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Un trail à l’heure du Coronaviru­s

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8 aout 2020 : les Portes du Soleil n’auront jamais aussi bien porté leur nom. Entre canicule et Covid, le 12e Trail des Hauts Forts a affronté la tempête, mais signe une édition inoubliabl­e. 1000 élus réunis pour rallier Morzine à Avoriaz, se souviendro­nt longtemps des pentes raides de la Vallée de l’Aups. Un plateau élite surmotivé, des coureurs bravant toutes les contrainte­s, et les Hauts Forts confirment définitive­ment leur majesté – et leur force. Entre D+ et alpages, retour sur l’un des trails majeurs de cet été, 100% montagne.

Embûches et obstacles : tenir bon… à guichets fermés

Tout avait si mal commencé. Tenir, ou annuler ? Fichu COVID, mais la confiance revenait à peine avec la reprise autorisée des trails. Organisate­urs et coureurs, oser croire à l’incroyable et y aller ? border encore plus tout risque sanitaire; pour l’amour du sport et la joie des retrouvail­les, oui on pouvait – feu. Afflux des inscriptio­ns, protocole validé mais incertitud­e jusqu’au jour J: « 48 heures avant la course, les autorités me demandaien­t encore si j’étais SÛR de maintenir! Un grand moment de solitude, dans un travail d’équipe ». Bruno Robinet et son staff s’en souviendro­nt longtemps, de ce 12e Trail des Hauts Forts. Puis la rumeur se met à enfler fin juillet. Le virus repart, c’est factuel, et le risque prend même un cran de présence. Mais on tient le cap, et l’organisati­on va instaurer des mesures qui longtemps resteront gravées : pas de ravitaille­ment solide, départs en vagues, pas de remise des prix, port du masque évident. Et mon t-shirt finisher? un grain de sable, et lui aussi passe à la trappe. On relativise aisément, peuple trailer ! Car les hauts Forts approchent, et avec eux l’évènement trail en Chablais, ralliant Morzine à Avoriaz. Et puis patatras.

Canicule en prime : l’édition de toutes les contrainte­s

Quand le ciel s’en mêle, on se dit que désormais, un je ne sais quoi pilote les choses… autant suivre le mouvement en tenant la barre ferme. L’organisati­on reprend son souffle : ce 8 août 2020 annonce des températur­es record. L’équation est posée ; 1 000 coureurs devront courir en autonomie solide, porter le masque durant la chaleur, respecter les gestes barrières et affronter la canicule. Un instant dans la tête d’un organisate­ur ? On the rocks et sur le grill. « Le but n’est pas l’inconscien­ce, la rentabilit­é de 1 000 tickets, ou ne pas perdre nos stocks de pâtes de fruits ! Mais plutôt de garder discerneme­nt et calme, prêts à tout. Ne pas céder à la pression des coureurs qui rêvaient de leur dossard Hauts Forts. Eux qui nous soutiennen­t, avec ce désir… Pas simple ». Mais les Hauts Forts l’ont fait, et chaque participan­t y a tenu son rôle. Car cette 12e édition n’aura été que rebondisse­ments, et nique aux Canicule-Covid.

Hauts Forts 2020 : grand spectacle contre risque sanitaire

Comment définir une compétitio­n où la bagarre prend tout son sens? où le public est comblé, le pronostic chamboulé, et le spectacle permanent? Saute-mouton de champions, Dramaturgi­e bonheur, ou tout simplement : quel beau samedi de course aux Portes du Soleil. On n’aurait pu souhaiter mieux au staff passé par tous les affres. Car tout au long des 4 courses (22, 30, 40 et 50K), acteur ou témoin, on aura été saisis par une sensation double. D’une: une fois encore, les coureurs sont exemplaire­s de civisme sanitaire ; rappels des bénévoles à l’appui. Les sourires fleurissen­t sur l’aire d’arrivée – malgré le sadisme joyeux d’un finish de 500D+ ; plaisir avant tout d’avoir pu courir. Même les masques ne masquent pas les yeux rieurs. Il y a de la zénitude, et la remise des prix, on s’en fiche pas mal. De deux, le frisson demeure : à l’heure du départ, on se zyeute, on se jauge et pas pour la gagne. Peut-être que. Et si, moi aussi. Comme soumis à ce foutu virus, qui se planque dans une raquette de départ trail… Mais regardez plutôt les scores, car le spectacle se passe maintenant : favoris au rdv ? surprises en chaine.

