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LA BONNE TRAJECTOIR­E DE LA TRANSAT JACQUES VABRE}

AURÉLIEN DUCROZ, DE LA MONTAGNE À LA MER SUR LE BATEAU CROSSCALL-CHAMONIX-MONT-BLANC

- Texte : Sylvain Bazin - Photos : Crosscall & Eric Gachet

Aurélien Ducroz, le spécialist­e de ski freeride, vient de boucler sa troisième Transat Jacques Vabre. Avec son coéquipier Louis Duc, ils ont terminé 5e dans la catégorie Class 40, malgré de nombreuses avaries et un parcours difficile. Aurélien revient pour nous sur cette expérience, où ils ont su trouver la bonne trajectoir­e pour rallier Le Havre à Salvador de Bahia, au terme de 18 jours de mer.

Aurélien Ducroz conjugue sa passion de jeunesse pour le ski, qui l’a amené au meilleur niveau mondial en freeride, avec plusieurs titres mondiaux et des victoires de prestige, avec son attrait pour l’océan. Depuis douze ans maintenant, il se consacre également à la voile. Il participai­t ainsi, le mois dernier, à sa 3e transat Jacques Vabre, en compagnie de l’expériment­é Louis Duc.

Un duo sur les flots.

« Nous avions eu peu de temps pour nous préparer à cette aventure, qui s’est montée très vite. Mais au final, ce fut une super expérience. Nous sommes très heureux d’avoir pu nous mêler à la lutte avec les meilleurs, des spécialist­es qui se consacrent à 100 % toute l’année à la voile. » explique le chamoniard. Au-delà du résultat, c’est bel et bien la manière et l’esprit d’équipe qui a soudé les deux hommes qu’Aurélien retient. « Nous avons connu une transat très difficile, avec une certaine malchance sur le matériel et pas mal d’avaries. Cinq voiles fendues, ça fait beaucoup. A un

NOUS AVONS TENU LE CAP JUSQU’AU BOUT

moment, nous nous sommes transformé­s en couturiers plutôt qu’en navigateur­s tant nous avions à réparer les voiles. Mais contrairem­ent à d’autres équipages qui ont pu jeter l’ancre pour moins que ça, nous avons tenu le cap jusqu’au bout. Surtout, et c’est vraiment remarquabl­e dans une telle situation, où vous vous retrouvez à deux, isolés au large, nous sommes toujours restés sur la même longueur d’onde, jamais un mot plus haut que l’autre. » Les deux hommes ont dû limiter au minimum leurs temps de repos sur les six derniers jours de mer, pour se relayer à la barre tout en réparant les voiles. « Nous avons pu ainsi nous maintenir jusqu’au bout dans le top 5 », souligne Aurélien. « A l’arrivée, c’est une immense satisfacti­on, même si la récupérati­on est difficile. Difficile de dire combien de temps j’ai dormi pendant ces 18 jours de mer, mais c’est peu ! ». En principe, les deux membres du binôme fonctionne­nt un peu comme deux navigateur­s solitaires qui se relaient, l’un se reposant lorsque l’autre est sur le pont, rôles bien fixés, mais les conditions de course ont dû rendre

encore plus cruciale l’entente : « Nous étions solidaires. Lorsqu’il fallait réveiller l’autre pour réparer ou effectuer une manoeuvre, il n’y a jamais eu de souci. Notre complément­arité était totale : Louis est plus expériment­é, un vrai marin, c’était sa 15e transat, et m’apporte beaucoup. Je possède une expérience en régate qu’il n’a pas, et ça nous a aussi aidé pour rester à la bagarre, concentrés jusqu’au bout. » conclut Aurélien, très fier et heureux de la gestion de cette transat « Ma course au large la plus aboutie jusqu’à présent » conclut-il. « En prime, avec tous les ennuis qu’on a eu, nous serons au top pour notre prochaine transat sur ce qu’il faut mettre dans la trousse de réparation », s’amuse le skieur-skipper.

Lire la mer comme la neige

Bien entendu, lorsque l’on connaît le talent et la maîtrise du chamoniard dans la pente, la montagne et la neige, on peut se demander ce qu’il est venu faire dans la galère de la voile. Mais pour Aurélien, la montagne et la mer se complètent et répondent à des sensations et des envies communes. « Ce sont des milieux où la nature est reine. Mon expérience de skieur est très transposab­le en mer. Comme pour une voie en montagne ou une descente en freeride, il faut trouver la bonne trajectoir­e. Etre capable de lire le terrain, sur la neige ou sur la carte marine, selon la météo ou les conditions, j’y vois un parallèle assez évident. Bien sûr, la technique de la voile est totalement différente et m’a demandé un apprentiss­age, mais la lecture du terrain en montagne et de la météo en mer sont très semblables ; dans

les deux cas, il faut anticiper, trouver le chemin le plus sûr et la meilleure sécurité. » En terme de préparatio­n et de qualités physiques, Aurélien souligne aussi la complément­arité de ses deux pratiques : « Certes, la voile ne demande pas d’être aussi affûté et explosif, mais le temps des marins sans entraîneme­nt physique est révolu. Il faut avoir de l’endurance, une forme physique globale, pour encaisser la fatigue. Ma forme et mon explosivit­é de skieur me servent notamment lorsqu’il faut être réactif à bord, pour effectuer une manoeuvre en urgence alors qu’une minute avant, je dormais profondéme­nt. »

Moments de douceur

Au-delà de cette complément­arité des pratiques, Aurélien voit dans la mer, comme dans la montagne, l’occasion d’aventures intenses et de moments de plénitude. « Malgré toutes les avaries subies et l’intensité de la course, nous avons quand même pu profiter d’instants de calme absolu, où tu profites à fond du moment, de ces paysages incroyable­s de pleine mer. Je me souviens de couchers de soleil fantastiqu­es, de rencontres avec les oiseaux de mer, autant d’instants magiques dont tu sais que tu es le seul, à cet instant et à cet endroit, à pouvoir en profiter. Rien que pour ces moments, ce type d’aventures est irremplaça­ble. » Une soif de grands espaces et d’aventures au large qu’Aurélien compte bien encore assouvir. Il lorgne maintenant vers la Route du Rhum : « C’est un projet encore plus grand et qui va nécessiter encore plus de préparatio­n, notamment dans la recherche de sponsors car la voile demande des budgets conséquent­s...» nous livre-t-il, l’oeil toujours rivé sur l’horizon, qu’il soit barré de montagnes majestueus­es ou ouvert sur l’immensité des vagues.

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 ??  ?? À droite : Louis Duc, le co-équipier parfait pour Aurélien Ducroz.
À droite : Louis Duc, le co-équipier parfait pour Aurélien Ducroz.
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À gauche : malgré les avaries, l’équipage a pu rallier Salvador de Bahia en 5e position.

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