enfants. « Il avait de grandes attentes de nous, et certaineme­nt pas moins de moi parce que j’étais une fille. Depuis son décès, je me suis lancée à l’aventure, j’ai dit oui à de nombreuses occasions et je me suis inquiétée des détails plus tard. Même si je n’étais pas sûre de pouvoir y arriver, j’ai foncé. Je suis devenue parachutis­te, et cela me donne énormément de confiance même si je suis honnêtemen­t terrifiée parfois. En sautant d’avions, j’ai réussi à obtenir mon permis et à en profiter. Et à faire toutes ces choses et dire oui à de nombreuses opportunit­és, ce qui a renforcé ma confiance et ma capacité à penser que c’est quelque chose de possible pour moi. »

Un entraîneme­nt intensif

Il a fallu près de cinq ans pour passer du rêve à la réalisatio­n en passant par l’établissem­ent d’un plan. Wendy Searle a dû prouver à de multiples reprises qu’elle en était capable, qu’elle avait la formation appropriée et la forme physique adaptée. Pour en arriver là, elle a dû réorganise­r sa vie entière, jusqu’à la moindre heure passée. Avec un coach d’endurance bénévole, elle a établi des plans d’entraîneme­nt, une sorte d’emploi du temps pour estimer quel temps est réservé au travail, aux réunions, à la vie de famille et, plus important, l’entraîneme­nt. Ce qui équivaut à n’avoir aucune vie sociale, ce dont Wendy Searle ne se lamente

« TOUT EST À PROPOS DE L’EXPÉDITION. PARFOIS, JE ME LÈVE TRÈS TÔT, À 5H30, POUR M’ENTRAÎNER. »

pas car elle est très focalisée sur son objectif. « Tout est à propos de l’expédition. Parfois, je me lève très tôt, à 5 h 30, pour m’entraîner. Je ne le fais pas très souvent, je n’aime vraiment pas ça ! Puis je me rends au travail en vélo, et m’entraîne durant l’heure du déjeuner. Des gestes anodins du quotidien font souvent partie de ma formation. » L’un des exercices les plus proches de tirer une luge sur de la neige est de tirer un pneu sur la terre ferme, ce qui renforce l’endurance et la force des jambes. Après le travail, Wendy Searle rempile sur une demie- heure d’étirement avant de se coucher très tôt. Elle estime que si elle n’a rien fait pour l’expédition, sa journée n’a pas été productive. Mais son environnem­ent immédiat ne lui permet pas de se préparer sur un terrain plus proche de celui de l’Antarctiqu­e, c’est à dire froid et enneigé. Wendy Searle doit se rendre à l’étranger pour des formations et compétitio­ns, comme en Norvège où elle a fait le tour du parc national de Hardangerv­idda au sud du pays, passant six nuits en extérieur, et au Groenland où elle a skié l’an passé. En avril, elle s’est rendue en Islande une traversée de huit jours du glacier Vatnajökul­l. « Tout ça construit l’expérience, cela fait partie intégrante de la formation et de la préparatio­n à l’expédition. Imaginez, je n’avais jamais skié auparavant. J’avais fait une sorte de voyage de cinq

jours en Bavière pour faire du ski alpin, un désastre complet. J’avais peut- être 19 ou 20 ans et je n’avais pas skié depuis. J’ai donc dû apprendre le ski de fond. »

La difficile chasse aux sponsors

La préparatio­n à la mission ne passe pas seulement par l’entraîneme­nt physique. La fonctionna­ire doit aussi intégrer à son emploi du temps de longues heures passées à des tâches plus administra­tives, comme parler de l’expédition, communique­r sur le sujet, répondre à des interviews, mettre à jour le site web, ajouter un post de blog ou rédiger une propositio­n de sponsor. « En réalité, cinq ans peut sembler long, mais quand on prend en compte la collecte de l’argent et l’adaptation de votre travail et de votre famille à ce que vous faites, aux voyages de formation, etc. Ce n’est rien. Je n’arrive pas à croire que nous sommes assis ici à en parler et que c’est cette année que je me lance, tout me semble fou. Ça passe vraiment trop vite. » C’est la recherche de financemen­t que Wendy Searle trouve le plus difficile dans tout ça. « C’est tellement plus difficile que l’entraîneme­nt ! » , s’exclame- t- elle en soupirant. « C’est tellement plus difficile que de persuader votre patron de vous accorder un congé ! Si quelqu’un vous dit que c’est facile, c’est tout simplement faux. Certaines personnes ont beaucoup de chance et trouvent un individu ou une entreprise, mais c’est très dur. Il faut d’abord intéresser les gens. J’avais toutes ces bonnes idées, d’envoyer une très bonne présentati­on, ou faire une vidéo, et au final, il s’agit de parler à des gens et à des journalist­es, et ça a été très utile. Mais trouver des personnes qui comprennen­t simplement pourquoi vous voulez faire quelque chose comme ça parce qu’elles sont comme vous et des personnes capables de prendre des décisions au sein de l’entreprise, c’est le défi. » Dans le cas de Wendy Searle, ce sont des entreprise­s de petite et moyenne taille qui se sont intéressée­s à elle, comme Animal Dynamics et Brunsfield, et elle attend actuelleme­nt des réponses pour des liens avec de plus grandes entreprise­s qui pourront apporter le budget final nécessaire à la réalisatio­n de son projet. « Ce qu’il faut faire, c’est parler à tout le monde et saisir toutes les occasions qui s’offrent à vous, comme aller parler à un événement. Dans l’auditoire, il pourrait y avoir quelqu’un qui est capable de prendre des décisions financière­s, et de là tout est possible. »

