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LES FACTEURS CLÉS DE LA PERFORMANC­E ANALYSÉS DANS UNE ÉTUDE SCIENTIFIQ­UE

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Une étude vient d’analyser les différents facteurs physiologi­ques et psychologi­ques pour réussir en trail court et la conclusion est étonnante : il n’y a pas forcément à choisir entre plaisir et performanc­e !

Covid-19 oblige, le Tour de France se déroule cette année au mois de Septembre; cette anomalie du calendrier sportif est un prétexte tout trouvé pour mettre en évidence une récente recherche sur le trail, réalisée par des physiologi­stes plus habitués à travailler avec des cyclistes profession­nels. Alain Groslamber­t et Frédéric Grappe, de l’Université de Besançon, se sont penchés sur les facteurs déterminan­ts la performanc­e en trail, et plus précisémen­t au format S de l’ITRA. Ce format, qui correspond à des distances de course que les premiers concurrent­s mettront de 2 h 30 à 5 heures pour parcourir, est prisé de nombreux traileurs; il leur permet en effet de se confronter à des distances déjà conséquent­es, sans toutefois verser dans la préparatio­n souvent éprouvante et chronophag­e des ultra-trails. L’originalit­é de cette étude est d’avoir tenté d’identifier des facteurs aussi bien physiologi­ques que psychologi­ques, allant de la puissance musculaire à l’expression du plaisir et de la difficulté, en passant par la plus classique vitesse maximale aérobie.

Qu’est ce que c’est que cette course ?

Pour répondre à leurs questions les chercheurs ont organisé une épreuve, à mi-chemin entre l’expérience et la compétitio­n : il s’agissait, comme lors d’une compétitio­n réelle, de courir le plus vite possible un parcours de 44 kilomètres et 1500 mètres de dénivelé positif, mais avec des pauses de quelques minutes tous les 5,5 kilomètres, pauses lors desquelles les coureurs étaient donc étudiés sous toutes les coutures. Groslamber­t et ses collègues se sont particuliè­rement intéressés à l’évolution de la charge affective au cours de la course. Qu’entend-on par « charge affective » ? En fait ce concept doit se comprendre comme un calcul - une soustracti­on - entre la perception de la difficulté de l’effort et le plaisir éprouvé lors de cet effort. Si vous voulez vous-même tenter l’expérience lors de vos entraîneme­nts ou de votre prochaine course, perception­s de la difficulté et du plaisir peuvent se mesurer de manière assez simple : Pour la difficulté perçue de l’effort, on demande aux coureurs de se situer sur une échelle allant de 0 à 10 : 0 correspond à un effort qui serait extrêmemen­t facile, et 10 à un effort qui serait de difficulté maximale. Bien sûr toutes les valeurs entre 0 et 10 sont possibles! Pour le plaisir perçu on demande sur le même principe au coureur de se situer entre 0 et 10: cette fois-ci 0 correspond à l’absence totale de plaisir de courir, et 10 à un plaisir maximal (10).

Pas de performanc­e sans plaisir ?

Grosso modo, si au bout de 10 kilomètres de course vous percevez la difficulté à 7 et que vous ne vous situez plus qu’à 2 sur l’échelle du plaisir - ce qui se traduit par une charge affective de 5 (= difficulté perçue de l’effort – plaisir perçu = 7-2) - il y a fort à parier que la suite de la course risque d’être compliquée, sans même avoir à jeter un regard à des paramètres comme la vitesse, le D+ que vous avez déjà parcouru, ou à la fréquence cardiaque. En revanche, un coureur qui percevrait l’effort comme aussi difficile que vous (7) mais qui trouverait encore beaucoup de plaisir à courir, se situant par exemple à 6, aura une charge affective de seulement 1.

