CANYONING JE ME JETTE À L’EAU !
Avec 1 800 canyons équipés*, la France est un terrain privilégié pour le canyonisme, ou canyoning, pratique outdoor encore peu démocratisée. Inventé par les adeptes de la spéléologie, ce sport consiste à descendre des cours d’eau, souvent des gorges et torrents, par divers moyens : sauts, rappels, toboggans, nage, et marche. Une activité ludique et à sensations, mais également à risques ! Elle requiert de nombreuses compétences techniques, pour lesquelles il est nécessaire de se former. Initiation à l’autonomie avec deux instructeurs de la FFME.
Au sud du massif du Jura, le canyon du Rhéby est « idéal pour débuter », nous conseille Jacqueline Mélis, 30 ans d’expérience au compteur et instructrice à la FFME : « sa cotation est de 3 sur 7 pour la verticalité et le caractère aquatique, et il est peu engagé. C’est le niveau maximum que je recommande pour des débutants. (cf. encadré : comprendre les topos) Le Rhéby est également très ludique et représentatif de la pratique car il comprend des rappels, des toboggans, des sauts, des passages aquatiques… les bases à maîtriser pour pratiquer de façon autonome. »
Quand pratiquer ?
En ce deuxième jour d’été ensoleillé, les conditions semblent parfaites pour s’y aventurer : « le débit d’eau est un peu plus important que d’habitude », note Jacqueline Mélis. Comment savoir s’il est praticable ? « C’est parfois compliqué à estimer, poursuit-t-elle. Le cours d’eau est un milieu naturel dont il faut comprendre le fonctionnement, en tenant compte du type de roche, des dernières précipitations, de la végétation, du bassin versant*, des affluents* et des ouvrages hydrauliques. Certains canyons sont tellement secs qu’ils ne sont praticables qu’en période de pluie par exemple. » Une compréhension du terrain dont la maîtrise s’acquière avec l’expérience: « Lorsqu’on débute, mieux vaut être accompagné de personnes qui connaissent le canyon pour savoir si les conditions sont bonnes. S’inscrire dans un club est un bon moyen de partir avec des personnes expérimentées. » Faire appel à un guide est également une bonne idée pour découvrir un canyon, avant de s’y aventurer seul.
Maîtriser la descente en rappel
Au bord de l’eau, nous ajustons notre équipement. Nous enfilons intégralement les combinaisons en néoprène, serrons les sangles des baudriers et des casques (cf. : encadré Le Matos), avant de réviser les techniques de sécurité essentielles : « Il faut toujours se vacher* avant un rappel, explique Sylvain Melin, également instructeur. Ce qui permet d’être assuré le temps de passer la corde dans le descendeur*. Il faut ensuite se mettre en tension sur la corde du rappel avant d’enlever sa longe, pour descendre. » Des gestes à apprendre en priorité : « Le plus important, pour un débutant, est de maîtriser la descente en rappel, estime Jacqueline Mélis. Il faut être à l’aise sur corde, savoir où mettre ses pieds, comment se placer… c’est indispensable avant d’envisager d’être autonome. » Inutile de préciser qu’il faut également être à l’aise dans l’eau… et sur les rochers ! Nous voilà prêts à nous engager dans le canyon du Rhéby, pour 1h30 de descente environ, accompagnés de nos deux instructeurs, aux baudriers bien plus équipés et aux sacs beaucoup plus remplis que les nôtres : « le canyon est un sport d’équipe », précise Sylvain Melin, chacun a son matériel personnel mais il faut aussi emporter un équipement pour le groupe, dont deux cordes : une principale et une de secours. L’une d’elle sert à Sylvain Melin pour équiper le premier rappel : une descente le long d’une
cascade, atterrissant dans une vasque… de quoi faire pénétrer l’eau fraîche dans nos combinaisons ! Sylvain Melin installe un système dit « débrayable », qui permet de rallonger la corde si elle n’arrive pas assez bas, mais également de descendre une personne bloquée dans le rappel : « il existe trois méthodes débrayables, explique Jacqueline Mélis. Ces techniques sont inspirées de la spéléologie et doivent être apprises pour évoluer en sécurité. » En descendant la première, Jacqueline Mélis contre-assure du bas les prochains à se lancer. Sylvain Melin descend en dernier et tous l’aident à récupérer et enkiter la corde : la ranger dans le sac sans faire de noeuds.
