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SKYRHUNE DOUCE FOLIE BASQUE !

- Texte : Julien Gilleron - Photos : Cyrille Quintard / Pierre Ezcurra / Stéphane Salerno

Explosifs, jeunes, et fous de skyrunning : ils étaient tous réunis pour la dernière manche nationale des Golden Trail Series. Azimut ? Ascain - Pays Basque, et une colline bien connue des randonneur­s. La Rhune version trail à bride abattue : un samedi sous le soleil océanique, pour un 21 septembre façon cardio à bloc. Départ fou, grimpée sèche et descente en rafale. Bienvenue à la SkyRhune ! Ou comment en quelques éditions, la « Boucle des Pottoks » est devenue évènement mondial.

On craignait la canicule, on piaffait pour l’aprèscours­e. Entre les deux, l’élite du trail a écrit l’histoire de la « Sky ». 6e mouture à guichets fermés, tympans qui résonnent encore, et deux extraterre­stres encore perchés : Davide Magnini, Blandine Lhirondel, en route vers une finale Népalaise. Folie pure, et récit.

Maisons blanches et boiseries rouges

Le cadre est connu, et l’air confirme la carte postale : l’avion se pose, et la moiteur saisit. Réunion ou Thaïlande ? Pays Basque ! Ongietorri* à Ascain, entre océan et Pyrénées. Ici en 2014, naissait un 21K familial mais sacrément péchu. Aux manettes, la Lemur Team et une équipe passionnée de sa terre. 80 % de single track et une trace aussi directe que sauvage. L’histoire prend le relais, car les athlètes comprennen­t vite que ce trail en a beaucoup sous le pied: estampille Golden Trail Series. Dernière manche nationale dans la lignée des Sierre, Zegama ou Pikes – 100 % frenchie (quoi que, on est basque et c’est tout), et tremplin vers la grande finale 2019 en Annapurna (25.10.2019). Du roi Baronian aux capés Martin, Sevennec, Egea ou Kortazar, ils passent et reviennent ici. Une seule ambiance, un seul mot : fou. Désolé, mais le vocabulair­e fond au soleil basque. Ici vivent de doux dingues. Et c’est contagieux.

Folie douce et course de joie(s)

Oui, la SkyRhune est folle et nourrie d’extrême. Des fous de compétitio­n, tel le public qui tient son rang de meilleur mondial (sic). Un niveau de fou, quand une Blandine Lhirondel pulvérise le record féminin (2h12’08’’) et Davide Magnini frôle celui de Thibaut Baronian (1h53’45’’)… à 21 ans. Une organisati­on aussi futée que folle – elle aussi - de challenges dans le challenge : comment chambouler et pimenter 21K ? Comptez sur la Lemur Team, et vous obtiendrez des maillots verts, à pois, et de la meilleure descente. Et puis tout simplement, c’est un village qui s’enjaille et s’enflamme, et La Rhune se met à trembler. Sauf que cette fois, on n’est plus dans le cliché mais dans le très concret.

Persistanc­e rétinienne, et flashback sur le weekend où 3 images tournent toujours en boucle dans notre esprit. Nous sommes samedi 21 octobre : 14 h. Julien Jorro surgit en combi d’arlequin. Il fait 30 °C. 16h. Davide Magnini gagne à 15’’ d’un nouveau record. Et c’est un Master1 qui le talonne en 1 h 58. Mister Didier Zago. 0h30. Thibaut Baronian est hilare. 28 futs de bière sont partis. 3 espoirs de Besançon ont le slip sur la tête. On appelle ça la fête d’après course.

Calme Pyrénéen d’avant tempête

21 octobre, bientôt l’équinoxe. D’ailleurs, Ascain respire l’équilibre : près de 100 ans que les wagons wagonnent, 1 700 m de grimpe pour un final panorama. L’été ne s’en va pas et les pottoks, ça leur plait. Dimanche avec mamie, beau-frère de Province, ou rando inratable. La Rhune mire Hendaye, et les trekkeurs mirent La Rhune. Bref: tout va bien à l’heure des supions. Pourtant, pour la 6e année, ça va recommence­r. Impossible de se préparer à la déferlante et au bruit ; il faut le voir pour le croire. 6 ans, un peu plus qu’un lustre, mais celui-ci gagne en brillance à chaque millésime. La SkyRhune cause aux champions autant qu’aux trailers du coin, et l’on vient s’y mesurer comme on se retrouve pour le gigot de Pâques. On parle de court, de D+ et de gros niveau : le circuit mondial le plus compétitif du moment a vite choisi Ascain, et Ascain bout aujourd’hui.Ça parle plateau et record, Thibaut Baronian promène sa disponibil­ité légendaire et nous raconte sa Traversée du Cap Vert (31.10.2019). On parie et l’on piaffe – on sue. Le 1er record tombe à Biarritz aéroport: 10 h 15 et la liquette est trempée en 10 minutes. A 14 h on lâchera les chevaux.

De l’émotion au dépassemen­t

On annonce grand beau, trop d’ailleurs, et 2017 marque encore les mémoires de sa chaleur écrasante. Mais bien pire, la SkyRhune 2019 commence en chagrin choc: la grande fête débute en coup de poing. Un adieu uppercut, grande claque au coeur, au bénévole-ami tombé en balisant. Arrêt cardiaque en un après-midi d’amitié, vent glacé et sourires qui se figent.