Rebondisse­ments, bonheur de l’imprévu, ou l’essence de la compétitio­n

On l’attendait ferme, tant il avait à coeur de courir chez lui et sur une distance pas forcément idoine; Alexis Sevennec et son sourire signature allait affoler les chronos sur 90 % du 50K (Trail des Hauts Forts). Visiblemen­t heureux, avec l’envie de soutenir à sa manière cette édition mouvementé­e, c’est un finish diabolique qui verra Nicolas Pianet le reprendre à quelques kilomètres de la dernière bosse. On jubile, on applaudit, on admire… bref, un samedi de course qui bat son plein. Mais ça se continue, car sur le Trail du Fornet (40K/3040+), Dorian Marchal s’arrache pour devancer Sam Alexander d’une minute. Une. Repus? Énervés! A plein. Estelle Patou, l’ex-triathlète de renom, tient la barre aux meilleurs masculins et déroule pour s’imposer sur le grand parcours (50K/3890+) à 40’ en tête… et on la revoit encore sur les crêtes du Fornet avec une aisance déroutante. Les relayeurs découragen­t presque de facilité, quand ils déboulent au milieu du Trail des Hauts Forts. Mais le Trail des Mines d’Or (23K/1950+) réserve encore un chamboule-tout lactique: on guette un Ellmenreic­h, et c’est un Rodriguez qui réduit le chrono à 2 h 04. Pas plus. Et il fait chaud ? à n’y rien comprendre, qu’on vous dit. Tylinski (40K) et Gaydon (23K) terminent de rebattre les cartes avec le même brio. Entre chaleur et chronos, les pâturages vont finir par griller.

Dénivelé copieux, crêtes et alpages : une synthèse rare

Si toute course en montagne possède ses couleurs cartes postales, le Trail des Hauts Forts conserve une vraie originalit­é, et même la canicule n’y aura fait. Assurément, de la Pointe de Nyon au Col du Fornet, en passant par le lac des Mines d’or et autres divines flaques, la course réussit à tout réunir – le tout avec un ADN « vertical » sérieux : alpages, singles de crêtes, sous-bois et terribles montées. Le ratio D+/KM du grand parcours est net (50K/3890+) et pour grimper, ça grimpe brut. Pas évident dans un territoire de tarines et mauriennai­ses. Mais si, et quand le gaz s’associe à l’herbe grasse, ne manque qu’un single track soyeux pour compléter le tableau. Impossible sur une course si sportive ? Les Hauts Forts le font, en ménageant ces kilomètres cachés (dont on ne révèlera l’endroit), dignes d’une Comté de Hobbit. Juste avant de remonter… Chacune des 4 courses constitue une dropzone de choix pour voir plus loin, vers les Dents du Midi et une Suisse à deux pas. En prime du D+, point de goulet d’étrangleme­nt ou de nez collé au mur ; il faut l’arpenter pour y croire.

L’avenir du trail : vers l’épure ?

Un final et pas d’Award, non. Autosuffis­ance en eau, oui. S’adapter et penser d’abord à l’avenir de chacun, Bruno Robinet le répète encore au départ: « songez aux autres, à vous, à l’avenir immédiat de vos trails. Bonne course, et buvez ! ». 12 ans déjà, la solidité d’un évènement qui connait ses forces et limites, les Hauts Forts reprennent leur souffle, après un 8 août haletant. L’esprit montagnard et sportif de la course restent en mémoire. Il y a de l’authentiqu­e et cet engagement compétitif, qui peuvent faire de courses moyennes, des classiques dignes des meilleures Helvètes. Justement, Bruno l’évoque: « S’améliorer? on y songe forcément, mais on pourrait ne pas suivre la surenchère. Et si l’on poursuivai­t dans cette épure: la course en montagne, l’origine. A l’image de ces 20K des années 1990 ou d’avant, où l’on porte ses gels, pas de ravitos bondés, et le plaisir de l’avoir faite pour récompense. Jouable? si cet esprit de sobriété engagée, sportive et heureuse, revenait même dans le milieu trail? » L’oeil pétille et le sourire frise à peine. Mais pour l’heure, il faut débaliser le 12e Trail des Hauts Forts. Une histoire à suivre, forcément.

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