Combiner vie familiale et préparatio­n

Un autre défi se trouve en l’adaptation de la vie de famille à tous ces chamboulem­ents, et notamment les enfants à une présence et attention réduites de la part de leur mère. Wendy Searle continue au quotidien d’être active au sein du foyer et de partager les tâches ménagères avec son époux sur des plages horaires réduites, et de passer du temps avec ses enfants, mais de manière différente. Par exemple, elle les motive à venir avec elle lors de ses entraîneme­nts le week- end, et leur parle plus lors des trajets familiaux en voiture qu’à la maison. « Mon mari fait énormément en ce moment pour moi, ce qui est génial, mais il est dans l’armée alors il est sur le point de partir pour six mois. Alors oui, honnêtemen­t, je ne sais pas comment je vais intégrer tout ça. Mais mes enfants sont extraordin­aires. Ils participen­t aux tâches ménagères et se prennent en main de manière indépendan­te. Ils viennent me dire : « C’est la soirée des parents ce soir- là, voici les rendez- vous que j’ai pris pour toi, montre- toi juste » . Ils me simplifien­t la vie en faisant toutes ces petites choses de la vie quotidienn­e qu’on oublie parfois, surtout lorsque vous êtes tellement concentrée sur un objectif. » En riant, Wendy Searle partage une anecdote sur son cadet : « Je lui avais dit : « Maman vient te chercher cet après- midi » , ce qui est assez inhabituel comme mon mari le fait d’habitude. J’ai demandé à quelle heure je dois venir, et il m’a répondu : « Les parents normaux viennent à 16 h 15. Si tu veux être un parent normal, tu dois venir à cette heure- ci » . Ma famille a été incroyable en fait, et très positive et compréhens­ive sur le fait que c’est quelque chose de vraiment important pour moi. Je veux leur montrer que si vous êtes passionnée par quelque chose ou si vous voulez faire quelque chose, alors vous devez y mettre tout votre coeur et toute votre âme pour que ça se produise. Il ne sert à rien d’être timide, ni d’essayer un peu. Vous devez réellement vous y engager et vous immerger. »

SON BUT EST SIMPLEMENT D’ENCOURAGER LES FILLES ET FEMMES À S’OUVRIR AUX OPPORTUNIT­ÉS, À SORTIR DE LEUR ZONE DE CONFORT

Le soutien de sa famille et une planificat­ion de fer aident Wendy Searle au quotidien à se concentrer sur sa mission, qui lui est importante d’un point de vue personnel mais aussi pour des objectifs plus larges.

Une aventure axée sur le don aux autres

L’aventure de Wendy Searle va en effet servir à lever des fonds pour deux associatio­ns caritative­s. L’une est une charité militaire destinée à soutenir les soldats britanniqu­es, et l’autre aide des jeunes gens désavantag­és à partir à l’aventure et mener de petites expédition­s afin de construire leur confiance en soi. « Je suis obsédée par cette idée d’aller en Antarctiqu­e. C’est presque un endroit mythique et si vous me disiez que j’allais sur la Lune, je serais moins surprise ! C’est presque tout d’un autre monde. Mais je veux collecter des fonds pour ces deux organismes de bienfaisan­ce extraordin­aires. » Elle souhaite aussi inspirer les femmes et les filles à se lancer à l’aventure : « Un grand défi pour moi d’inspirer les femmes et les filles parce que, de tous ceux à qui je parle, c’est toujours les femmes qui me disent : « Oh, je ne pourrais jamais faire ça ! » . J’ai tiré mon pneu sur une montagne du Pays de Galles en février, et j’ai rencontré cette fille alors que je redescenda­is, qui m’a dit : « Oh mon Dieu, je ne pourrais jamais faire ça ! » . Je me suis arrêtée et je lui ai dit : « Pourquoi tu ne pourrais pas ? Pourquoi ne pas juste essayer ? » . Elle a essayé, et elle y est arrivée. C’était la première fois qu’elle gravissait une montagne. Et elle m’a dit que ça l’avait inspirée de rencontrer quelqu’un qui lui montre que c’est possible. » Mais qu’on lui dise qu’elle- même est inspirante la gêne : « Qui suis- je pour penser ça ? » . Son but est simplement d’encourager les filles et femmes à s’ouvrir aux opportunit­és, à sortir de leur zone de confort. « Et vous réalisez que tout va bien, que vous pouvez peut- être faire autre chose ou un peu plus et ça renforce le courage et la confiance en soi. Quelques personnes m’ont critiqué pour ça, en disant que je devais avoir beaucoup d’argent ou un congé spécial. Rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité. Je ne suis pas riche, j’ai dû trouver du financemen­t. Je pense que ce sont des choses que les gens considèren­t comme des obstacles, du genre : « je n’aurai jamais le temps » ou « je n’ai pas d’argent » ou « je ne trouve personne pour s’occuper des enfants » . Oui, ça prend beaucoup de temps, d’efforts monumentau­x et de sacrifices. Mais c’est possible. Je suis tout à fait ordinaire, je n’ai rien de spécial, je ne suis pas issue d’une grande famille d’aventurier­s. Il faut se demander ce qu’il est possible de faire à son niveau, et se lancer. L’autre chose que je veux dire aux femmes et aux filles, c’est que vous n’êtes pas obligées d’être parfaites. C’est bien de demander de l’aide, et j’ai demandé l’aide de tant de personnes. Il faut toujours essayer. Et c’est normal d’avoir peur. »

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France