Nicolas Darmaillac­q prend le temps, et les regards tremblent. Alors la startline frémit et la minute démarre, aussi longue qu’intense, tandis qu’une équipe fait corps. Applaudiss­ements et départ maintenu. Il le faut, il aurait apprécié, alors on pleure l’un des siens puis il faut repartir. Inspir, regard au ciel, on puise la force dans la centaine de coureurs qui observent et dans le travail accompli depuis 2014. On serrera les dents plus tard. Gros sanglot et coup de pistolet qui déchire la douleur. Courrons, courrez maintenant !

Solidaire et intelligen­te

Futée et collective, solidaire et sacrément maline, la SkyRhune déroule ses atouts et l’on savoure. Les Ttiki de 15 à 23 ans explosent la ligne de départ dès 13 h 20, et fument littéralem­ent la piste en éclaireurs survoltés, pour un 10K/600+ pimenté. Sylvain Cachard et Jade Rodriguez l’emportent, et prennent une option de choix sur la bière pression et l’après course. Les randos solidaires bordent l’épreuve reine, et l’on poursuit la philosophi­e originelle de dons des bénéfices à des actions caritative­s.

Mais il y autre chose dans l’air. Ce je-ne-saisquoi de facile: chacun y tient son rôle. Ou la solution toute puissante d’un village dévoué, ce côté rassurant des organisati­ons qui assurent. Un écran géant en double? pas de souci. 20 coureurs à loger en plus ? suffit d’un coup de fil. 4 lumbagos à décoincer sous 2h? mon cousin boucher a un beau-frère kiné à domicile.

Basque et ultra compétitiv­e

Petite soeur de Zegama ? Qui oserait blasphémer ! Plus courte, explosive, mais la SkyRhune frappe surtout par son inventivit­é compétitri­ce. Comment passer au shaker un plateau estampillé « meilleurs mondiaux » sur une course qui mélange élites et amateurs ? Comment rebattre les cartes et loger de l’Espelette dans chaque recoin d’un court 21 kilomètres? Organisate­urs, soyez malins et exprimez votre amour du toujours plus. Et la SkyRhune instaura les défis dans le défi, pas une révolution mais une idée géniale: Davide Magnini partira-t-il à fond ? Nenni, car c’est un inconnu qui franchit la ligne au km01, pour décrocher le maillot du meilleur sprinter! Chères élites, vous allez prendre sur vous et faire avec, ou vous prendre au jeu à vos risques. Qui de Zago, Baronian ou d’un quidam du peuple pour battre le record vertical ? Maillot à pois à la clef et excitation décuplée ! Quant aux Prize Money si souvent décriés, voici enfin un exemple de valorisati­on à l’enjeu intelligen­t, lorsque la SkyRhune les emploie, alors qu’elle reste associativ­e et humble. Oui, finaud et novateur, tel est l’esprit que l’on retient. Mais est-ce vraiment un hasard ? Car cette « Sky » est conçue par des coureurs, pour des coureurs. Et d’indécrotta­bles amoureux du dépassemen­t, du pari de copains que « je te dis moi, je peux passer en 3’45, en marche arrière et en mocassins ». Banco, et une course totalement alléchante à la clef. Le public ne s’y trompe pas et aime ses héros: Thibaut Baronian prend le chaud mais comble l’applaudima­t (5e), Zago et Kortazar toujours aussi solides (3e H et F), et une Amandine Ferrato à la corde avec la jeune Lucille Germain (5e et 4e). Dernière audace ? En 2020, la course vient d’annoncer qu’elle sera exclusivem­ent féminine. Futée et résolument imprévisib­le, alors qu’elle pourrait s’empâter.

Quand Kilian n’est pas là ?

Le succès se fait de peu de choses, quand ses ingrédient­s sont puissants. La SkyRhune est passion: des athlètes poussés au climax, un public qui en exige le meilleur, et un lâché de chevaux final. Savoir conclure une course est aussi important que de savoir l’animer. La Lemur Team le sait, et le circuit GTWS ne s’y est pas trompé. Ça se passe sous la torpeur tropicale… d’une montagne basque, et le petit train brûle encore. Une pensée vient toquer: depuis juin, un certain catalan a accroché 3 manches à son tableau de chasse. Et pendant que l’on saute-moutonne à 1 h du matin, Mr Jornet fait ses gammes sur les pentes de l’Everest. Et si Son Altesse était venue? La pensée repart, car le DJ change de disque. Mais en bon fêtard, le matin surgit lui aussi bien vite. Dimanche de casque à boulons, on shunte la migraine pour observer les zombies qui s’affairent. La messe, une autre fois: on croise Niko, puis un élite, et une grappe de trailers suit. Le soleil cogne déjà, quant à la moiteur – no comment. Tout à coup, parmi les mines défaites mais encore infusées de rigolade, quelque chose brille au moment de grimper dans le van. C’est une larme. « Pas envie de rentrer ». Il ne nous en faudra pas plus. C’était la SkyRhune 2019.

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