Lire le milieu aquatique
Au pied de la cascade, une salamandre nous attend. Petite surprise qui nous rappelle que les canyons sont des endroits de vie sauvage à respecter et à comprendre pour y évoluer. Certains sont d’ailleurs soumis à des arrêtés préfectoraux, qui interdisent périodiquement la pratique, afin de préserver la faune. Des arbres morts couverts de végétation et de nombreuses plantes grimpantes nous offrent un paysage jurassique… envoûtant mais toujours hostile car le milieu naturel n’est pas figé. Il faut progresser avec précaution, pour ne pas poser ses pieds sur des surfaces glissantes. Des arbres, des rochers peuvent tomber, obstruant certains passages, modifiant certaines vasques*. La vigilance est de mise en abordant le premier toboggan : « amortissez en pliant vos jambes à l’arrivée! » nous prévient Jacqueline Mélis. Assis sur le rocher, penché légèrement en arrière, gainé, les bras croisés sur le torse : la position pour passer un toboggan sans se blesser. Plouf ! Le côté ludique de la pratique se révèle. Prochain obstacle, passer dans une « chatière » au milieu d’un rappel : un trou entre plusieurs rochers. « Il faut serrer les fesses pour passer ! » Nous prévient Jacqueline
Mélis, qui précise que, lorsqu’il y a trop d’eau, il est possible de contourner la cascade. Plus loin, l’instructrice vérifie la profondeur d’une vasque pour nous indiquer où sauter. Il faut être précis pour ne pas se blesser. Nous passons ensuite dans un long couloir sous le
rocher, avec suffisamment d’eau pour nager. Une atmosphère de spéléo ! Vient ensuite un toboggan très vertical du haut duquel nous apercevons une succession de vasques suspendues : « C’est la partie Aqualand ! » se réjouit Sylvain Melin, avant d’attaquer la glissade. Saut, toboggan, encore un saut puis toboggan ! Un terrain de jeu sculpté par la nature pour notre plus grand plaisir ! L’eau a beau faire une dizaine de degrés, elle nous comble par ses aménagements naturels.
Techniques de secours
« On pourrait se demander pourquoi avoir besoin d’aller dans un club et d’apprendre autant de techniques pour faire des sauts et des toboggans, reconnaît Sylvain Melin, également président du club lyonnais Araignée Bleu Ciel. Moi le premier, quand j’ai découvert le canyon, j’ai démarré avec ma corde et mon couteau, sans savoir grand chose… avant de me rendre compte que c’était complètement inconscient! Car installer un rappel, ce n’est pas juste savoir poser un système débrayable, il faut aussi savoir lancer la bonne longueur de corde, pour ne pas s’emmêler dedans à l’arrivée, faire attention lorsqu’on la récupère pour qu’elle ne se bloque pas au relais* sous la force d’une cascade… ce n’est pas aussi simple que cela en a l’air. » « On a tous commencés
un peu « à l’arrach’ » complète Jacqueline Mélis, en se renseignant comme on peut. Mais lorsqu’on se forme, on comprend que l’on est souvent passé à côté de la catastrophe et qu’on a eu de la chance. » L’instructrice évoque les « personnes avec des gilets de flottaison, en maillots de bain ou en combinaisons sans manches » croisés occasionnellement… entre autres erreurs de débutants qui peuvent se révéler dangereuses. « Nous venons de vous montrer les manip’ de base, qui suffisent quant tout se passe comme prévu, mais pour être autonome, et surtout pour emmener d’autres personnes, il faut aussi connaître les techniques de secours: remonter sur corde, passer un noeud, installer des mains courantes*, utiliser des bloqueurs, savoir s’arrêter, communiquer avec des gestes, avec un sifflet lorsqu’on ne se voit pas… mais toutes ces techniques s’apprennent rapidement. Le reste vient progressivement, avec l’expérience. »
Un sport de gros bras ?
Si Jacqueline Mélis fait figure d’exception dans l’univers du canyoning, en tant que femme particulièrement expérimentée, elle tient à rassurer sur les pré-requis nécessaires : « C’est un sport de technique et d’expérience, qui ne demande pas tant de force physique », « contrairement à ce que les hommes peuvent faire croire » ajoute Sylvain Melin, « Beaucoup fanfaronnent en disant que c’est un sport de costauds, mais il n’y a aucune raison que les femmes ne puissent pas être aussi fortes que les hommes! » « Pour être un bon pratiquant, il faut plutôt certaines qualités : être doué dans la lecture du terrain, être réactif en cas de problème… et ne pas être trop frileux quand même » conclut Jacqueline Mélis en esquissant un sourire. Car une fois expérimenté, il est possible de s’aventurer dans des canyons glaciaires, souterrains et même de pratiquer l’hiver ! De beaux projets de sensations fortes… et fraîches!