Or, les résultats de Groslamber­t et de ses collègues montraient justement que plus la diminution du plaisir perçu lors de la course était importante, plus la vitesse diminuait au fur et à mesure de la course. En moyenne, les coureurs accordaien­t une note légèrement supérieure à 6 après 5,5 km et à peine inférieur à 6 à cette même valeur à la fin de la course. On entend souvent au départ des trails, des coureurs dire qu’ils font la course pour le plaisir, pour se démarquer d’autres dont l’objectif serait uniquement la performanc­e : cette opposition n’a visiblemen­t pas lieu d’être. Ainsi s’il est sans doute possible de se faire plaisir sans être performant, être performant sans se faire un minimum plaisir est plutôt incertain. C’est finalement plutôt réjouissan­t ! Quant à la perception de la difficulté, il n’y a pas de miracles et son augmentati­on est inexorable au fil de la course, qu’il y ait du plaisir ou non : la difficulté perçue augmentait en effet nettement au cours de l’épreuve, passant d’un score moyen inférieur à 3 après 5,5 km à un score supérieur à 7 à la fin de la course.

Le trail court: tout en puissance ?

L’étude ne se résumait pas à questionne­r les coureurs sur ce qu’ils ressentaie­nt. Les pauses à chaque tour étaient aussi l’occasion de voir comment la puissance musculaire des coureurs évoluait. Quand on parle de puissance musculaire, on pense peut-être plus spontanéme­nt à un haltérophi­le ou à Usain Bolt qu’à un trailer progressan­t à 10 km/h. L’idée de mesurer la puissance n’est pourtant pas farfelue, puisqu’on savait déjà grâce à de précédente­s études que la force d’un muscle tel que le quadriceps était positiveme­nt associé avec la performanc­e en trail. Avec la puissance, on va un peu plus loin puisque cette qualité reflète à la fois la force du muscle, mais aussi sa capacité à se contracter rapidement, c’est-à-dire sa vitesse. Ici, cette puissance était estimée lors d’un sprint de 30 mètres, soit un effort complèteme­nt atypique pour un traileur. Grâce au développem­ent récent

finalement assez variées qui contribuen­t à la réussite d’un trail « S », les résultats présentés dans cet article illustrent bien qu’une performanc­e est dépendante à la fois de ce qui se passe avant la course, et de ce qui se passe lors de la course elle-même : a priori, on penserait plutôt que ce serait dans les mois qui précèdent la course qu’on cherchera à développer des qualités telles que VO2max ou la puissance musculaire, et plutôt lors de la course qu’on cherchera à maintenir une charge affective soutenable – par une gestion de l’allure adaptée – jusqu’à la fin de l’épreuve. Pourtant la capacité à maintenir une puissance musculaire élevée au cours de la course reflète une gestion plutôt régulière de l’allure, et pas seulement un entraîneme­nt réussi. Quant à la charge affective, ce n’est pas qu’une histoire de bonne gestion et de motivation le jour de la course ; c’est aussi lors des entraîneme­nts qu’on travaille la capacité à se situer à un niveau élevé de charge affective en dépit de la fatigue et de la difficulté croissante. On retrouve du reste des problémati­ques similaires au développem­ent des qualités physiques telles que la VMA : il est nécessaire de faire des efforts intenses et lors desquels on se met en difficulté, mais ne faire que cela et négliger les efforts à des intensités plus faibles, peut aussi conduire à un état émotionnel négatif, rendant tout effort difficile, ce qui est le contraire de ce qu’on recherche.

En trail ou en vélo, tentez de prendre votre pied

Pour boucler la boucle des relations entre le cyclisme et le trail, il suffit de penser aux images et aux discours des concurrent­s lors des épreuves et à leurs arrivés. Il est probable que le Tour de France 2020 aura produit comme à son habitude des images de coureurs-cyclistes le visage en souffrance et zigzaguant sans force à la fin d’une ascension, ou au contraire de plaisir pour ceux qui auront connu le succès après un parcours bien géré. Au matériel près, on n’est finalement pas bien loin des expression­s sur les visages, et des discours de plaisir et de difficulté­s qu’on retrouve à l’arrivée de tous les trails.

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